«C'est le pire métier»: à Istanbul, deux cents kilos à même le dos

Un porteur transporte des effets personnels dans une rue tôt le matin, le 28 octobre 2021 près du Grand bazar d'Istanbul. (Photo, AFP).
Un porteur transporte des effets personnels dans une rue tôt le matin, le 28 octobre 2021 près du Grand bazar d'Istanbul. (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 11 novembre 2021

«C'est le pire métier»: à Istanbul, deux cents kilos à même le dos

  • Dans ce quartier de grossistes situé à deux rues du Grand bazar d'Istanbul, ils sont plusieurs centaines, dès l'aube, à charger et décharger des camions et grimper dans d'étroites cages d'escaliers
  • Le père de famille, qui perpétue ce métier ancestral depuis vingt ans, dit gagner «200, 300 livres»par jour (entre 18 et 27 euros), parfois plus

ISTANBUL : La ruelle est plongée dans le noir. Un camion stationne, la remorque pleine d'énormes ballots de tissus. Six hommes patientent en file indienne, dont Bayram Yildiz, prêt à charger sur son dos un paquet que trois hommes peinent à soulever. 


Bayram, 1m85 pour 105 kilos, est un "hamal", un porteur. Dans ce quartier de grossistes situé à deux rues du Grand bazar d'Istanbul, ils sont plusieurs centaines, dès l'aube, à charger et décharger des camions et grimper dans d'étroites cages d'escaliers, le dos parfois courbé sous plus de 100 kilos de marchandises.


"Je suis mi-Hercule mi-Rambo", sourit Bayram, 40 ans, qui affirme porter jusqu'à 200 kilos. Le père de famille, qui perpétue ce métier ancestral depuis vingt ans, dit gagner "200, 300 livres" par jour (entre 18 et 27 euros), parfois plus. 


Derrière lui, un homme avance au ralenti. De profil, seules ses jambes sont visibles. Son visage, son ventre et ses bras ont disparu sous l'énorme ballot blanc qu'il transporte. 


"C'est le pire métier, mais il n'y a rien d'autre", lâche Osman, porteur depuis trente-cinq ans. 


Dans le quartier, où se vendent vêtements, tissus ou rideaux en gros, tout ou presque se transporte à dos d'hommes. Des diables à roulettes sont visibles çà et là, mais ils sont peu pratiques pour monter dans les étages, font valoir les porteurs. 


Pour répartir le poids des charges et les stabiliser, ils enfilent des selles de portage à bretelles faites de paille, de cuir et de tissus, semblables à celles utilisées par les porteurs de l'Empire ottoman. 


A l'époque, beaucoup étaient Arméniens. Aujourd'hui, le métier - souvent transmis de père en fils - est tenu par des hommes majoritairement kurdes, originaires des provinces de Malatya et Adiyaman, situées dans le sud-est de la Turquie.


"Les [porteurs] de Malatya et Adiyaman ont su créer une confiance" avec les commerçants "à une époque où il n'y avait pas de téléphones portables" et où tout reposait sur l'oral et le bouche-à-oreille, explique l'historien Necdet Sakaoglu.


Selon lui, c'est au début du 19e siècle, sous le sultan réformiste Mahmoud II (1808-1839), qu'Istanbul - alors Constantinople - a compté le plus grand nombre de porteurs.

Le porteur Mehmet Toktas, 49 ans, attend dans les escaliers le 26 octobre 2021 près du Grand Bazar d'Istanbul. À quelques pâtés de maisons du Grand Bazar d'Istanbul, le porteur Bayram Yildiz attend son tour dans une ruelle sombre pour soulever une énorme balle sur son dos, presque le double de son poids corporel. Quelques autres s'attardent à côté de lui, ramassant des textiles dans un camion et les traînant dans les magasins locaux avant le lever du soleil, la tête inclinée et les genoux pliés. peut transporter jusqu'à 200 kilogrammes (440 livres) à la fois. (Photo, AFP)

Mais aujourd'hui encore, dans ces ruelles grouillantes de la vieille ville où les ascenseurs sont rares, "les porteurs sont une nécessité", juge-t-il.

