LONDRES: Après environ deux ans de confinement, de restrictions, d’isolement et de variants très contagieux, le rire pourrait-il être le meilleur remède?
Le UK Super Muslim Comedy Tour espère prouver cela, tout en célébrant les pouvoirs de la comédie musulmane au profit d’œuvres caritatives.
«Nous n’avons pas pu organiser la tournée l’année dernière en raison de la pandémie de Covid-19. C’était une période difficile pour bon nombre de personnes car elles n’ont pas pu recevoir leur dose de divertissement, leur thérapie», explique l’animateur du spectacle, l’acteur et humoriste pakistano-britannique Abdallah Afzal, à Arab News en marge de la tournée à Wembley.
«C’était également difficile pour nous humoristes, car nous sommes tellement habitués à être sur scène et à nous produire, mais tout cela nous a été enlevé soudainement. Toute l’énergie perdue l’année dernière, nous l’apportons cette année, donc deux fois plus d’énergie, et nous espérons pouvoir divertir la foule deux fois plus aussi.»
Afzal, âgé de 32 ans et originaire de Manchester, anime la tournée, qui en est à sa sixième année, mais elle a été annulée en 2020, comme tout le reste, à cause de la pandémie.
Débutant à Londres, la tournée se dirige vers le nord et s’arrête dans dix villes, dont Manchester, Birmingham et Glasgow, et tous les billets sont vendus.
«Nous espérons vraiment que les gens viendront pour célébrer la diversité dans notre routine, dans notre spectacle et dans les personnes qui montent sur scène», lance Afzal, qui fait largement participer le public à ses représentations et utilise son origine pour mêler des blagues sur le mariage conventionnel et la romance moderne.
Cette année, on retrouve certains des anciens favoris, ainsi que de nouveaux artistes, mais aucun d’entre eux ne souhaite centrer ses blagues sur la pandémie.
La Britannique Fatiha el-Ghorri, originaire du Maroc, est de retour pour la deuxième fois. Sa carrière a décollé en 2019. Elle s’est produite dans l’émission de Jonathan Ross «Comedy Club» et sur Comedy Central lors du festival Fringe d’Édimbourg. Puis, quand la pandémie a frappé, l’humoriste s’est attaquée à Zoom.
«La pandémie a été vraiment pénible, mais pendant cette période, je faisais beaucoup de spectacles sur Zoom et sur d’autres plates-formes en ligne», indique-t-elle. «C’est un format complètement différent, la scène est différente, et le public n’est pas en face de vous. C’est donc vraiment bizarre quand vous le faites pour la première fois.»
Soulagée et enthousiaste à l’idée de reprendre ses spectacles physiques, la quadragénaire de l’est de Londres est connue pour repousser les limites avec sa comédie et plaisanter sur ses expériences et ses observations sur le mariage, les relations, les rencontres amoureuses et le port du hijab.
«J’aime provoquer les gens dans mes numéros et j’aime briser les stéréotypes, mais évidemment ce sont des blagues halal parce que c’est une tournée musulmane», précise-t-elle, ajoutant qu’elle avait décidé de ne pas utiliser le coronavirus comme base pour ses blagues pendant la tournée «parce que c’était une période assez difficile pour tout le monde. Je ne pouvais donc pas voir d’humour dans tout ce qui se passait et je suis juste contente que la situation commence à s’améliorer.»
Cependant, elle a admis que cette expérience était très stressante car cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas produite sur scène.
«On a toujours le trac lorsqu’on prend notre travail à cœur. Je suis toujours stressée sur scène, mais maintenant j’ai l’impression que nous avons tous le trac en remontant sur scène. En revanche, cela fait plaisir de voir que la salle est pleine à craquer, que beaucoup de gens sont là et qu’ils sont venus pour rire.»
Salmane Malik, du sud de Londres, est soulagé que les spectacles sur Zoom laissent de nouveau place aux spectacles en direct, et il est heureux de voir que le public est venu en «grand nombre».
Ce Bahreïno-Pakistanais de 35 ans, qui s’est installé au Royaume-Uni en 2004 et qui participe à la tournée pour la première fois, se base sur ses origines arabo-asiatiques pour la plupart de ses textes, ainsi que sur son expérience de l’immigration, son mariage interracial et le fait d’être père de trois enfants.
