PARIS: Si Suez reste indépendant, il fera le bonheur et la fortune de ses actionnaires: le groupe qui refuse d'être absorbé par son rival Veolia a lancé à leur adresse une offensive séduction mardi, en rehaussant ses objectifs financiers avec à la clef la promesse de coquets dividendes.
Le spécialiste du traitement de l'eau et des déchets s'est déclaré en avance sur les objectifs de sa stratégie, destinée à le concentrer sur des services à forte valeur ajoutée, et a affirmé son "potentiel unique de création de valeur" en tant que groupe indépendant.
Un dividende exceptionnel d'au moins un milliard d'euros est notamment promis aux actionnaires "dès que possible et au plus tard au 1er semestre 2021".
Avec son plan à horizon 2030, Suez, numéro deux mondial du secteur, espère notamment prendre à Veolia sa place de numéro un.
"Mobilisés par les immenses enjeux nés de l'urgence environnementale, nos priorités sont d’investir dans les services à valeur ajoutée pour favoriser la croissance de Suez afin d'être le leader indépendant, agile et dédié aux services à l'environnement", a souligné le directeur général Bertrand Camus.
Le groupe bataille depuis fin août pour son indépendance, depuis que son actionnaire principal, Engie, s'est vu offrir par Veolia de lui céder ses 29,9% de parts pour 2,9 milliards d'euros. Le géant de l'énergie a jusqu'au 30 septembre pour répondre à la proposition.
L'intersyndicale de Suez a appelé à une journée de mobilisation contre cette vente mardi, avec appel à la grève et à se rassembler devant la tour d'Engie à la Défense.
Parler aux actionnaires
Selon la direction, le plan stratégique de Suez, annoncé en octobre 2019, "a bien avancé", notamment son volet cessions-acquisitions pour 3 à 4 milliards d'euros.
Les investissements eux ciblent des domaines à forte croissance: eau, recyclage du plastique, déchets dangereux, solutions digitales. Le budget de recherche-développement, qui a crû de 10% ces 5 dernières années, devrait atteindre 150 millions d'euros en 2022, ajoute M. Camus.
Il prévoit aussi 1,2 milliard d'euros d'économies annuelles à partir de 2023 - et déjà 900 millions pour 2022 -, tout en promettant une rentabilité en hausse et une accélération de la croissance du groupe.
Croissance et rentabilité devraient ainsi permettre de "doubler la valeur" pour les actionnaires dès 2022, dit Suez. A condition que le groupe reste "indépendant", adjectif de nouveau martelé mardi dans leur communiqué par Bertrand Camus et le président du Conseil d'administration Philippe Varin.
Veolia propose pour sa part de réunir les deux entités en un "super champion mondial français" de la transformation écologique. Si son rachat des parts d'Engie aboutissait, il lancerait ensuite une OPA sur le reste des actions de Suez.
Tout en amplifiant son plan stratégique, Suez est donc dans le même temps en recherche active et urgente d'investisseurs alternatifs afin de faire une contre-offre à Engie. Celui-ci tient vendredi son prochain conseil d'administration, destiné à examiner toutes les propositions sur la table.
La communication de Suez mardi sur ses bonnes perspectives viserait-elle aussi à convaincre Engie de renoncer à vendre ?
"L'objectif de la journée est de parler à l'ensemble de nos actionnaires de la valeur intrinsèque de la société et de son potentiel de création de valeur à horizon 2022", a répondu M. Camus mardi à des journalistes.
Ces bons objectifs financiers ont-ils été communiqués aux potentiels investisseurs nouveaux dans Suez ?
Là encore, "notre volonté et notre devoir est de parler à tous nos actionnaires de nos réalisations et ambitions", répond juste le directeur financier Julian Waldron, qui souligne l'importance de "maintenir un discours" sur la perspective "d'une croissance boostée, forte pour les années qui viennent".
Après les actionnaires, les directions de Suez mais aussi de Veolia viendront mercredi expliquer leurs motivations à la représentation nationale cette fois.
MM. Varin et Camus, puis le PDG de Veolia Antoine Frérot doivent exposer leurs projets mercredi à l'invitation de la commission des Finances de l'Assemblée nationale. Un groupe de travail parlementaire pourrait ensuite être créé, qui pourrait entendre rapidement les autres acteurs de la saga, selon le député Eric Woerth, à l'origine des convocations.