«Ce métier est fini»

La plupart des porteurs travaillent en escouades, sous l'autorité d'un chef. C'est lui qui assure la coordination avec les commerçants et distribue la paie à la fin de la journée. Chaque escouade contrôle un micro-quartier.


"Si j'essaie d'y aller, ils ne me laisseront pas. C'est leur quartier", explique pudiquement Mehmet Toktas, porteur indépendant, au sujet des rues voisines de la sienne. 


Depuis trente ans, le presque quinquagénaire, physique de lutteur, monte et descend six jours sur sept, paquets sur le dos, les marches d'un seul et même immeuble de sept étages où s'entassent 120 grossistes en textile.


"Ici, nous étions quatre, cinq personnes. Les plus âgés sont partis, je suis le seul à être resté", confie-t-il, debout sous un néon qui éclaire d'une lumière blafarde le couloir du rez-de-chaussée où il passe une partie de ses journées.


"A l'époque, ça payait bien, on gagnait plus que le salaire minimum [moins de 320 euros brut mensuels]. Mais maintenant, avec la quantité de travail qui diminue, ça ne rapporte plus autant", regrette le père de quatre enfants. 


Sans assurance ni sécurité sociale, Mehmet Toktas, qui dit gagner entre 150 et 200 livres (13 et 18 euros) par jour, tâche de préserver son dos pour travailler jusqu'à 60 ans. "Tous ceux qui sont plus vieux que moi se sont fait opérer des genoux ou du dos", assure-t-il.


Dans le quartier, des porteurs ont l'allure de vieillards, cheveux blancs et jambes sèches comme des échalas. Certains travaillent jusqu'à 70 ans, malgré les hernies et les genoux abîmés.


Mais pour les grossistes du quartier, les porteurs sont précieux : "Ils sont un maillon auquel on ne peut pas renoncer", dit Kamil Beldek, derrière le comptoir de sa boutique microscopique. "Pour nous ce qu'ils font semble très difficile, mais pour eux c'est facile."


Mehmet Toktas se sent utile, mais "ce métier est fini", croit-il. Les étages supérieurs de son immeuble "sont tous vides", certains grossistes ayant préféré déménager loin du centre. "Dans 10, 15 ans, ce travail n'existera plus." 


Un enfant meurt chaque jour en tentant de franchir la Méditerranée centrale, selon l'Unicef

Environ 3 500 enfants sont morts ou portés disparus ces dix dernières années, soit un par jour, en tentant de traverser la Méditerranée centrale entre l'Afrique du Nord et l'Italie. (Photo AFP)
Environ 3 500 enfants sont morts ou portés disparus ces dix dernières années, soit un par jour, en tentant de traverser la Méditerranée centrale entre l'Afrique du Nord et l'Italie. (Photo AFP)
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  • Environ 3 500 enfants sont morts ou portés disparus ces dix dernières années, soit un par jour, en tentant de traverser la Méditerranée centrale entre l'Afrique du Nord et l'Italie.
  • Les droits consacrés par la Convention relative aux droits de l'enfant ne connaissent pas de frontières ni de rivages.

ROME : Selon un rapport publié mardi par l'Unicef, environ 3 500 enfants sont morts ou portés disparus ces dix dernières années, soit un par jour, en tentant de traverser la Méditerranée centrale entre l'Afrique du Nord et l'Italie.

L'Unicef se fonde sur le fait que parmi les personnes arrivées sur le sol européen par cette voie migratoire, un sur six est un enfant, pour estimer ce chiffre.

Ce chiffre pourrait être sous-estimé, car de nombreux naufrages passent inaperçus, faute de survivants pour témoigner.

Par ailleurs, sept enfants sur dix voyagent seuls, sans leurs parents, selon l'agence onusienne chargée des enfants.

« Beaucoup d’enfants qui tentent de traverser la Méditerranée centrale fuient la guerre, les conflits, la violence et la pauvreté », indique le rapport, précisant que « plus de la moitié des enfants et des jeunes interrogés déclarent avoir subi des violences physiques et un tiers affirment avoir été détenus contre leur gré ». 

