PARIS: Le président français Emmanuel Macron tente de recoller les morceaux avec Alger après les tensions alimentées par certains de ses propos, alors que la coopération entre les deux pays reste jugée cruciale à Paris dans plusieurs crises régionales.
Le chef de l'Etat « regrette les polémiques et les malentendus engendrés par les propos rapportés » et est « fortement attaché au développement de la relation » entre la France et l'Algérie, a dit un conseiller de l'Elysée au détour d'un briefing presse consacré à la conférence internationale sur la Libye organisée vendredi à Paris.
Emmanuel Macron avait déclenché l'ire d'Alger après des propos, rapportés par le quotidien Le Monde, accusant le système « politico-militaire » algérien d'entretenir une « rente mémorielle » autour de la guerre d'indépendance avec l'ex-puissance coloniale française.
D'après le quotidien, il s'était également interrogé sur l'existence d'une « nation algérienne » avant la colonisation française, suscitant de vives réactions dans la société algérienne.
Avec ces regrets, « on assiste à un semi mea culpa de la part du président Macron », relève Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève (Suisse).
« C'est un rétropédalage calculé car, pour des raisons de politique intérieure, il ne peut pas aller au-delà », ajoute-t-il en référence au poids de l'extrême droite et à la sensibilité des rapatriés d'Algérie sur ce sujet, à cinq mois de la présidentielle en France.
Dans un premier signe d'apaisement, le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, a salué mercredi ces déclarations, y voyant du « respect pour la nation algérienne ».
Objectif Libye
Jusque-là, l'Algérie, qui a rappelé son ambassadeur à Paris le 3 octobre et interdit le survol de son territoire aux avions militaires français ralliant le Sahel, ne décolérait pas. D'autant que Paris a annoncé la réduction du nombre de visas accordés à l'Algérie, la Tunisie et le Maroc pour pousser ces pays à accepter leurs ressortissants expulsés de France.
Le président Abdelmadjid Tebboune, qui entretient une relation plutôt cordiale avec son homologue français, lui avait reproché samedi, dans une interview à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, d'avoir insulté l'Algérie.
« Je ne serai pas celui qui fera le premier pas », avait-il alors averti. La coopération bilatérale, « c'est peut-être terminé maintenant », avait-il ajouté.
Selon Hasni Abidi, plus que la relation bilatérale elle-même, ce sont les dossiers régionaux, de la Libye au Mali, qui conduisent à cette main tendue de Paris.
L'Algérie est un acteur régional influent au Mali, mais aussi en Libye. Le président Macron a d'ailleurs invité en vain son homologue algérien à la conférence sur la Libye de Paris.
Il a même tenté de le joindre par téléphone lundi soir, sans réussir à lui parler, affirme le quotidien français L'Opinion, une information non confirmée par l'Elysée.
« En déclinant l’invitation, Abdelmadjid Tebboune confirme que la crise diplomatique entre Alger et Paris ne se réglera pas de sitôt et ne retrouvera pas son cours normal à court terme », analyse le quotidien francophone algérien Liberté.
« Passer à autre chose »
Pour le quotidien Echourouk, « les regrets ne suffisent pas ». « Ces déclarations floues émanant de la présidence française ne sauraient réparer les relations franco-algériennes », juge-t-il, attribuant cette main tendue à la volonté de voir l'Algérie participer à la conférence.
La France salue elle les premiers signes de détente avec Alger. « C'est positif si d'un côté comme de l'autre on se dit qu'on peut passer à autre chose et avancer sur les autres sujets, notamment la Libye », résume une source diplomatique française.
Alger enverra finalement son ministre des Affaires étrangères vendredi à Paris, a précisé la présidence française.
L'Algérie joue aussi un rôle politique important au Mali, où la junte au pouvoir défie la France, engagée militairement dans ce pays, en menaçant de faire appel aux mercenaires du groupe russe Wagner.
La possible arrivée des Russes dans cet ancien pré carré français irrite profondément Paris qui menace d'en retirer ses troupes. Le Kremlin dément de son côté tout lien avec le groupe Wagner, sans convaincre à Paris.
Proche de la Russie, l'Algérie se retrouve au carrefour de la crise. « Si les Maliens sont confrontés à une attaque demain, nous interviendrons à leur demande », a assuré le président Tebboune.