Une semaine après le putsch, les Soudanais maintiennent les barricades

Des anti-putsch se rassemblent à Khartoum le 31 octobre (Capture d’écran, AFP).
Des anti-putsch se rassemblent à Khartoum le 31 octobre (Capture d’écran, AFP).
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Publié le Dimanche 31 octobre 2021

Une semaine après le putsch, les Soudanais maintiennent les barricades

  • Les manifestations samedi ont coûté la vie à au moins trois manifestants et blessé une centaine
  • Un responsable du ministère soudanais des Affaires étrangères a par ailleurs exprimé sa «déception» à l'ambassadeur du Royaume-Uni au Soudan après que ce dernier a publié une vidéo condamnant le coup d'Etat

KHARTOUM: Les Soudanais hostiles au coup d'Etat du général Abdel Fattah al-Burhane maintiennent dimanche les barricades à Khartoum, déterminés à tenir tête à l'armée alors qu'au moins une douzaine de manifestants ont été tués cette semaine dans des violences, selon des sources médicales. 
Un syndicat des médecins prodémocratie, qui avait recensé au moins trois morts lors de la journée de samedi et une centaine de blessés, a également annoncé dimanche la mort de deux manifestants, âgés de 22 et 19 ans. Tous deux avaient reçu une balle dans la tête: l'un est mort lundi et l'autre a succombé de ses blessures tôt dimanche. 
Au total, depuis l'entrée des Soudanais en "désobéissance civile" lundi, une douzaine de manifestants ont été tués par les forces de sécurité et près de 300 personnes ont été blessées, selon ce syndicat. 
Samedi, des dizaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue pour s'élever contre la décision lundi du général Burhane --alors chef de l'armée et des autorités de transition-- de dissoudre toutes les institutions du pays déjà englué dans le marasme économique et miné par des décennies de conflits. 
La police, qui a reconnu avoir tiré des grenades lacrymogènes dans la capitale, nie avoir tiré à balles réelles contre les manifestants. 
Déploiement sécuritaire 
A Khartoum et dans plusieurs provinces orientales, les Soudanais ont scandé "Non au régime militaire" et "Pas de retour en arrière possible", dans un pays sorti en 2019 de 30 années de dictature d'Omar el-Béchir, écarté par l'armée sous la pression de la rue. 
Des manifestations ont également secoué les régions du Kordofan-Nord (ouest) et du Nil Blanc (sud), ont constaté des correspondants de l'AFP. 
Après une nuit calme, les habitants de la capitale érigeaient dimanche matin de nouvelles barricades à l'aide de pierres, de briques et de pneus, tandis que des soldats et des paramilitaires des Forces de soutien rapide patrouillaient dans les rues. 
Cette puissante force paramilitaire, dirigée par le numéro deux du général Burhane, est accusée d'avoir participé à la répression de la "révolution" de 2019 qui a fait plus de 250 morts. 
Les forces de sécurité ont établi plusieurs postes de contrôle et fouillaient passants et voitures à Khartoum, où la plupart des magasins demeurent fermés, signe que la "grève générale" décrétée lundi par les syndicats est suivie par de larges franges de la société. 
Les communications téléphoniques, coupées samedi, étaient globalement rétablies dimanche matin, tandis que le réseau internet restait lui largement inaccessible. 
Depuis son indépendance en 1956, le Soudan, pays d'Afrique orientale parmi les plus pauvres du monde, n'a connu que de rares périodes de régime civil. M. Béchir, lui-même un militaire, était arrivé au pouvoir en 1989 par un putsch. 
La communauté internationale a quasi unanimement condamné le coup d'Etat, exigeant le retour des autorités civiles au pouvoir, à commencer par le Premier ministre Abdallah Hamdok arrêté par l'armée lundi avant l'aube, comme la plupart des autres ministres et responsables civils. 

«Médiation»

M. Hamdok a été escorté chez lui par l'armée mardi mais reste "assigné à résidence", selon l'émissaire de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, qui a discuté dimanche avec le dirigeant renversé de possibles "médiations". 
Le président des Etats-Unis Joe Biden a de son côté qualifié le coup d'Etat de "revers cinglant" pour le Soudan, tandis que l'Union africaine a suspendu Khartoum de l'organisation et le chef de l'ONU, Antonio Guterres, a exhorté à revenir aux "arrangements constitutionnels". 
Exigeant le retour d'un pouvoir civil, Washington et la Banque mondiale ont chacun suspendu leur aide financière à Khartoum, vitale pour ce pays asphyxié par une inflation galopante et une pauvreté endémique. 
Un responsable du ministère soudanais des Affaires étrangères a par ailleurs exprimé sa "déception" à l'ambassadeur du Royaume-Uni au Soudan après que ce dernier a publié une vidéo condamnant le coup d'Etat et appelant à la libération de "tous les détenus", a tweeté dimanche l'ambassade britannique. 
Depuis août 2019, Khartoum était doté d'autorités militaro-civiles en charge de mener la transition vers un pouvoir entièrement civil, après le renversement en avril de la même année du dictateur Béchir. 
Mais après plus de deux ans d'une délicate transition minée par les divisions entre et au sein des deux clans civil et militaire, l'entente a volé en éclats ces dernières semaines, culminant avec le putsch. 


