Guerre des mots, alors que le livre imprimé continue de résister à la concurrence des e-books

Un grand nombre de lecteurs assidus préfèrent les livres imprimés aux ouvrages électroniques, car ils semblent en apprécier l'odeur ainsi que le plaisir d’en feuilleter les pages. (SPA)
Un grand nombre de lecteurs assidus préfèrent les livres imprimés aux ouvrages électroniques, car ils semblent en apprécier l'odeur ainsi que le plaisir d’en feuilleter les pages. (SPA)
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Publié le Mardi 19 octobre 2021

Guerre des mots, alors que le livre imprimé continue de résister à la concurrence des e-books

Un grand nombre de lecteurs assidus préfèrent les livres imprimés aux ouvrages électroniques, car ils semblent en apprécier l'odeur ainsi que le plaisir d’en feuilleter les pages. (SPA)
  • La tradition l'emporte sur la technologie en Arabie saoudite, lecteurs et éditeurs se trouvant sur la même longueur d'onde
  • Les générations plus âgées hésitent à abandonner le papier, mais les plus jeunes pourraient le considérer comme peu pratique dans une époque dominée par la technologie moderne

LA MECQUE: La marche de la technologie s'accélère peut-être dans tous les domaines de la vie arabe, mais lorsqu’il s'agit de lire et d'apprécier des livres, les vieilles habitudes semblent avoir la vie dure. 

Malgré les avertissements ces dernières années anticipant la disparition imminente du livre imprimé, les livres traditionnels tiennent toujours le coup face à leurs concurrents électroniques, les Saoudiens continuant à profiter de la sensation agréable de tourner de nouvelles pages. 

De nombreuses maisons d'édition au Moyen-Orient ont reconnu le pouvoir du livre imprimé, celui-ci conservant sa supériorité, en particulier lors des salons du livre. Les acheteurs préfèrent toujours l'élégance et les sensations que procurent un bel ouvrage imprimé. 

D’ailleurs, les éditeurs ont réagi assez vite pour contrer la menace des livres électroniques, en adoptant des stratégies prudentes pour protéger leurs publications et lutter contre le piratage croissant du contenu.  

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Rania al-Moallem, directrice éditoriale chez Dar Al Saqi, explique à Arab News qu'il existe encore une demande relativement faible de livres électroniques, principalement en raison de la disponibilité limitée d’éléments numériques, toujours considérés comme un article de luxe par de nombreuses personnes.  

«L'achat de livres électroniques en ligne n'est pas accessible à tout le monde, et il existe également un lien émotionnel qui se créée entre les lecteurs et les livres imprimés. Même ceux qui ont les moyens d'acheter des e-books préfèrent toujours les ouvrages imprimés, ce qui est compréhensible», affirme-t-elle. 

Un livre électronique est la copie électronique protégée d'un livre, ce qui rend difficile le piratage. La copie protège les droits matériels de l'écrivain, principalement, mais également ceux de l'éditeur, face aux fausses copies électroniques en ligne en format PDF, Word, ou autres. 

«Les publications de Dar Al-Saqi se sont caractérisées au fil des ans par leur format et leur contenu de haute qualité. Nous sommes essentiellement soucieux d'agir dans l'intérêt du lecteur et de satisfaire ses goûts, car nous accordons une grande attention au sujet, au style et à la langue», précise Al-Moallem. 

«Nous nous concentrons également sur la forme finale du livre: sa mise en page, la taille des caractères, le type de papier, la conception et de la taille de la couverture. Toutes ces considérations évoluent selon les dernières tendances du monde de l'édition», assure-t-elle. 

En plus de proposer des livres imprimés de haute qualité, cette maison d’édition s'adresse également aux lecteurs de livres électroniques via plusieurs plates-formes, et a lancé une bibliothèque numérique Al-Saqi. 

EN BREF

  • Les éditeurs ont été confrontés à des problèmes de piratage et de téléchargement gratuit de livres de format PDF en ligne, et ont déposé des plaintes auprès de Google dans le but de lutter contre cette pratique», affirme Majid Shebr, directeur d'Al-Warrak Publishing à Londres. 
  • En dépit de leur grande disponibilité, les livres électroniques causent souvent une fatigue oculaire. Entre-temps, le livre en papier maintient sa domination en Europe et dans le monde arabe via les salons du livre, assure Majid Shebr. 

«Nous sommes conscients que le marché du livre électronique n'est pas encore bien installé sur le marché, et que le livre imprimé reste toujours la formule privilégiée. Cependant, nous sommes également conscients qu’il est important de nous rapprocher des lecteurs de livres électroniques, car nous pensons que la relation avec eux est complémentaire plus que concurrentielle», soutient Al-Moallem. 

Malgré les avancées technologiques des dernières années, les fervents lecteurs du Royaume sont constamment à la recherche de la copie parfaite, comme en témoignent les scènes de la Foire internationale du livre de Riyad, où beaucoup de personnes, jeunes et moins jeunes, sont sortis avec des séries de livres dans les mains. 

