PARIS : L'idée d'une "Grande Sécu" prenant en charge l'intégralité des remboursements de santé se fait une place dans le débat, le ministre des Solidarités Olivier Véran ayant impulsé des "réflexions" sur ce sujet qui pourrait agiter la campagne présidentielle.
Le Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie (HCAAM) planche actuellement sur quatre pistes de transformation de l'articulation entre assurance maladie obligatoire et complémentaires santé.
Même si, mardi encore, le ministre de la Santé martelait devant les députés qu'"il n'y a pas de projet, il n'y a qu'une réflexion", les travaux du HCAAM font déjà des vagues.
Notamment le scénario le plus radical, celui d'une "Grande Sécu" qui prévoit un remboursement à 100% par la Sécurité sociale, en partie grâce à une hausse des cotisations sociales patronales et de la CSG, avec un champ d'intervention des complémentaires fortement réduit.
Le coût de ce transfert de financement est estimé à 22,4 milliards d'euros par an (hors dépassements d'honoraires et liberté tarifaire), selon le projet de rapport du HCAAM révélé par le quotidien Les Echos et consulté vendredi par l'AFP.
"Il y a beaucoup de choses qu'on peut faire, j'ai semé des petits cailloux pendant la crise sanitaire (du Covid-19), tout a été pris en charge à 100% par l'Assurance maladie et je n'ai vu personne s'en plaindre", avait indiqué en octobre M. Véran.
"Le coût des complémentaires augmente chaque année, notamment du fait des frais de gestion qui sont importants. Cela pèse sur le budget des ménages et notamment des retraités", avait encore fait valoir mardi le ministre, qui avait déjà évoqué un coût de "6 à 7 milliards de plus que si c'était l'Assurance maladie qui se chargeait de ces soins".
Selon le projet de rapport du HCAAM, qui sera discuté les 18 et 25 novembre par ses membres, la prise en charge par la Sécurité sociale serait réduite à 21 milliards d'euros "en cas de maintien des franchises et participations forfaitaires en ville".
Du fait des "charges de gestion et autres charges évitées grâce à la réforme (5,4 milliards d'euros)", les salariés économiseraient 100 euros par an. Les indépendants 130, les inactifs 50 et les retraités 170. Un autre mode de répartition, plus avantageux pour les retraités et les inactifs, leur ferait respectivement économiser 260 et 100 euros, 30 euros aux salariés mais rien aux indépendants.
«Médecine à deux vitesses»
Mais la hausse du pouvoir d'achat pourrait ne pas être le seul effet de cette réforme. En octobre, le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) avait exprimé sa "vive opposition aux scénarios proposés". "Quel que soit le scénario, la marge réduite laissée au dialogue social et à la négociation empêcherait les partenaires sociaux d'adapter aux réalités du terrain la protection sociale des acteurs économiques", estimait-il.
Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), "très opposé à la +Grande Sécu+", y voit "une étatisation du système de santé, un système du type britannique".
Pas de complémentaires, c'est la fin du "remboursement des dépassements d'honoraires", donc la mise en place "d'une vraie médecine à deux vitesses", alerte-t-il.
Même son de cloche du côté de Xavier Bertrand, qui ambitionne de représenter la droite dans la course à l'Elysée. Pour l'ancien ministre de la Santé et ex-assureur, qui a consacré au sujet une tribune publiée par le Journal du dimanche, la "Grande Sécu" entraînerait "des déremboursements en rafale qui toucheraient comme d'habitude et en priorité les classes moyennes et les catégories populaires de notre pays".
"Malgré l'augmentation régulière des dépenses de santé, grâce à l'intervention des mutuelles, le reste à charge des Français est le plus faible des pays de l'OCDE", plaide aussi Eric Chenut, président de la Mutualité française.
La Fédération française de l'assurance (FFA) avait publié un "livre blanc" présentant d'autres propositions pour réduire le coût des complémentaires santé, parmi lesquelles une réduction de la fiscalité des contrats santé pour les rendre plus accessibles.
"En France, les contrats santé sont taxés à hauteur de 15%: comment se fait-il que la santé, bien essentiel, soit trois fois plus taxée que le hamburger ?", s'interroge la Mutualité française.