PARIS : Plan pour Marseille, investissements France 2030 ou contrat d'engagement jeune: l'Assemblée nationale s'apprête à voter en première lecture mardi le projet de budget 2022, complété au fil des débats et des annonces présidentielles, et jugé "électoraliste" par les oppositions.
Les députés se prononceront en fin d'après-midi sur ce dernier budget du quinquennat, recettes et dépenses comprises, lors d'un vote solennel après la séance de questions au gouvernement. Le projet de loi de finances (PLF) va poursuivre son parcours au Sénat avant la navette parlementaire et son adoption définitive avant Noël.
Après le "quoi qu'il en coûte" durant la crise sanitaire, le gouvernement défend un budget de "normalisation" et d'investissements pour "accompagner la reprise". Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire loue la croissance retrouvée, 6,25% prévus en 2021 et 4% en 2022, et la baisse du chômage.
les principales mesures du budget 2022
Une forte reprise économique
Le projet de budget repose sur une prévision de croissance de 6,25% pour 2021 et de 4% pour 2022, une des reprises économiques les plus fortes de la zone euro, après l'une des récessions les plus massives en Europe (-8% en 2020).
Le gouvernement table sur un déficit public de 8,2% en 2021 et de 5% en 2022.
Grâce à la reprise, le ratio de dette publique ne devrait finalement que légèrement augmenter cette année à 115,3%, puis reculer à 113,5% en 2022.
Les missions régaliennes à l'honneur
Les ministères régaliens tirent leur épingle du jeu de la négociation budgétaire, avec +1,7 milliard d'euros pour les Armées, +1,4 milliard pour l'Intérieur et +720 millions pour la Justice.
L'Education est également bien dotée (+1,7 milliard, après +4,3 milliards en 2021), notamment pour financer les revalorisations des rémunérations des enseignants, tout comme la Recherche (+760 millions d'euros).
Au coup d'envoi des débats début octobre, les oppositions ont critiqué un parcours de "golf", un "budget à trous" suspendu aux annonces d'Emmanuel Macron, taxé d'être déjà en campagne pour un second mandat.
Entre la présentation du projet de budget et la fin de son examen en première lecture au Palais Bourbon, 11,8 milliards de dépenses supplémentaires ont été ajoutées, pour porter la prévision de déficit à 5% du PIB en 2022, avec un solde négatif de 155 milliards d'euros.
La méthode a souvent hérissé l'opposition, tout particulièrement l'adoption relativement rapide de "l'amendement le plus cher de la Ve République" (Valérie Rabault, PS). Il s'agit d'une promesse de 34 milliards d'euros d'investissements pour décliner en plusieurs années le plan d'investissements France 2030 annoncé par Emmanuel Macron pour "réindustrialiser" le pays et "décarboner" l'économie.
En 2022, la première tranche de ce plan représente 3,5 milliards d'euros seulement, mais droite et gauche voient dans la mesure le symbole d'un budget "électoraliste", qui "enjambe" l'élection présidentielle.
les principales mesures du budget 2022
Baisses d'impôts
Le gouvernement maintient le calendrier des baisses d'impôts décidées avant la crise mais ne souhaite prendre aucune nouvelle mesure fiscale.
Les 20% de ménages les plus aisés verront leur taxe d'habitation réduite l'an prochain, après une première étape en 2021. Déjà supprimée totalement pour 80% des ménages, elle le sera pour tous les contribuables en 2023.
De même, l'impôt sur les sociétés passera à 25% pour toutes les entreprises, dernière marche d'une réforme engagée en 2018 dans le but d'améliorer leur compétitivité.
«Stabilité» du nombre de fonctionnaires
A l'issue de ce dernier budget, le gouvernement prévoit une stabilité du nombre de fonctionnaires durant l'ensemble du quinquennat, très loin de la réduction d'effectifs de 50.000 agents de l'Etat sur 120.000 agents publics au total préconisée par Emmanuel Macron dans son programme électoral en 2017.
"Nous avons dû répondre à un certain nombre de besoins et faire face à des crises", a justifié le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt.
Plan d'investissement France 2030
Par un amendement voté durant les débats, ce projet de loi de finances décline le plan d'investissement France 2030 présenté par Emmanuel Macron en octobre. Il prévoit 34 milliards d'euros d'autorisations d'engagement durant plusieurs années avec une première tranche de 3,5 milliards en 2022.
