ROME : Des portraits de femmes défigurées à l'acide côtoient une sculpture de l'artiste baroque Le Bernin représentant son amante, qu'il fit défigurer par jalousie: avec cette exposition, les Offices de Florence veulent dénoncer les violences contre les femmes.
En 1638, Le Bernin (1598-1680), fou de jalousie après avoir découvert que la belle Costanza Piccolomini Bonarelli le trompait, avait chargé un de ses domestiques de la défigurer. Pour ce crime, Le Bernin fut condamné à une simple amende, tandis que Costanza dut se retirer 4 mois dans un monastère. Après ce calvaire, elle retourna au foyer conjugal et se lança avec succès dans le commerce de sculptures.
"L'idée de cette exposition est de sensibiliser tous les visiteurs venant aux Offices en quête de beauté au fait que la beauté sans l'éthique est impossible", a expliqué le directeur des Offices, l'Allemand Eike Schmidt, dans une vidéo diffusée par les Offices, qui outre les chefs d'œuvre de la Renaissance accueillent régulièrement des artistes contemporains.
"Il faut s'engager en faveur des victimes et changer le système et les mentalités, qui trop facilement trouvent des excuses aux personnes ayant commis ce genre de crime", juge-t-il.
Autour du buste en marbre sculpté par le maître du baroque pour immortaliser les traits délicats de sa maîtresse sont exposées les photographies de femmes d'aujourd'hui privées de visages.
Pour ce projet, la photographe italienne Ilaria Sagaria a recueilli les témoignages de femmes victimes de la jalousie de leurs maris ou compagnons. Ensuite, à partir de leurs récits, elle a mis en scène des portraits évoquant leurs histoires.
Ces "non-visages" recouverts de bandelettes blanches ou cachés par un voile ressortent sur des décors dépouillés, rappelant étrangement les mannequins abstraits de l'artiste italien Giorgio De Chirico.
"Il y avait des points communs à toutes leurs histoires, par exemple le fait qu'elles décrochaient de leurs murs miroirs et photos, illustrant ce besoin d'enlever tout ce qui pouvait rappeler ce qu'elles étaient auparavant", a expliqué à l'AFP Ilaria Sagaria dans un entretien par téléphone. Elle a interrogé aussi bien "des femmes d'Occident" (italiennes) que des "femmes asiatiques".
"J'ai voulu mettre l'accent moins sur le calvaire physique que doivent subir ces femmes que sur l'aspect psychologique" de ces tragédies, a résumé l'artiste, évoquant leur "sensation d'isolement" et "de perte d'identité", a-t-elle précisé.
L'Italie, qui enregistre régulièrement des féminicides, a adopté en 2013 une loi pour prévenir ces crimes et alourdir les peines encourues.