Au Liban, la plupart des sites militaires du Hezbollah ont été cédés à l'armée dans le sud du pays

L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
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  • « Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.
  • Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

BEYROUTH : Selon une source proche du mouvement pro-iranien, l'AFP a appris samedi que la plupart des sites militaires du Hezbollah dans le sud du Liban avaient été placés sous le contrôle de l'armée libanaise.

« Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.

Dimanche, une émissaire américaine en visite à Beyrouth a exhorté les autorités libanaises à accélérer le désarmement du Hezbollah.

« Nous continuons d'exhorter le gouvernement à aller jusqu'au bout pour mettre fin aux hostilités, ce qui inclut le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », a déclaré Morgan Ortagus sur la chaîne locale LBCI. 

Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

« Nous allons bientôt élaborer une stratégie de défense nationale dans ce cadre », a-t-il ajouté.

Le Hezbollah est le seul groupe libanais à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile en 1990, au nom de la « résistance » contre Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2006 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée. La guerre a fait plus de 4 000 morts.

Israël, qui a maintenu sa présence militaire au Liban dans cinq points « stratégiques » le long de la frontière, continue de mener régulièrement des frappes au Liban, disant viser des infrastructures et des membres du Hezbollah.


Gaza : une délégation du Hamas est attendue au Caire samedi pour discuter d'une trêve

Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
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  • « Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat.
  • « Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

LE CAIRE : Une délégation du Hamas est attendue samedi au Caire pour des discussions avec les médiateurs égyptiens en vue d'une nouvelle trêve dans la bande de Gaza, a indiqué à l'AFP un responsable du mouvement islamiste palestinien.

« Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre et à l'agression, et garantissant le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza », a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat, en référence à Israël.

Selon lui, le Hamas n'a reçu aucune nouvelle offre de trêve, malgré des informations de médias israéliens rapportant que l'Égypte et Israël avaient échangé des projets de documents portant sur un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages.

« Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

La délégation est conduite par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas, a-t-il précisé.

Selon le Times of Israel, la proposition égyptienne prévoirait le retour en Israël de 16 otages, huit vivants et huit morts, en échange d'une trêve de 40 à 70 jours ainsi que de la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.


Reconnaissance de l'État palestinien : de nombreuses conditions à réunir pour que la France agisse

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
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  • - Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 
  • Il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

PARIS : Toute reconnaissance de l'État palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution des deux États avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ». Les obstacles sont de taille.

- Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 

L'an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas un tabou, à condition que ce geste symbolique soit « utile ».

Mercredi, il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

La conférence pour les deux États, prévue en juin à New York sous l'égide de la France et de l'Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit. 

Des frontières à définir 

« Les attributs juridico-politiques de l'État palestinien en question n'existent pas aujourd'hui. C'est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.

« Pour qu'un État palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd'hui le gouvernement israélien accepter d'entamer un processus de décolonisation, de mettre un terme à l'occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et de demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il. 

Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas, qui a perpétré les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et provoqué les représailles meurtrières de l'armée israélienne à Gaza.

Israël a fait de l'éradication du groupe sa priorité. 

Démilitarisation du Hamas et exfiltration

Quoiqu'affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d'un arsenal lui permettant de « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et de réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza », observe-t-il.

S'agissant de l'exfiltration de certains cadres du Hamas, la question est complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer et vers quelle destination, en plus du Qatar et de la Turquie ? Des interrogations  qui restent sans réponse actuellement. 

Revitaliser l'Autorité Palestinienne

« Les Israéliens doivent être convaincus que le Hamas va être désarmé, qu'il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l'Autorité palestinienne va réellement se réformer », a expliqué à l'AFP une source diplomatique française.

Cela passe par le renforcement de la légitimité de l'Autorité palestinienne, alors que la popularité du Hamas augmente au sein de la population. 

Normalisation avec Israël

Selon Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l'Université de Genève, il faut un changement de personnel politique en son sein pour qu'une Autorité palestinienne revitalisée soit en mesure d'assurer une gouvernance crédible dans la bande de Gaza. Or, ses dirigeants ne manifestent aucun désir de passer la main, ce qui permet à Israël d'entretenir l'idée qu'ils n'ont pas d'interlocuteur crédible.

La source diplomatique rappelle que la normalisation est un processus et pas un acte isolé. Elle souligne que ce processus peut se faire progressivement et que d'autres pays peuvent participer. Cependant, la France est réaliste et ne s'attend pas à un règlement immédiat du conflit israélo-palestinien.