BEYROUTH: Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a annoncé vendredi qu'il convoquera bientôt une séance du cabinet, affirmant que la situation dans le pays est «très difficile et que le peuple libanais ne devrait pas avoir à faire face à de nouvelles crises».
Ses commentaires sont intervenus après que des manifestants ont pris d'assaut le bâtiment du ministère de la Santé à Beyrouth vendredi matin, en opposition à la levée des subventions sur les médicaments, ce qui a fait monter en flèche les prix des soins de santé vitaux.
Arab News a appris d'une source proche de Mikati que le ministre de l'Information, George Kordahi, présentera sa démission du gouvernement lors de la prochaine séance du cabinet. Les récentes déclarations de Kordahi concernant l'Arabie saoudite ont incité le Royaume et d'autres États du Golfe à rompre les relations diplomatiques et économiques avec le Liban.
Le parti politique libanais soutenu par l'Iran, le Hezbollah, a insisté pour que Kordahi ne démissionne pas afin de désamorcer la crise diplomatique, invoquant la «souveraineté nationale».
Le président, Michel Aoun, a récemment déclaré à une délégation militaire libanaise que «le Liban cherche toujours de meilleures relations avec les pays arabes, en particulier les pays du Golfe».
Il a ajouté: «Nous espérons que ce qui a conduit à un problème avec ces pays sera rapidement résolu. Il est important que les intérêts du peuple libanais ne soient pas lésés et qu’il ne paie pas pour ce qui se passe.»
Dans une interview au quotidien arabophone Al-Akhbar, publiée vendredi, Aoun a révélé qu'il n'était pas enthousiaste à l'idée que le ministre de l'Information soit limogé pendant la séance du cabinet et préférerait que la décision soit prise personnellement par Kordahi.
Mikati a rendu visite à Aoun vendredi matin et l'a informé de son intention de tenir une séance ministérielle. Il s'est ensuite rendu au siège de la Confédération générale du travail, où il a annoncé: «Il y a plus de 100 questions à l'ordre du jour du cabinet, nous devons donc tenir une session bientôt pour gérer les affaires de l'État et accélérer le budget public et le soumettre au Parlement pour approbation, parallèlement à l'approbation des réformes nécessaires pour parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international.»
Les séances du cabinet ont été suspendues moins d'un mois après la formation du gouvernement de Mikati en septembre, lorsque le Hezbollah et le mouvement Amal ont appelé à la destitution de Tarek Bitar, le juge chargé de l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth en août 2020, l’accusant de «politiser» l’enquête.
À la suite des affrontements meurtriers à Tayouneh, le 14 octobre de cette année entre les partisans du Hezbollah et du mouvement Amal qui protestaient contre la gestion de l'enquête par Bitar d'une part, et les Forces armées libanaises et des tireurs non identifiés d’autre part, les partis ont refusé d'assister aux séances du cabinet. Le Hezbollah affirme que les Forces armées libanaises sont responsables des affrontements et appelle à l'arrestation des éléments impliqués dans l'incident.
Les crises successives ont aggravé l'effondrement économique déjà désastreux du Liban. La livre libanaise n’a cessé de perdre de sa valeur; elle s'échange actuellement à 23 000 livres libanaises pour un dollar (1 dollar américain = 0,86 euro).
«Le Liban n'a pas d'autre choix que de recourir au FMI, et les négociations pourraient durer jusqu'en 2022», a signalé Mikati. «Mais à travers le FMI, notre pays donne un certain signal au monde que le Liban peut se redresser et doit être soutenu.»
«Le monde ne veut pas que le Liban tombe et est prêt à nous aider», a-t-il poursuivi. «Et quand je dis le monde, je veux dire aussi les pays arabes. Mais nous devons d'abord effectuer le travail nécessaire. Nous avons atteint un taux d'inflation sans précédent à cause d’années de subventions. Subventions que nous ne sommes plus en mesure de fournir puisque le trésor public est incapable de les supporter.»
Mikati a aussi annoncé que des mesures seraient prises au «début du mois de décembre afin d’obtenir de la Banque mondiale une aide à 250 000 familles, d’un montant de 245 millions de dollars». Mikati a ainsi précisé que le processus de paiement commencera d’ici la fin de 2021 ou le début de 2022.
«Il y a également une aide destinée à 40 000 familles résidant dans des villages à 700 mètres d'altitude, d'une valeur de 165 dollars par famille», a-t-il ajouté. «Nous collaborerons de plus avec le Programme alimentaire des Nations unies, qui allouera 600 millions de dollars aux Libanais, dès le début de l'année prochaine.»
Mikati a d’ailleurs fait référence à la contrebande et au stockage illégal de médicaments subventionnés pour les maladies chroniques et cancéreuses et a noté qu'une enquête sur le manque de lait maternisé subventionné sur le marché a montré qu’il était «utilisé à des fins nutritionnelles dans les usines laitières».
Il a encore souligné que le gouvernement n'avait pour le moment aucune intention de vendre les actifs de l'État. «Ce n'est pas du tout le bon moment», a-t-il assuré. «Notre priorité actuelle est d’apporter des réformes dans tous les secteurs et d'améliorer l'approvisionnement en électricité.»
Ali Darwich, un député du bloc parlementaire de Mikati, a précisé que le Premier ministre avait «intensifié ses consultations politiques à la recherche d'une issue à la crise politique».
Darwich a déclaré à Arab News: «Tout le monde était convaincu de la nécessité de tenir des séances du cabinet. Tout le monde était d’accord sur la nécessité de désamorcer les crises et sur le fait que les problèmes judiciaires ne doivent être résolus qu'au sein du système judiciaire lui-même. Lorsque la paralysie touche le secteur public et le secteur de la santé, aucun parti, y compris le Hezbollah, n'a intérêt à faire obstacle aux solutions, car personne ne sera épargné.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com