PARIS: Le royaume de Jordanie regorge de jeunes talents singuliers et créatifs. C’est pourquoi l’entreprise sociale Empowering through a lancé au mois d’août dernier la plate-forme Design in Jordan, qui met en lumière des designers à succès. Si les profils de ces créateurs sont très variés, l’un d’eux se révèle particulièrement polyvalent: celui de Hala Ghatasheh, qui a récemment travaillé dans la conception de la scénographie de deux pavillons de l’Exposition 2020 de Dubaï. Arab news en français s’est entretenu avec elle.
Media architect
Hala Ghatasheh est une media architect. Il n’y a pas d’équivalent de ce terme en français. Pour mieux comprendre les spécificités de cette spécialisation, il faut se rendre outre-Rhin, et plus précisément à l’université du Bauhaus de Weimar, d’où Hala est sortie diplômée. C’est là qu’elle a découvert cet univers si particulier. Sa scolarité, effectuée à l’université germano-jordanienne (GJU) d’Amman, en Jordanie, comprenait une année d’échange scolaire en Allemagne, ce qui lui a permis de ne pas se sentir trop dépaysée en Allemagne.
Qu’est-ce donc que la media architecture? «C’est une intégration des médias et de la technologie au sein de l’architecture – autrement dit, le fait d’utiliser l’architecture comme un moyen de communication, y compris par le biais de projections visuelles, afin de raconter à chaque fois une histoire», explique Hala Ghatasheh.
C’est ainsi qu’elle a commencé à expérimenter et à opérer une sorte de mélange entre le monde physique et le monde digital. Son objectif est de rendre l’architecture plus engageante en recourant à de technologies immersives. Ainsi, Hala Ghatasheh aime se mettre en scène dans le cadre de performances artistiques réalisées en direct à l’occasion desquelles elle met en place tout un environnement audiovisuel. Chaque performance est donc unique, surtout quand elle est basée sur l’improvisation. «Je ne suis pas musicienne, mais j’adore la musique. Plutôt que de jouer des notes, je joue avec le visuel que je crée. Je projette ce que je ressens. C’est un moyen d’expression très libre», nous confie celle qui a notamment collaboré, au mois de février 2020 à Cologne, au spectacle de la danseuse Margherita Dello Sbarba; elle était chargée du visuel et des projections en direct.
Cette architecte et artiste est toujours en quête d’expérimentation pour développer son approche interdisciplinaire. Ce qui compte pour elle, c’est de fusionner les arts. Elle a ainsi exposé à la Amman Design Week 2017 une collection de bijoux d’un genre bien particulier: Conceptual Jewerly Design est une série de pièces métalliques imprimées en 3D qui se caractérisent par une grande complexité géométrique et qui constituent le fruit de ses études sur le corps féminin. Ces pièces font immerger la forme naturelle du corps tout en se fondant en lui.
Abstraction géométrique
Au sein de cette collection, la Jordanie occupe une place à part. Une pièce intitulée Iris Black Lamp a particulièrement retenu l’attention. L’iris noir est la fleur nationale de Jordanie et l’un des emblèmes de ce royaume. Hala Ghatasheh a donc voulu célébrer la beauté de son pays en utilisant une forme qui découle d’une abstraction géométrique de l’iris noir. «Je trouve généralement de l’inspiration dans mon environnement proche, que ce soit la nature ou le paysage urbain. Dans mon travail, j’aime revenir, à chaque fois, à l’architecture. J’ai pris l’iris comme une fleur, pas seulement pour sa forme, mais aussi pour ses fonctions, notamment la floraison. L’installation s’ouvre et créée dès lors différentes atmosphères.»
Hala Ghatasheh utilise ainsi l’architecture pour mettre en scène et raconter une histoire. Elle a travaillé au sein de l’agence Facts and Fiction dans la mise en place de la scénographie des Pavillons de la Belgique et de la Jordanie de l’Exposition universelle 2020 de Dubaï. «Le visiteur est le personnage central. Nous avons conçu à son intention différentes expériences et, pour chacune d’entre elles, le visiteur doit entreprendre un voyage et écrire sa propre histoire. C’est un espace sensoriel dans lequel le visiteur interagit avec son environnement et y contribue, tout en faisant appel à ses sens. Cela permet à chaque visiteur de s’approprier sa propre expérience et de se créer ses propres souvenirs.»
La vision architecturale de Hala Ghatasheh continue à se développer, y compris en Jordanie. L’artiste a ainsi été l’architecte de la maison de vacances jordanienne, caractérisée par son osmose avec l’environnement grâce à «une composition minimale de pierres jordaniennes locales, d'acier, de lumière et de nature».
Son potentiel est énorme, ce qui explique le fait qu’elle ait été sélectionnée dans le programme Future Females du prestigieux Arts Directors Clubs, qui s’est déroulé au mois de septembre 2021 à Hambourg. Ce programme a pour objectif de guider les femmes qui seront les futurs leaders du secteur créatif, un domaine où les femmes sont vraiment sous-représentées dans les postes de direction. Que ce soit en Allemagne ou en Jordanie, Hala Ghatasheh continue à écrire sa propre histoire, celle d’une femme qui amenée à devenir un chef de file et un modèle à suivre.