«Je présente des numéros en quatre langues: urdu, anglais, punjabi et hindi. C’est vraiment agréable de voir que les possibilités sont infinies et de travailler sur mon art. Mes sketches racontent essentiellement mon immigration au Royaume-Uni, en toute légalité.»
Organisée par l’œuvre caritative britannique Penny Appeal, les recettes et les fonds récoltés cette année seront destinés à la campagne Thirst Relief de l’organisation humanitaire internationale, qui contribue à fournir de l’eau potable aux communautés défavorisées du monde entier.
L’humoriste Prince Abdi, 32 ans, connu pour avoir travaillé avec certains des plus grands noms de la scène, notamment Dave Chappelle, Trevor Noah et Chris Rock, a épaté la foule avec ses impressions et ses anecdotes sur ses blagues et pitreries.
«Je suis somalo-britannique, je parle donc du fait d’avoir grandi dans le ghetto du sud de Londres, qui n’est pas vraiment un ghetto parce que je suis originaire de Somalie, vous savez», dit-il.
Abdi s’est lancé dans la comédie à la suite d’un pari avec des amis et, après plusieurs tentatives ratées dans le même club de comédie brutal, il a finalement connu son premier succès et ne s’est «jamais retourné».
Il a fait une tournée en Afrique, notamment au Nigeria, en Afrique du Sud et au Kenya, et s’est également produit aux Émirats arabes unis. Il affirme qu’il aimerait un jour parcourir le Moyen-Orient et raconter des blagues arabes.
«Rien n’est facile dans la vie, il faut travailler pour y arriver. La comédie est toujours aussi difficile aujourd’hui, et le succès d’un humoriste dépend de la qualité de son dernier spectacle», souligne-t-il.
Abdi raconte qu’il s’est ennuyé pendant la pandémie et qu’il faisait des farces aux gens pour tester leur curiosité raciale et culturelle, notamment en se promenant dans la ville avec une photo de lui et en demandant aux personnes blanches si elles avaient «vu cet homme?».
«Tout le monde se rassemble, ce qui est bien car le rire est le meilleur remède. Nous avons tous besoin de rire, surtout avec ce qui se passe dans le monde.»
La vedette Azeem Mohammed, originaire de Saint-Louis dans le Missouri, a rejoint la tournée Penny Appeal en 2018 pour voir si sa comédie pouvait «transcender» des États-Unis à la Grande-Bretagne, et il connaît depuis un succès grandissant.
Le père de sept enfants, au débit rapide, fait rire le public avec ses blagues sur la famille et ses interactions avec le public, et tant pis pour ceux qui ne peuvent pas suivre, «c’est de leur propre faute, car ils auraient dû aller à l’université», plaisante-t-il.
Mohammed, 48 ans, s’est converti à l’islam à l’âge de 17 ans et, neuf ans plus tard, s’est lancé dans sa carrière d’humoriste.
En 2004, il est devenu l’un des membres fondateurs de la toute première tournée de comédie musulmane au monde, intitulée «Allah Made Me Funny» («Allah m’a créé drôle»), à laquelle participaient également Preacher Bryant Moss et Azhar Usman.
Il a confié que durant ces années de tournée, il avait trouvé des nuances pour mieux expliquer au public britannique majoritairement musulman ce que c’est que d’être musulman aux États-Unis.
«Ensuite, je me suis rendu compte que, peu importe nos origines, les sujets dont je parle, à savoir le mariage, le divorce, les enfants, le travail, la santé, la Sunnah (traditions et pratiques du prophète Mahomet), sont des sujets auxquels on peut s’identifier. Ils sont universels, donc ce qui nous séparerait normalement nous rapproche davantage maintenant.»
Keyaan Hussain, âgé de 13 ans et originaire de Londres, a jugé le spectacle très agréable, très drôle et très divertissant, ajoutant que son préféré était Mohammed «parce qu’il interagissait davantage avec le public».
Ifrah Quraishi, également originaire de Londres, a mentionné que c’était le premier spectacle de comédie auquel elle assistait et a indiqué qu’elle se renseignait déjà sur la tournée de l’année prochaine.
«Honnêtement, j’ai trouvé le spectacle incroyable. J’ai mal aux joues tellement j’ai ri», ajoute Quraishi, 26 ans. «Je souhaite certainement assister à d’autres événements comiques comme celui-ci, et j’espère vraiment être présente à la prochaine tournée.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com