Majid Shebr, directeur d'Al-Warrak Publishing à Londres, indique pour sa part que les livres électroniques dans la région du Golfe en sont encore à un stade embryonnaire. 

«Les éditeurs ont été confrontés à des problèmes de piratage et de téléchargement gratuit de livres de format PDF en ligne, et ont déposé des plaintes auprès de Google dans le but de lutter contre cette pratique», affirme-t-il. 

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Les États arabes manquent de plates-formes capables de cibler les livres piratés gratuits, ce qui touche directement les éditeurs et pose un important défi. 

Shebr estime en outre qu'en dépit de leur grande disponibilité, les livres électroniques causaient souvent une fatigue oculaire. Entre-temps, le livre en papier maintient sa domination en Europe et dans le monde arabe, notamment à travers les salons du livre. 

«Je me trouvais dans une librairie Waterstones à Londres pour regarder les dernières parutions, et j'ai constaté qu'un grand nombre de personnes choisissaient encore des livres en version papier». Il précise également que la concurrence entre les formats imprimés et électroniques est guidée par le style du lecteur et la facilité de la langue. 

L'écrivaine et romancière égyptienne Racha Samir raconte qu’en tant que lectrice assidue, elle doute que les livres électroniques puissent jamais égaler le plaisir de lire des œuvres imprimées. «Je ne peux pas me défaire de l'habitude de lire des ouvrages en version papier, et je ne peux pas du tout lire sur des e-books. Le toucher d'un livre, l'odeur et la dédicace de personnalités littéraires sont le secret de mon attachement à ce type de lecture», confie-t-elle à Arab News.  

«Les livres en papier seront toujours mon trésor que je garde sur les étagères de ma grande bibliothèque», assure-t-elle. 

Certains éditeurs pensent que l’édition électronique leur permet de vendre leurs livres plus rapidement, et que les publicités en ligne sont plus faciles et moins coûteuses que les publications papier. D'autres pensent que l'édition électronique éliminera les livres en version papier, alors que ceux-ci sont à l’origine du secteur, ce qui doit être combattu.  

«Il n’y a rien de mal à lire une œuvre littéraire électroniquement, car cela donne un accès facile à plusieurs groupes de personnes, comme les expatriés et les Arabes qui vivent loin des bibliothèques arabes. C'est maintenant devenu un moyen de soutenir les publications et de faire connaître le travail d'un écrivain. C'est également une bonne solution pour réduire les distances que les livres en papier ne peuvent parfois pas diminuer», soutient Racha Samir. 

L’attitude adoptée face aux livres imprimés ou électroniques dépend souvent de l'âge du lecteur. Les générations plus âgées hésitent à abandonner le papier, mais les plus jeunes pourraient le considérer comme peu pratique dans une époque dominée par la technologie moderne. 

Avec la nouvelle génération, dont la vie est dominée par la technologie et l’Internet, les publications doivent suivre le rythme, estime l’écrivaine égyptienne.  

«Ils apprennent via les réseaux sociaux et n'utilisent plus les livres papier comme source d'information. Google est leur source la plus fiable pour eux, ce qui est un problème. Nous devons donc rencontrer les jeunes à mi-chemin, les encourager à lire et à apprendre à leur manière tout en les guidant. Nous devons également les pousser à comprendre la valeur des livres, à en évaluer le contenu et à faire la distinction entre les livres de valeur et les livres bon marché.» 

«Même si les livres papiers étaient lus sur Kindle ou tout autre système, en tant que personnes instruites, nous devrions continuer à les défendre, et à persévérer leur place», argumente-t-elle. 

Adel Houshan, poète et romancier saoudien, affirme que même après la disparition de certains empires de l'imprimerie dans le monde arabe et sur la planète, les projets numériques, et notamment les livres électroniques et audio, souffraient toujours pour deux raisons. 

«La première est liée à la publicité, car ils s'appuient sur des institutions et de petits projets qui ne trouvent pas le moyen de briser le pouvoir des livres en papier et leur riche histoire. La deuxième raison, ce sont les festivals du livre arabe, qui gagnent en popularité avec l'aide des réseaux sociaux», a-t-il précisé. «Il y a quelques années, nous avions dit que le papier ne durerait pas longtemps, mais les vieilles habitudes ont la vie dure.» 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Kojo Marfo dévoile «HOME» à Dubaï: une immersion vibrante dans l’identité, l’esprit et l’essence du foyer

HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: Arab News)
HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: Arab News)
HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: fournie)
HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: fournie)
HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: Arab News)
HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: Arab News)
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  • Marfo qualifie «HOME» de tournant introspectif dans son parcours artistique
  • Ce n’est pas qu’une expansion géographique, mais aussi une évolution de sa démarche artistique

DUBAÏ: L'artiste ghanéen-britannique Kojo Marfo présente sa première exposition personnelle aux Émirats arabes unis, HOME: Heart of My Existence, qui se déroule à la JD Malat Gallery de Dubaï. Du 16 avril au 31 mai 2025, cette exposition réunit treize œuvres monumentales et audacieuses, invitant les spectateurs à une réflexion profonde et intime sur la signification réelle du mot «appartenir» et sur l'origine de ce sentiment.

