STOCKHOLM: Un ancien responsable d'une prison en Iran accusé d'avoir participé aux exécutions de masse d'opposants en 1988 a dénoncé mardi les "mensonges" et accusations "fictives" portées contre lui, dans un procès inédit qui se tient en Suède.
Trois mois après l'ouverture de son procès qui a déjà donné la parole à des dizaines de parties civiles, Hamid Noury, 60 ans, est entendu pour la première fois cette semaine par le tribunal de Stockholm pour "crimes de guerre" et "meurtres".
"Je n'ai que quatre jours pour répondre à tous les mensonges proférés au peuple iranien", a affirmé l'accusé, chemise et pantalon clairs et barbe blanche finement taillée, dénonçant des "histoires fictives et fabriquées".
"Quand on va dans les détails, on voit que ça ne tient pas. Je vais mettre un point final à 33 ans de mensonges", a-t-il assuré, sans rentrer lui-même dans les détails.
La défense a obtenu que M. Noury puisse d'abord déposer sans contradiction, avant une confrontation ultérieure avec les procureurs.
C'est la première fois qu'un Iranien est jugé dans cet épisode sanglant ordonné par l'ayatollah Khomeini à la fin de la guerre Iran-Irak (1980-1988) et qui avait fait 5.000 morts selon des estimations de groupes de défense des droits humains.
Les exécutions de juillet-août 1988, décrétées par des "comités de la mort", visaient principalement l'organisation d'opposition des Moudjahidines du Peuple iranien (OMPI, ou MEK en persan), à l'époque armée et soutenue par le régime --ennemi-- de Saddam Hussein.
Le procès a déjà permis d'entendre plusieurs témoins, en Suède mais aussi lors d'un déplacement ces derniers jours en Albanie, souvent des membres ou d'anciens membres de l'OMPI.
Selon l'accusation, Hamid Noury occupait à l'époque des fonctions d'assistant auprès de l'adjoint au procureur à la prison de Gohardasht, à Karaj, près de Téhéran, dont une maquette a été installée dans la salle d'audience.
L'Iranien nie son implication et affirme n'avoir pas été présent au moment des faits, selon ses avocats.
Il a évité d'entrer dans le cœur des accusations lors de sa première journée d'audition, entre déclarations patriotiques, considérations générales sur l'histoire politique iranienne ou les "crimes" commis par les Moudjahidine du peuple.
Exposant son parcours, Hamid Noury s'est décrit lui-même comme courtois avec les prisonniers et "doué" dans son travail d'employé pénitentiaire, comme assistant du procureur. Mais, selon lui, il était rattaché à une autre prison.
"Il dit qu'il n'était pas là, mais on a 58 personnes qui disent le contraire", a affirmé à l'AFP Kenneth Lewis, un des avocats des parties civiles.
Plusieurs témoins affirment l'avoir formellement reconnu.
"Quand j'étais dans le couloir de la mort, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de le voir, et j'ai vu qu'à chaque fois que des noms de (prisonniers) étaient lus, il les suivait jusqu'à la salle d'exécution", a affirmé à l'AFP un des témoins au procès, Reza Falahi, 61 ans.
Arrêté à l'aéroport
"Il revenait 45 minutes plus tard, et la scène se répétait plusieurs fois par jour".
Possible du fait de la compétence universelle de la justice suédoise pour les chefs d'inculpation les plus graves, le procès est considéré comme historique par des organisations de défense des droits humains.
L'affaire est très sensible en Iran, des militants accusant des membres du gouvernement, comme Ebrahim Raïssi récemment devenu président, d'avoir joué un rôle dans les "comités de la mort".
Interrogé en 2018 et en 2020, M. Raïssi a nié avoir été impliqué, mais a rendu "hommage" à l'"ordre" donné par l'ayatollah Khomeini de procéder à l'épuration.
Quelques dizaines de membres de l'OMPI manifestaient mardi matin devant le tribunal pour réclamer justice.
"Je veux que la communauté internationale arrive à la conclusion qu'il n'y a pas d'échappatoire, que (les responsables) doivent faire face à leurs crimes", a dit à l'AFP Ahmad Ebrahimi, un autre rescapé qui vit désormais au Royaume-Uni.
Hamid Noury avait été arrêté en novembre 2019 à l'aéroport de Stockholm.
Un ex-prisonnier de Gohardasht, Iraj Mesdaghi, affirme l'avoir attiré sur le sol suédois en l'alléchant avec une croisière.
L'accusé a présenté une autre version, affirmant être venu en Suède pour régler un litige au sein d'une famille iranienne "respectable" habitant le pays.