Ils sont ventilés sur les différents objectifs attribués à France 2030, comme la "production en France d'au moins 20 bio-médicaments" (660 millions en 2022) ou l'ambition de "faire de la France le leader de l'hydrogène décarboné" (340 millions en 2022).
«Nucléaire» et «avion bas carbone»
"C'est surtout sur le fond que cet amendement est historique. Sur du moyen terme, du long terme, on a acté que la France allait investir 34 milliards d'euros sur des filières d'avenir comme le nucléaire ou l'avion bas carbone", répond le rapporteur général du budget Laurent Saint-Martin (LREM).
"C'est majeur parce que si nous nous arrêtions après le +quoi qu'il en coûte+ et le plan de relance, on n'aurait fait que la moitié du chemin", estime le député.
Autre ajout, quelque 550 millions pour le "contrat d'engagement jeune" présenté par le président de la République le 2 novembre.
Le dispositif proposera aux jeunes de moins de 25 ans les plus éloignés de l'emploi et des études une allocation pouvant aller jusqu'à 500 euros par mois en échange de 15 à 20 heures de formation et d'accompagnement. Il doit viser "au moins 400 000 jeunes en 2022".
L'opposition de gauche, qui plaidait pour une extension du RSA aux 18-24 ans, juge la mesure "tardive" et "insuffisante".
Les principales mesures du budget 2022
Bouclier tarifaire
L'Assemblée nationale a validé le "bouclier tarifaire" promis par le gouvernement pour atténuer la hausse persistante des prix de l'énergie avec le gel des tarifs réglementés du gaz et une limitation à 4% du tarif réglementé de l'électricité début 2022. Une mesure de dédommagement est prévue pour les fournisseurs.
L'indemnité inflation de 100 euros pour les Français percevant moins de 2.000 euros net par mois est quant à elle comprise dans le budget rectificatif pour 2021.
Contrat d'engagement jeune
Le gouvernement prévoit 550 millions d'euros en 2022 pour son nouveau contrat d'engagement jeune, un dispositif fléché vers les jeunes de moins de 25 ans les plus éloignés de l'emploi avec une allocation pouvant aller jusqu'à 500 euros par mois en échange de 15 à 20 heures de formation et d'accompagnement. Le dispositif, voté via un amendement gouvernemental, vise "au moins 400.000 jeunes" en 2022.
Face à la flambée des prix de l'énergie, l'Assemblée nationale a en outre validé le "bouclier tarifaire" du gouvernement: gel des tarifs réglementés du gaz et limitation à 4% du tarif réglementé de l'électricité. L'indemnité inflation de 100 euros figure pour sa part dans le budget rectifié pour 2021.
Le gouvernement a encore complété ce PLF 2022 par son plan pour Marseille, dont 30 millions de subventions et 100 millions d'avances remboursables dès 2022 pour les transports.
Ou par des mesures pour les harkis, avec une première tranche de 50 millions d'euros dès 2022 pour concrétiser le projet de loi de "réparation" promis à ces Algériens ayant combattu aux côtés de l'armée française durant la guerre d'Algérie.
Côté dépenses ministérielles, le gouvernement assume des hausses pour le régalien (Armées, Intérieur, Justice), grand gagnant de ce cru 2022.
Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) regrette un effort de désendettement insuffisant. Et l'opposition de droite fustige une "euphorie dépensière".
A Bercy, on laisse entendre qu'une croissance supérieure aux attentes en 2021 pourrait permettre d'engranger de "3 à 5 milliards d'euros" de recettes supplémentaires, qui "iraient à la réduction du déficit et de la dette", selon Bruno Le Maire.
Les principales mesures du budget 2022
Plan Marseille
Dans la foulée des déplacements d'Emmanuel Macron à Marseille, le budget prévoit des investissements pour la deuxième ville de France. En 2022, 32 millions d'euros de subventions directes et 100 millions d'euros d'avances remboursables sont fléchés vers les transports marseillais. Le gouvernement apporte aussi la garantie de l'Etat pour 650 millions d'euros d'emprunts de la future société chargée de piloter la rénovation des écoles de Marseille. 6 millions de subventions directes sont également prévues en 2022 sur ce volet.
Harkis
Cinquante millions d'euros sont prévus dans le budget 2022 de la France, pour apporter une première concrétisation de la promesse du président Emmanuel Macron de "réparation" à l'égard des harkis, ces Algériens ayant combattu aux côtés de l'armée française durant la guerre d'Algérie.