« Les gouvernements doivent protéger les droits et l'intérêt supérieur des enfants (...). Les droits consacrés par la Convention relative aux droits de l'enfant ne connaissent pas de frontières ni de rivages : ils accompagnent les enfants lorsqu’ils les traversent », a déclaré Regina De Dominicis, haut responsable de l'Unicef, citée dans le rapport.

L'agence onusienne rappelle que si l’adoption du Pacte européen sur la migration et l’asile devant entrer en vigueur mi-2026 « peut permettre de mieux organiser la gestion des migrations, ce dernier doit être mis en œuvre en parfaite conformité avec les obligations légales de défense de l'intérêt supérieur de l’enfant ».

L'Unicef appelle également à renforcer les opérations de recherche et de sauvetage en mer pour prendre en compte les besoins spécifiques des enfants. 

« À son arrivée, chaque enfant doit immédiatement bénéficier d'une représentation juridique ainsi que de solides mesures de protection. Les mesures de restriction des déplacements ne doivent jamais entraîner la détention d'un enfant dans un centre de rétention, que ce soit lors des procédures de contrôle, de passage des frontières, de demande d’asile ou de renvoi », conclut l'Unicef. 


La Turquie cherche à renforcer son ancrage sur le continent africain

Cette photo prise et diffusée par le bureau de presse de la présidence turque le 12 avril 2025 montre le président turc Recep Tayyip Erdogan (R) rencontrant le président somalien Hassan Sheikh Mohamud lors de la 4e édition du Forum diplomatique d'Antalya (ADF2025) à Antalya. (Photo by Handout / Turkish Presidency Press Office / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le bureau de presse de la présidence turque le 12 avril 2025 montre le président turc Recep Tayyip Erdogan (R) rencontrant le président somalien Hassan Sheikh Mohamud lors de la 4e édition du Forum diplomatique d'Antalya (ADF2025) à Antalya. (Photo by Handout / Turkish Presidency Press Office / AFP)
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  • La Turquie cherche désormais à y étendre son influence en proposant sa médiation dans des conflits.
  • Très impliqué sur les dossiers syrien et ukrainien, le président turc Recep Tayyip Erdogan a renforcé son image d'interlocuteur clé en Afrique en négociant, il y a quelques mois, un accord de paix entre la Somalie et l'Éthiopie.

ANTALYA, TURQUIE : La Turquie, qui pousse ses pions en Afrique depuis plusieurs années, cherche désormais à y étendre son influence en proposant sa médiation dans des conflits, à la faveur notamment du retrait de la France et des États-Unis.

Témoignage des efforts d'Ankara pour consolider son ancrage sur le continent, un forum diplomatique organisé ce week-end à Antalya, dans le sud de la Turquie, a réuni, aux côtés du président syrien Bachar el-Assad, des ministres russe et ukrainien des Affaires étrangères, ainsi que de nombreux responsables africains, dont le chef de l'État somalien.

« Les pays africains cherchent des alternatives et la Turquie en représente une », a affirmé à l'AFP Eghosa Osaghae, directeur général de l'Institut nigérian des affaires internationales (NIIA), présent à Antalya. 

Très impliqué sur les dossiers syrien et ukrainien, le président turc Recep Tayyip Erdogan a renforcé son image d'interlocuteur clé en Afrique en négociant, il y a quelques mois, un accord de paix entre la Somalie et l'Éthiopie.

Selon M. Osaghae, la capacité d'Ankara à combler le vide laissé par la France, dont de nombreuses anciennes colonies se sont détournées ces dernières années, « dépendra en grande partie de l'attrait des offres turques ».

« Nous entretenons avec la France des relations dont nous sommes très fiers, mais la France ne nous empêche pas d'avoir d'autres partenariats », a déclaré à l'AFP Léon Kacou Adom, le ministre ivoirien des Affaires étrangères, lors du forum d'Antalya.

