BEYROUTH: Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a de nouveau appelé jeudi le ministre de l'Information, George Kordahi, à démissionner afin d’éviter une nouvelle escalade avec les pays du Golfe.
Il l'a exhorté à privilégier les intérêts nationaux et à ne pas «perturber le travail du gouvernement et perdre davantage de temps».
Mikati a également adressé des mots sévères jeudi à ses partenaires au sein du gouvernement, le Hezbollah et ses alliés, pour avoir exacerbé la querelle diplomatique entre le Liban et plusieurs États du Golfe.
Il a souligné que «le pays n'est pas dirigé par la défiance, l'arrogance, les hausses de ton et les menaces, mais plutôt par un discours commun qui unit le peuple libanais afin qu'il puisse travailler ensemble pour sauver le Liban».
Mikati a aussi prononcé ce qui semblait être un discours ferme contre le Hezbollah et ses alliés.
«Quiconque croit pouvoir imposer son opinion en entravant le travail et par l'escalade verbale a tort», a averti Mikati.
«Quiconque pense pouvoir imposer aux Libanais des choix qui les éloignent de leur histoire, de leur profondeur arabe et de leurs liens étroits avec les pays arabes et les États du Golfe, en particulier avec l'Arabie saoudite, a également tort».
Mikati est rentré mercredi de Glasgow, après avoir participé au sommet de la COP26, en marge duquel il a tenu une série de réunions avec des responsables internationaux concernant la crise diplomatique et économique entre le Liban, l'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe.
La polémique a été déclenchée par des déclarations faites par Kordahi avant de prendre ses fonctions de ministre, dans lesquelles il a offensé l'Arabie saoudite et défendu les Houthis au Yémen.
S’exprimant sur la chaîne Al-Mayadeen, Kordahi a répondu à la demande de Mikati, affirmant qu'il ne démissionnera pas et que sa position n'a pas changé.
Jeudi, Mikati a rencontré séparément le président, Michel Aoun, et le président du Parlement, Nabih Berri, et les a informés des entretiens qu'il a tenus en marge de la COP26.
Il a affirmé qu’il s'était mis d'accord avec Aoun sur une feuille de route pour sortir de la crise actuelle avec les États du Golfe.
Mikati a constaté: «Lorsque nous avons formé ce gouvernement après des mois de perturbations, de retards et d'opportunités manquées, nous avons annoncé que nous étions en mission de sauvetage rapide pour faire avancer la coopération avec les organismes internationaux et le Fonds monétaire international, en plus de la tenue d’élections parlementaires.
«Nous pensions que la douloureuse réalité que connaît notre pays pousserait tout le monde à abandonner ses intérêts personnels et à participer activement à la mission de sauvetage, mais cela ne s’est malheureusement pas produit.»
Mikati a également commenté l'incident de Tayouneh et la décision des ministres du Mouvement Amal et du Hezbollah de boycotter le Cabinet jusqu'à ce que Tarek Bitar, le juge chargé de l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth, soit démis de ses fonctions.
Il a aussi critiqué «l'approche d'exclusivité et d'obstruction à laquelle le gouvernement a été soumis de l'intérieur».
Il a ajouté: «Un mois après notre entrée en fonction, nous avons été confrontés à notre premier défi en tant que gouvernement, puisque nous avons été contraints d'intervenir dans une ordonnance judiciaire avec laquelle nous n'avons rien à voir.»
«Nous avons refusé d'intervenir dans l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth, mais nous avons souligné la nécessité pour Bitar de rectifier le tir, notamment lorsqu'il s'agit de juger les présidents et les ministres. Mais cela n’était pas suffisant pour certains.»
«Nous étions en train de trouver un moyen de tenir une session du Cabinet, mais nous avons dû relever un défi plus difficile à la lumière des opinions personnelles de Kordahi, qu'il avait exprimées avant de devenir ministre, et l'Arabie saoudite et certains États du Golfe ont décidé de rompre les relations avec le Liban», a-t-il ajouté
Le Premier ministre a signalé: «Le Cabinet est le lieu naturel pour discuter de toutes les questions qui concernent le gouvernement, loin des dictats, des contestations, des hausses de ton et des menaces. Le Conseil ne sera jamais un moyen de s'ingérer dans les affaires qui ne concerne pas le gouvernement, et plus particulièrement dans le travail du pouvoir judiciaire.»
Mikati a appelé «tous les ministres à faire preuve de solidarité et à adhérer à la déclaration ministérielle, qui fixe les règles de base du travail et de la politique du gouvernement. Nous sommes déterminés à traiter les relations avec l'Arabie saoudite et les États du Golfe sur la base de règles saines.
«Nous ne permettrons pas aux arguments politiques de prendre le dessus sur cette question. Dans ce contexte, j'appelle une fois de plus Kordahi à suivre sa conscience, à évaluer les circonstances, à faire ce qui doit être fait et à privilégier l'intérêt national par rapport aux slogans populistes. Je mise sur son sens patriotique pour évaluer la situation et l'intérêt des citoyens libanais et des expatriés.»
Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a ainsi souligné que «quiconque pense que l’obstruction est la solution» est malavisé. «Tout le monde doit comprendre qu'aucun parti ne parle unilatéralement au nom du Liban et du peuple libanais», a-t-il ajouté.
Selon les observateurs politiques, Mikati a sans doute reçu un soutien international lors de son séjour à Glasgow.
L'écrivain politique Tony Francis a déclaré à Arab News: «Ceux que Mikati a rencontrés à Glasgow lui ont demandé d'assumer son rôle de Premier ministre, lui indiquant que la balle était dans son camp et qu'il doit agir. La communauté internationale n'acceptera pas la démission de son gouvernement.»
Francis a ajouté: «Les positions de Mikati sont plutôt aventureuses, ce à quoi le Hezbollah et ses alliés pourraient ne pas répondre. Tout dépend de ce que veulent les Iraniens dans la région, et ils exploitent tous les fronts de manière à obtenir ce qu'ils veulent.
«D'un autre côté, nous constatons que l’Iran a accepté de reprendre les négociations nucléaires à Vienne le 29 novembre. La hausse de ton de Mikati fait peut-être partie de la réponse occidentale aux Iraniens; tout cela signifie que les choses resteront ambiguës et qu'aucune solution ne sera trouvée avant le 29 novembre.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com