BEYROUTH: Soixante-douze heures avant la date butoir d’inscription des expatriés sur les listes électorales pour les élections législatives libanaises actuellement prévues pour le 27 mars prochain, le Courant patriotique libre (CPL) du président Michel Aoun, a déposé mercredi un recours auprès du Conseil constitutionnel concernant les amendements à la loi électorale récemment approuvés par le Parlement.
Le 28 octobre, la majorité absolue du Parlement a adopté les plans visant à modifier les lois électorales de 2017 pour que les élections législatives puissent se tenir en mars plutôt qu’en mai. Les députés ont de même supprimé les dispositions prévoyant l’élection de six membres du Parlement pour représenter les expatriés et l’introduction d’une carte biométrique et magnétique qui permettrait aux électeurs de voter depuis leur lieu de résidence plutôt que de retourner dans leur ville d’origine pour voter.
Dans son recours devant le Conseil constitutionnel, l’équipe du président a soutenu que la décision de priver les expatriés de leurs propres représentants élus au Parlement «annule un droit de base et fondamental d’un groupe libanais particulier».
«La modification des dates butoir est une violation du principe de séparation des pouvoirs; le Parlement n’est pas habilité à discuter de la date des élections déterminée par le pouvoir exécutif, ce qui constitue une violation des dispositions de la Constitution», a-t-il ajouté.
L’appel a également souligné que «l’abolition de l’article 84 de la loi, relatif à la carte magnétique, qui permet à l’électeur de voter dans son leu de résidence, affectera la crédibilité et la transparence du processus électoral».
Alain Aoun, membre du CPL, a déclaré: «Le Conseil constitutionnel rendra sa décision dans un mois et le CPL se conformera à sa décision.»
Il a aussi mis en garde contre «toute mesure qui pourrait être prise par le ministre de l’Intérieur, consistant à inviter les organes électoraux à se réunir avant la décision du Conseil constitutionnel.»
Si le Conseil constitutionnel confirme le recours, la disposition prévoyant six sièges au Parlement pour représenter les expatriés sera reconsidérée. Dans le cas contraire, les citoyens libanais vivant à l’étranger devront voter dans l’une des 15 circonscriptions électorales du Liban.
Le président, quant à lui, s’oppose à la reprogrammation des élections en raison de l’effet que cela aura, selon lui, sur la campagne électorale. Il s’oppose également à l’abandon des projets de «mégacentres» de vote qui permettraient aux gens de voter en dehors des zones où ils sont inscrits, au motif que cette initiative aurait un effet négatif sur la participation des chrétiens des régions éloignées, qui seraient contraints de retourner dans leur village pour voter par temps de neige et de payer un transport coûteux pour le faire.
L’appel du président a amené certains à se demander si cette initiative ne risquait pas de perturber les élections, entraînant un report, voire une annulation. Si le ministre de l’intérieur maintient la date prévue pour le scrutin du 27 mars, il devra demander aux organes électoraux de se réunir avant le 27 décembre. Il est également possible qu’il y ait des tentatives d’obstruction de la session du Conseil constitutionnel pour discuter du recours.
Gebran Bassil, le chef du CPL, veut maximiser le nombre d’expatriés inscrits pour voter depuis leur pays de résidence. À la date de mercredi, 180 000 expatriés s’étaient inscrits dans les ambassades libanaises à l’étranger. La date limite d’inscription est le 20 novembre.
Hadi Aboul-Hassan, secrétaire du bloc parlementaire du Rassemblement démocratique, s’est inquiété mercredi du fait que les informations personnelles des expatriés inscrits auprès du ministère des Affaires étrangères pour voter ont été divulguées à «un certain mouvement politique qui les utilise à son propre avantage».
Il a demandé au ministre des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, «une réponse concernant cette information et la prise de mesures strictes pour mettre fin à cette farce».
Walid Fakhreddine, un expert dans les affaires électorales, a déclaré à Arab News: «Certaines ambassades à l’étranger ont divulgué les numéros de téléphone des expatriés ayant le droit de vote au CPL afin qu’il puisse les contacter, ce qui a rendu furieux ces expatriés, qui considèrent que ces données auraient dû être protégées.»
Il a ajouté que le CPL «craint de perdre les élections parce qu’il a perdu le levier électoral fourni par les anciens alliés ayant quitté le parti en raison de leurs rivalités, notant que la popularité du CPL a diminué à l’intérieur du Liban».
«Le CPL n’est pas le seul à craindre un échec dans les élections, d’autres partis redoutent le même sort à la lumière du changement de l’humeur du public qui les a privés d’un énorme soutien», a-t-il précisé.
Fakhreddine a souligné que le soutien et l’aide internationale au Liban sont conditionnés par le bon déroulement des élections, ce qui empêche les partis au pouvoir de tenter de les annuler.
«Dans ce contexte, l’appel du CPL n’entravera pas les élections», a-t-il affirmé. «Cependant, quand le décret convoquant les organes électoraux lui sera présenté, le président pourrait essayer de faire des manœuvres pour reporter les élections au mois de mai.»
Entre-temps, les Conseils d’affaires libanais dans le Golfe ont écrit au ministre des Affaires étrangères pour se plaindre que «des centaines de demandes d’enregistrement de résidents hors du Liban sont en attente parce que le ministère refuse actuellement de les enregistrer sous des visas de tourisme ou de visite commerciale.»
Le groupe a déclaré que «de nombreux Libanais à l’étranger attendent que leur résidence officielle soit délivrée, un processus qui prend beaucoup de temps, ce qui constitue pour eux un obstacle qui les empêche d’exercer le droit de vote».
Il a appelé le ministère des Affaires étrangères à «fournir des facilités pour permettre à cette catégorie de participer aux élections».
Les Conseils des affaires libanais comprennent le Conseil des cadres libanais, le Conseil d’affaires libano-saoudien, le Conseil d’affaires libanais d’Abu Dhabi, le Conseil d’affaires libanais au Koweït, le Conseil d’affaires libanais à Dubaï et dans les Émirats du nord, et l’Autorité de développement des relations économiques entre le Liban et le Golfe.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com