LE CAIRE : L'accord conclu au Soudan pour réintégrer le Premier ministre à la suite d'un coup d'État militaire est imparfait, mais a permis au pays de ne pas sombrer dans la guerre civile, a déclaré vendredi l'envoyé de l'ONU au Soudan.
Volker Perthes parlait de l'accord entre les chefs militaires soudanais et le Premier ministre Abdalla Hamdok, qui a été destitué et assigné à résidence à la suite du coup d'État du mois dernier qui a suscité un tollé international.
La prise de contrôle militaire menaçait d’étouffer le processus de transition démocratique dans lequel le pays s'était engagé depuis l'éviction de l'autocrate de longue date Omar Bashir.
L'accord, signé dimanche, était considéré comme la plus grande concession faite par le plus haut chef militaire du pays, le général Abdel Fattah Al-Burhan, depuis le coup d'État.
Cependant, les groupes prodémocratie du pays l'ont rejeté comme illégitime et ont accusé Hamdok de s'être permis de servir de simple couverture pour maintenir le régime militaire.
«L'accord n'est bien sûr pas parfait», a indiqué Perthes.
«Mais c'est mieux que de ne pas avoir d'accord et de continuer sur une voie où les militaires seront à la fin les seuls dirigeants».
Les deux signataires se sont sentis obligés de faire des «concessions difficiles» afin d'épargner au pays le risque de plus de violence, de chaos et d'isolement international, a-t-il ajouté.
«Il n'aurait pas été possible d'exclure un scénario qui aurait amené le Soudan à quelque chose de proche de ce que nous avons vu au Yémen, en Libye ou en Syrie», a jugé Perthes. Il s'est entretenu avec l'AP par vidéoconférence depuis Khartoum.
Le Soudan est aux prises avec sa transition vers un gouvernement démocratique depuis le renversement militaire de Bashir en 2019, à la suite d'un soulèvement de masse contre trois décennies de son régime.
L'accord que Hamdok a signé avec l'armée envisage un Conseil des ministres indépendant composé de technocrates dirigé par le Premier ministre jusqu'à la tenue de nouvelles élections.
Le gouvernement restera toujours sous contrôle militaire, bien que Hamdok affirme qu'il aura le pouvoir de nommer des ministres.
L'accord stipule également que tous les détenus politiques arrêtés à la suite du coup d'État du 25 octobre doivent être libérés. Jusqu'à présent, plusieurs ministres et hommes politiques ont été libérés. Le nombre de personnes encore détenues reste inconnu.
«Nous avons maintenant une situation où nous avons au moins une étape importante vers le rétablissement de l'ordre constitutionnel», a souligné Perthes.
Depuis la prise de contrôle par les militaires, les manifestants sont descendus à plusieurs reprises dans la rue lors de certaines des plus grandes manifestations de ces dernières années.
Les forces de sécurité soudanaises ont réprimé les rassemblements et ont tué plus de 40 manifestants jusqu'à présent, selon des groupes d'activistes.
D'autres mesures doivent être prises de manière à prouver la viabilité de l'accord, a signalé Perthes, notamment la libération de tous les détenus, la cessation de l'usage de la violence contre les manifestants et la pleine liberté de Hamdok de choisir les membres de son cabinet.
Jeudi, des milliers de personnes se sont rassemblées à Khartoum et dans plusieurs provinces soudanaises pour exiger un gouvernement entièrement civil et protester contre l'accord.
Des militants avaient diffusé sur les réseaux sociaux des vidéos montrant des grenades lacrymogènes tirées sur des manifestants.
Toutefois, la police soudanaise a affirmé que des manifestants avaient lancé des cocktails Molotov et des pierres sur deux postes de police de la capitale Khartoum et de sa ville jumelle d'Omdurman, blessant plus de 30 policiers. Dans un communiqué publié jeudi soir, les autorités ont déclaré avoir arrêté 15 personnes.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com