TEL AVIV: L'ancien Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a observé jeudi de loin, le gouvernement qui l'a renversé après 12 ans au pouvoir, adopter un budget national, portant un coup dur à ses espoirs d'un retour rapide à la tête du pays.
L'homme dont l'ombre a si longtemps plané sur Israël, dont le règne a suscité à la fois des protestations de masse et une dévotion semblable à une culte, a été relégué au second plan en tant que chef de l'opposition, loin des leviers du pouvoir et exposé à de graves accusations de corruption.
Le premier budget à être adopté en trois ans, au cours desquels une période prolongée d'impasse politique a entraîné quatre élections conflictuelles, a été un test de résistance pour la coalition gouvernementale indisciplinée d'Israël.
«Cela change complètement son calendrier», a déclaré Anshel Pfeffer, chroniqueur au quotidien de gauche Haaretz et biographe de Netanyahou. «Cela ne signifie pas qu'il va abandonner. Il ne va certainement pas abandonner. Il est incapable d'abandonner.»
Si le budget n’avait pas été passé avant le 14 novembre, le gouvernement aurait été dissous et des élections anticipées auraient été organisées, ce qui aurait donné à Netanyahou, qui monte dans les sondages, une chance de se racheter. Maintenant que le budget est passé, le gouvernement, établi dans le but d'évincer Netanyahou, semble avoir gagné du temps. Les partis de la coalition sont en difficulté dans les sondages et aucun n'est susceptible de vouloir renverser le gouvernement et déclencher de nouvelles élections, surtout pour le moment.
Le meilleur espoir de Netanyahou est que la coalition, composée de huit partis idéologiquement différents, implose sur ses propres contradictions. Sinon, sa prochaine chance viendra lorsque le gouvernement changera de leadership en 2023, portant au pouvoir le centriste Yair Lapid et donnant peut-être à ses partenaires de la coalition nationaliste une raison de se retirer.
Aviv Bushinsky, un ancien collaborateur de Netanyahou, a révélé qu’il ferait mieux d'attendre son heure en tant que chef de l'opposition, une plate-forme publique à partir de laquelle il pourra contester les accusations légales et obtenir le soutien de ses électeurs.
«Pour l’instant, Netanyahou n'est pas pressé. Il n'a rien à perdre», a-t-il ajouté.
S'adressant au parlement mercredi, avant le vote du budget, Netanyahou a promis de continuer son combat.
«Nous continuerons à lutter contre cet horrible gouvernement. Nous ne négligerons aucune piste, nous chercherons tous les moyens de le renverser, pour remettre Israël sur la bonne voie», a-t-il souligné.
Netanyahou, une figure importante de la politique israélienne depuis un quart de siècle, a connu une chute spectaculaire plus tôt cette année.
Il a entamé un mandat de 12 ans en tant que Premier ministre en 2009, après un passage antérieur dans les années 1990, devenant ainsi le leader israélien le plus ancien et contribuant à façonner le pays.
Il était omniprésent sur la scène internationale, prêchant contre le programme nucléaire iranien et l'accord avec les puissances mondiales destiné à le restreindre.
Netanyahou a accéléré la construction de colonies en Cisjordanie occupée, évité les pourparlers de paix avec les Palestiniens et dirigé trois guerres contre le groupe militant du Hamas au pouvoir à Gaza.
Il a travaillé dur pour convaincre les Israéliens qu'il était un homme d'État de classe mondiale, le seul à pouvoir guider Israël en toute sécurité à travers ses innombrables défis.
Mais sous le Premier ministre, Naftali Bennett, qui s'est rendu au sommet mondial sur le climat, a guidé Israël à travers une quatrième vague de la Covid-19 et a adopté un budget, cet argument a été entièrement sapé.
«Soudain, vous n'avez pas besoin d'être Benyamin Netanyahou pour être le Premier ministre d'Israël. Et cela a été en soi une sorte de révélation», a indiqué Pfeffer.
Netanyahou a également utilisé son poste de Premier ministre pour diviser les Israéliens, semant la zizanie entre les nationalistes et les gauchistes modérés, entre les Israéliens juifs et les citoyens palestiniens d'Israël, et s'en prenant aux institutions du pays, surtout après avoir été inculpé dans trois affaires de corruption.
Netanyahou est jugé pour fraude, abus de confiance et corruption, des accusations qu'il nie catégoriquement mais qui ont tout de même assombri ses dernières années au pouvoir.
En vertu de la loi israélienne, Netanyahou n’est pas tenu à démissionner après son inculpation, ce qui lui laisse une tribune à partir de laquelle il peut combattre les accusations, faire pression pour légiférer sur l'immunité et exprimer ses griefs contre les médias et le système judiciaire.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com