BEYROUTH : Trois juges ont démissionné au Liban pour protester contre l'ingérence du pouvoir politique dans la justice, notamment dans l'enquête sur l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth, a-t-on appris jeudi de source judiciaire.
Dans un pays où les dirigeants politiques déterminent les nominations judiciaires, y compris dans les plus hautes juridictions, la marge de manœuvre de la justice est faible.
Une enquête sur la gigantesque explosion du 4 août 2020 a montré l'ampleur des ingérences politiques dans la justice, de hauts responsables s'acharnant sur le juge d'instruction Tarek Bitar, en recourant à des manœuvres juridiques pour entraver son travail.
Mercredi, trois juges ont présenté leur démission "pour protester (...) contre les ingérences politiques dans le travail de la justice et les atteintes aux décisions émises par les juges et les tribunaux", a rapporté la source judiciaire.
Le chef du Conseil supérieur de la magistrature, qui doit encore approuver ces démissions, a promis de discuter de la question lors de sa prochaine réunion, selon la même source.
Des responsables politiques de tous bords refusent d'être interrogés par le juge Bitar, même si les autorités ont reconnu que l'explosion, qui a détruit le port et des quartiers entiers de Beyrouth, était due au stockage sans mesures de précaution d'énormes quantités de nitrate d'ammonium.
Les politiciens mis en cause ont déposé une quinzaine de plaintes contre le juge Bitar, qu'ils cherchent à écarter de l'affaire de l'explosion.
Parmi les trois magistrates ayant démissionné cette semaine figure une juge qui a refusé d'écarter le juge d'instruction à la demande d'un responsable. La validité de sa décision avait par la suite été contestée.
"Le questionnement permanent des décisions de justice ternit sa réputation", a affirmé à l'AFP la source judiciaire s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.
L'affaire de l'explosion de Beyrouth n'est pas la seule faisant l'objet d'ingérences politiques.
Une enquête sur des accusations d'évasion fiscale et d'enrichissement illicite portées contre le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, a également été suspendue après des poursuites lancées contre le juge d'instruction Jean Tannous.