PARIS: La succession de François Baroin à la tête de la puissante Association des maires de France (AMF) prend l'allure d'un test à cinq mois de la présidentielle, avec deux candidats qui s'opposent sur le rôle à tenir face à Emmanuel Macron.
Deux listes s'affronteront lors du congrès de l'AMF qui se tiendra du 16 au 18 novembre à Paris: celle du maire LR de Cannes David Lisnard, adoubé par le président sortant, face à celle de l'élu de Sceaux (UDI) Philippe Laurent.
Si les deux candidats s'engagent à défendre les intérêts des plus de 34 000 membres de l'association, ils divergent sur l'héritage de M. Baroin au terme d'un mandat marqué par des tensions avec l'exécutif.
Secrétaire de l'AMF, M. Laurent, 67 ans, qui taxe toujours d'"erreur majeure" la suppression de la taxe d'habitation, déplore "un rayonnement de l'AMF moins important aujourd'hui". Un fait "peut-être lié à une préoccupation trop importante de se situer par rapport au gouvernement voire au président de la république", dit-il, laissant entendre que l'AMF est sortie de son rôle.
Face à lui, M. Lisnard, vice-président et porte-parole de l'association, s'inscrit dans la lignée de M. Baroin en dénonçant une "dévitalisation des communes qui s'est accentuée ces dernières années, au fur et à mesure des réformes fiscales qui ont dépouillé les communes de leur liberté de lever l'impôt".
Repoussée d'une année en raison de la crise sanitaire, cette élection n'échappe pas aux calculs électoraux pour la présidentielle: le maire de St-Etienne Gaël Perdriau, vice-président de LR et soutien de M. Laurent, dénonce des "intérêts malsains".
A ses yeux, il y aurait eu un "troc" avec David Lisnard qui se serait "retiré de la course à l'investiture LR à l'Elysée en échange de la présidence de l'AMF", a-t-il assuré lors d'une conférence de presse.
Une accusation rejetée avec virulence par le maire de Cannes: "C'est complètement faux et du dénigrement!", réagit-il auprès de l'AFP. "Il n'y a pas eu de marchandage!".
«Pas de tapis rouge»
Chez les Républicains, qui s'apprêtent à désigner leur candidat à l'Elysée le 4 décembre, Gaël Perdriau n'est pas le seul à soutenir Philippe Laurent, à l'image du président de la région PACA, Renaud Muselier, qui n'a pas digéré que M. Lisnard ne l'ait pas soutenu au printemps lors des régionales, après sa décision d'intégrer des LREM sur sa liste.
"Ce n'est pas le Festival de Cannes avec le tapis rouge", s'est-il emporté sur BFM et RMC: "Aujourd'hui, il se marie avec les socialistes, les communistes et les Verts (...) qu'il a combattus toute sa vie. C'est un opportuniste", raille Renaud Muselier.
Pour sa part, M. Lisnard se plaint "d'une volonté de victimisation" de la part de ses adversaires et contre-attaque en accusant son rival d'être soutenu par la majorité présidentielle et par l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, qui a lancé récemment son parti Horizons.
"Au départ, ce n'était pas dans sa démarche. Mais c'est devenu une réalité par nécessité", explique M. Lisnard à l'AFP. "Il suffit de voir à quel point Thierry Solère (conseiller d'Emmanuel Macron) et Jacqueline Gourault (ministre de la Cohésion des territoires) et d'autres s'investissent dans cette campagne", assure-t-il.
André Laignel, maire PS d'Issoudun et premier vice-président sortant de l'AMF depuis 2008, renchérit en assurant que "l'indépendance de l'AMF est en jeu". "D'un côté, il y a une liste monocolore qui est très largement dominée par des proches du pouvoir et de l'autre une liste de rassemblement intégral", explique-t-il, précisant que la majorité présidentielle a "refusé" d'intégrer la liste de M. Lisnard.
Du côté de l'exécutif, on rejette toute ingérence: "Philippe Laurent ne nous a pas demandé notre avis, il est parti en campagne tout seul", soutient une source gouvernementale. "Cherchez d'ailleurs une seule déclaration de sa part favorable au gouvernement !", ajoute-t-elle.
"Je n'ai été téléguidé par personne. Je ne suis pas le porte-voix de quelqu'un", se défend le maire de Vesoul, Alain Chrétien, soutien de M. Laurent et membre d'Agir, formation qui fait partie de la majorité présidentielle.
"Je n'ai reçu aucune marque de soutien d'Edouard Philippe", assure M. Laurent qui souligne, au passage, avoir obtenu celui du maire socialiste du Mans, Stéphane le Foll, malgré la présence de M. Laignel aux côtés de M. Lisnard.