Le pays d'Afrique de l'Ouest, ancienne colonie française, souhaite collaborer avec la Turquie dans tous les secteurs, notamment le commerce, la communication, la sécurité, l'éducation et la formation, a-t-il souligné.

« Tout cela nous intéresse (...). La Turquie nous fait des offres que nous étudions », a-t-il ajouté.

- « Solutions aux problèmes africains » -

De nombreux pays africains sont confrontés à des menaces sécuritaires, émanant de groupes comme Boko Haram ou les shebab somaliens.

« Si la Turquie peut apporter son aide dans ces domaines, pourquoi pas ? », estime M. Osaghae. « Le point positif est que de nombreux pays africains coopèrent déjà militairement avec la Turquie. Cela peut être la pierre angulaire de l'influence turque », relève-t-il.

La Turquie, qui a proposé en janvier sa médiation entre le Rwanda et la République démocratique du Congo, a signé ces dernières années des accords de défense avec plusieurs États africains dont la Somalie, la Libye, le Kenya, le Rwanda, l'Éthiopie, le Nigeria et le Ghana.

Ces accords ont ouvert des marchés à l'industrie de défense turque, notamment pour ses drones réputés fiables et bon marché.

« Nous nous efforçons de faire en sorte que l'Afrique trouve ses propres solutions aux problèmes africains », affirme Alp Ay, diplomate turc et représentant spécial d'Ankara dans les négociations entre la Somalie et la région séparatiste du Somaliland.

Selon un haut diplomate somalien, Ankara a joué « un rôle très utile en parvenant à réunir les deux pays pour résoudre ce problème ». « L'Afrique a désespérément besoin de médiateurs », résume pour sa part le politologue nigérian Eghosa Osaghae.

Si la responsabilité du respect de l'accord incombe désormais aux deux parties, la Turquie continuera toutefois de jouer son rôle de facilitateur, souligne le diplomate turc Alp Ay, qui envisage l'avenir avec « espoir ».

Recep Tayyip Erdogan s'est entretenu avec son homologue somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, samedi à Antalaya.

Au cours de leur rencontre, les deux hommes ont promis d'« accroître la coopération » entre les deux États, selon Ankara, qui dispose déjà d'un droit d'exploration des ressources énergétiques le long des côtes somaliennes. 


Zelensky exhorte Trump à se rendre en Ukraine pour voir les ravages de la guerre

Le président américain Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky se rencontrent dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, DC, le 28 février 2025. (AFP)
Le président américain Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky se rencontrent dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, DC, le 28 février 2025. (AFP)
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  • « Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exhorté son homologue américain, Donald Trump, à se rendre dans son pays pour prendre conscience de l'étendue des dégâts causés par l'invasion de la Russie. 
  • En se rendant en Ukraine, M. Trump « comprendra ce que Poutine a fait ».

WASHINGTON : le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté dimanche son homologue américain Donald Trump à se rendre dans son pays pour mieux comprendre la dévastation causée par l'invasion russe. 

« Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exhorté son homologue américain, Donald Trump, à se rendre dans son pays pour prendre conscience de l'étendue des dégâts causés par l'invasion de la Russie. 

En se rendant en Ukraine, M. Trump « comprendra ce que Poutine a fait ».

Cette invitation intervient alors que M. Trump fait pression pour mettre rapidement un terme à ce conflit qui dure depuis plus de trois ans, les États-Unis ayant engagé des discussions directes avec la Russie malgré ses attaques incessantes contre l'Ukraine.

Washington a également discuté d'une éventuelle trêve avec des responsables ukrainiens.

Cette invitation fait suite à la vive polémique qui a éclaté à la Maison Blanche fin février entre le président ukrainien, M. Zelensky, et le vice-président américain, M. JD Vance, devant la presse.

M. Vance avait alors accusé l'Ukraine d'accueillir des dirigeants étrangers pour faire de la propagande en vue de gagner leur soutien. 

M. Zelensky a nié une nouvelle fois cette allégation et a déclaré à la chaîne CBS que si M. Trump décidait de se rendre en Ukraine, « nous ne préparerons rien, ce ne sera pas du théâtre ». Ce ne sera pas du théâtre. »