PARIS: Entre travail de conviction des abstentionnistes et discours liant l'écologie à l'amélioration des conditions de vie, Yannick Jadot (EELV), Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Anne Hidalgo (PS) espèrent réconcilier la gauche et l'électorat populaire à la présidentielle.
Depuis plusieurs semaines, les éléments de langage des entourages de Yannick Jadot et Anne Hidalgo convergent: quand ils parlent d'écologie, le "social" vient tout de suite après.
Car les deux candidats savent que leurs succès récents proviennent d'électorats moins larges que celui d'une présidentielle: les européennes de 2019 et la primaire écolo de septembre pour Yannick Jadot, sa réélection à la mairie de Paris en 2020 pour Anne Hidalgo.
D'ailleurs, la proposition récente, par cette dernière, de baisser les taxes sur le prix des carburants peut être vue comme une manière de remédier à son image d'écologiste parisienne.
"Notre écologie sera sociale: non, les classes populaires ne vont pas être punies parce qu'elles utilisent leur voiture", explique à l'AFP Dieynaba Diop, l'une des porte-parole d'Anne Hidalgo.
Selon cette élue et professeure de la ville populaire des Mureaux (Yvelines), les classes populaires ont toujours été décisives pour les victoires de la gauche. Anne Hidalgo a donc axé son début de campagne sur des fondamentaux pour leur émancipation: "l'école, les salaires, et l'écologie sociale".
Côté écologiste, Marine Tondelier, élue de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), devrait piloter une mission au sein d'EELV sur la manière de militer auprès des milieux défavorisés, détournés des urnes ou tentés par le vote d'extrême droite.
Parmi les mesures défendues par son candidat Yannick Jadot, elle cite pêle-mêle la rénovation thermique financée par l'Etat au profit des plus précaires, le développement des transports en commun et ferroviaires dans des zones qui en manquent ou encore la lutte contre les pollutions.
- Dépendance -Sur ce dernier point, remarque-t-elle, les "cartes de la qualité de l'air et du bruit" correspondent aux "cartes des revenus". Cela montre, selon elle, que les plus riches "ont les moyens de se prémunir des nuisances" et que l'écologie ne doit pas avoir peur de renouer avec un discours de classe: "le réchauffement climatique, ce n'est pas les pauvres, mais Total", résume Marine Tondelier dans une formule.
Les Insoumis, eux, misent sur le travail militant sur le terrain, qui vient d'être renforcé via des "caravanes populaires" sillonnant les banlieues et les zones rurales délaissées.
Dans de récentes réunions de circonscription, "on me dit +Vous êtes les seuls à être là et à traiter des thèmes comme le logement indigne+", rapporte le député de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel.
Il critique chez Anne Hidalgo et Yannick Jadot un "langage fait uniquement pour les élections", tandis que les Insoumis auraient "un net coup d'avance" depuis la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon en 2017.
L'historienne du socialisme et du monde ouvrier Marion Fontaine, enseignante à Sciences Po, et le sociologue à l'EHESS Cyril Lemieux ont coordonné un numéro de la revue Germinal sur "les politiques des classes populaires", à paraître en novembre.
Pour la première, il faut avant tout pour la gauche comprendre les raisons de la désaffection des classes populaires, si elle veut la résoudre. Elle la date des années 70 et 80 avec la désindustrialisation, "l'individualisation croissante" et la "fracturation" du monde ouvrier et des "référents de gauche".
"Ce n'est pas avec quelques mesures de pouvoir d'achat qu'on va y répondre", souligne la chercheuse à l'AFP.
"La gauche ne peut pas se passer des classes populaires, non pas simplement d'un point de vue électoral, mais aussi de sa conception de la société", analyse Cyril Lemieux.
Il note une amélioration depuis quelques temps: "Ils se sont aperçus qu'une certaine présentation de l'écologie ne marchait pas. La voiture est un objet de liberté pour beaucoup de gens. En revanche, des passages peuvent leur être frayés vers l'écologie via, par exemple, la santé des enfants" mise en danger par les pollutions et l'agro-industrie.
Pour le sociologue, les candidats de gauche pourraient s'appuyer davantage sur les leçons de la crise Covid, qui a montré "la dépendance des autres classes aux métiers des classes populaires".