TUNIS: C’est un phénomène qui prend de l’ampleur aux États-Unis et donne déjà lieu à une formule: The Great Resignation («la grande démission»). Des centaines de milliers d’employés quittent leurs postes pour continuer leurs études, changer de secteur professionnel, ou bien tout simplement pour rejoindre la concurrence.
Le chiffre est impressionnant:4,3 millions de travailleurs américains ont quitté leur poste rien qu’au mois d’août, et un nombre record de 10,3 millions d’offres d’emploi non pourvues a été atteint au mois de septembre aux États-Unis.
Avec la pandémie de Covid-19, la population adulte hors du marché du travail (ni employée, ni en recherche d'emploi) a bondi de 5 millions de personnes dans le pays. Ce chiffre est même resté stable depuis l'été 2020, et ce malgré la forte reprise et les mois de croissance de l'économie américaine.
À y regarder de plus près, ce sont surtout les jeunes et les plus âgés qui quittent le marché du travail. Les premiers, souvent, pour poursuivre des études, les seconds pour prendre leur retraite. Les aides aux ménages sous forme de chèques ont visiblement donné des idées à nombre d’entre eux.
Bien que phénomène concerne un large éventail de secteurs d’activité, ce sont les métiers de services, souvent mal payés, qui connaissent des taux de démission records: 6,8 % dans l'hôtellerie et l'alimentation.
Le mouvement pourrait s’essouffler avec la hausse des salaires intervenue ces derniers mois. Depuis le début de la pandémie, de nombreuses entreprises ont accordé des augmentations sous la pression des syndicats. En déclin depuis la fin des années 1960, la hausse des rémunérations semble sonner la fin de la récréation aux États-Unis.
Selon Goldman Sachs, le niveau des bas salaires a bondi de 6 % au troisième trimestre 2021. La fin des aides exceptionnelles aux demandeurs d'emploi et une croissance plus faible que prévu devaient détendre le marché du travail cet automne. Des prévisions qui restent toutefois à confirmer.
Risque de propagation mondiale?
Selon de nombreux spécialistes, la pandémie de Covid-19 a bouleversé le rapport au travail dans de nombreux pays développés.
Bloomberg relève que l’Allemagne manque de 400 000 travailleurs qualifiés. Dans un article paru le 18 octobre, le Washington Post note que la Chine est également confrontée à une génération de travailleurs «désenchantée» à cause de salaires relativement bas. Le journal cite également l’exemple du Vietnam, où un certain nombre de travailleurs se refusent à revenir sur leur lieu de travail dans les grandes villes après leur retour à la campagne durant la pandémie de Covid-19. De son côté, la France connait une grave pénurie de main d’œuvre dans le secteur de la restauration, et ce depuis plusieurs mois.
Mais la portée mondiale de cette «grande démission» reste toutefois à nuancer, soutient le Washington Post. Plus de 26 millions de personnes ont perdu leur emploi durant la pandémie en Amérique latine et dans les Caraïbes, rendant la situation des travailleurs les plus pauvres encore plus précaire. Une enquête menée auprès de travailleurs du textile, en Birmanie, au Honduras, en Éthiopie et en Inde, démontre qu’une majorité de ces employés se sont endettés et doivent désormais travailler avec «des conditions de travail moins bonnes, des salaires inférieurs et davantage de risques», précise le quotidien américain.