PARIS: Une gauche éclatée a lancé ce week-end la bataille à huit mois de l’élection présidentielle, entre des Verts divisés, un PS en attente de la déclaration de candidature d’Anne Hidalgo et un Jean-Luc Mélenchon qui a décidé de s’attaquer à l’abstention, faisant mine d’ignorer ses concurrents.
À l'heure où ses principales formations concurrentes en sont encore à désigner leur candidat, Jean-Luc Mélenchon a mis en avant le soutien de ses militants pour faire sa rentrée politique dans la Drôme.
Dimanche, il a lancé son année présidentielle en convoquant les classes populaires aux urnes.
"L'abstention est le pire qui puisse nous arriver. Les sondages disent que plus ça vote, plus nous sommes forts; moins ça vote, plus Le Pen et Macron sont forts", a-t-il martelé.
Jean-Luc Mélenchon "sait que ce n'est pas suffisant de mobiliser (uniquement) l'électoral traditionnel de gauche. Il lui faut aussi mobiliser l'électorat populaire", explique le politologue Rémi Lefebvre.
"Et pour cela, il pense qu’il faut être clivant, protestataire et parler aux antivax" au risque de "s’aliéner" une partie de ses électeurs de 2017. "Il est sur une ligne de crête très compliquée", admet le professeur de Sciences politiques à l'Université de Lille.
Derrière leur chef gonflé à bloc, les troupes insoumises brandissent chiffres et sondages. Ils juxtaposent les moins de 20 000 inscrits à la primaire écologiste et les 250 000 parrainages recueillis en ligne pour M. Mélenchon, tout en évoquant le baromètre Harris interactive qui donne leur champion premier à gauche avec 11% des intentions de voix, devant Anne Hidalgo et le candidat écolo testé, Yannick Jadot (entre 6 et 7%).
"Nous on va avancer, pendant que les autres débattent entre eux et ne sont pas sortis de l'ornière", savoure Eric Coquerel, député LFI.
Le PS attend toujours Anne Hidalgo
Face à M. Mélenchon, la direction du PS souhaitait présenter à Blois le projet socialiste avant de placer en orbite la candidature d’Anne Hidalgo. "Le moment est venu de reprendre l’offensive idéologique et culturelle", a lâché le premier secrétaire du parti Olivier Faure, qui soutient ouvertement la maire de Paris.
Mais malgré un accueil très favorable des militants socialistes, Mme Hidalgo n'a pas officialisé sa candidature.
"C'est important de travailler de façon méthodique, de réfléchir, d'écouter. (...) Ce chemin, ce travail n'est pas encore totalement abouti", a tempéré celle qui est créditée d'autour de 7% dans les sondages.
En attendant, certaines voix au sein du PS, dont celle de Stéphane Le Foll, appellent à un "débat d'idées" et regrettent le soutien unilatéral à la maire de Paris... qui devra tout de même passer par une primaire interne après le congrès du parti (18-19 septembre).
Pour Mme Hidalgo, la "question compliquée du curseur" sera cruciale dans les prochains mois, juge Rémi Lefebvre. "Elle voudra à la fois attirer les électeurs de gauche qui avaient voté Macron et chercher des électeurs plus à gauche", analyse ce spécialiste du PS.
"Le PS ne peut pas rester dans l'entre-soi", préconise l'ex-député PS Julien Dray dans Le Parisien lundi : "Et pour que cette candidature ait un sens, il faut surtout un débat sur le projet avec des propositions conquérantes."
Chez les Verts, les journées d’été à Poitiers il y a dix jours ont mis en lumière l'opposition de styles entre Yannick Jadot et Eric Piolle, les deux favoris de la primaire.
Le premier y a prononcé un discours aux allures de meeting présidentiel quand le second a évoqué son parcours, dans une introspection plus personnelle. Les électeurs vont-ils désigner en septembre un "présidentiable ou un militant vert"? s'interroge à voix haute M. Lefebvre: "Là est toute la question".
Pour ajouter à la dispersion de la gauche, l'ancien ministre Arnaud Montebourg va annoncer samedi sa candidature indépendante et le communiste Fabien Roussel continue de penser que les voix qu'il obtiendra "s'ajouteront au total de la gauche".
Avec bientôt cinq candidats déclarés, l'embouteillage pour la présidentielle est déjà important. "La gauche est extrêmement éclatée", résume Rémi Lefebvre. "Mais au fond, ce que chacun espère, c'est que ça se décante par les sondages avant avril 2022. On est dans un jeu de poker menteur", pense-t-il.