À son arrivée à Dubaï, Marfo a partagé ses premières impressions lors d'un entretien exclusif: «Tout le monde semble très poli et discipliné», a-t-il déclaré. «Cela rend les choses très authentiques, et on se sent plus libre de faire ce que l’on souhaite. L’énergie est incroyable – tout le monde semble positif et profite pleinement de la vie.»

Un cadre qui correspond parfaitement à HOME, une série que Marfo qualifie de tournant introspectif dans son parcours artistique. Célèbre pour son style vibrant, qu'il désigne sous le nom d'AfroGenesis, l'artiste mêle les influences de son héritage ghanéen – en particulier les artefacts et sculptures Akan – avec des courants artistiques occidentaux comme le cubisme et les techniques des grands maîtres. Cela donne naissance à un langage visuel unique, où des figures monumentales et colorées, à la fois énigmatiques et profondément expressives, prennent forme.

Une conversation en couleurs et en formes

Si les couleurs éclatantes et les formes stylisées captivent au premier regard, c’est le message profond de l’exposition qui demeure. «Il s’agit de lancer des conversations», explique Marfo. «On pense qu’on sait tout, mais ce n’est pas vrai. Nous vivons constamment dans nos pensées – c’est notre esprit qui nous guide, qui nous dicte nos émotions. L’espace physique devient insignifiant lorsque l’esprit est en chaos.»

L’idée de HOME ne se limite pas à un lieu physique. Pour Marfo, le foyer est une notion intérieure, façonnée par l’émotion, l’expérience et la mémoire. «Peu importe ce qu’on fait, on pense que notre “chez soi”, ce sont quatre murs, un toit et une serrure – mais ce n’est pas ça», dit-il. «Cette exposition est une invitation à regarder en soi. Il faut apprendre à se connaître, à s’accepter, et à en tirer des leçons.»

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Kojo Marfo - Fury and Freedom, 2025. (Photo: Arab News) 

L’une des œuvres phares de l’exposition, intitulée Fury and Freedom, illustre ce tumulte intérieur. «On voit à quel point tout est chaotique», commente Marfo. «Il y a un bouclier – c’est ce que la société appelle porter un masque. Il nous protège des agressions inutiles. C’est notre manière de vivre.» Pour l’artiste, ce masque symbolise les identités changeantes de l’humanité, ses mécanismes de défense émotionnels, et l’équilibre délicat entre expression de soi et protection de soi.

Une évolution artistique

Bien que Marfo ait exposé dans des villes majeures comme Paris, Tokyo ou Londres, cette exposition à Dubaï représente un moment charnière. «Quand la galerie m’a contacté, je me suis dit que j’allais apporter quelque chose de différent ici», se souvient-il. «La plupart de ces œuvres n’ont jamais été exposées. Mon objectif principal était de créer un dialogue à Dubaï.»

Ce n’est pas qu’une expansion géographique, mais aussi une évolution de sa démarche artistique. Puisant son inspiration dans les interactions humaines et les comportements, Marfo crée avec une histoire à l’esprit. «Parfois je peins d’abord, puis j’essaie de construire une histoire – mais c’est plus difficile. Je préfère m’inspirer des échanges, les faire miens, puis peindre.»

Bien qu’il ait été influencé à ses débuts par Picasso, Marfo a su se détacher des modèles pour forger son propre univers esthétique. «Avec le temps, j’ai développé mon propre style, mes propres idées – je l’appelle AfroGenesis. Ça sonne comme un mouvement, mais pour moi, c’est juste ma façon de dire que je suis original. Je ne cherche pas à lancer un mouvement – je suis juste là pour dire: “Je suis authentique.”»

Un échange culturel

HOME ne met pas seulement en lumière la maîtrise technique et la voix créative de Marfo – elle crée un pont. Entre les continents, entre les traditions culturelles, entre paysages intérieurs et réalités extérieures. Cette première immersion dans le monde de l’art moyen-oriental est à la fois une célébration et une invitation: une méditation universelle sur l’identité, le foyer et la condition humaine.

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Kojo Marfo - Stranger, 2023. (Photo: Arab News) 

«Je crée des œuvres vivantes et colorées pour capter l’attention», explique-t-il. «Mais mon but n’est pas que les gens se contentent de les observer – je souhaite qu’ils s’approchent et découvrent l’histoire qui se cache derrière. »

Et avec HOME, les amateurs d’art à Dubaï sont invités à bien plus qu’une simple visite de galerie – c’est une exploration réfléchie, intensément humaine, de ce que signifie être au monde.


Pour planter son blé, l'Irak puise dans les nappes phréatiques

Face aux pénuries, l'Irak cherche à mettre fin à ce gaspillage mais pompe les eaux souterraines. (AFP)
Face aux pénuries, l'Irak cherche à mettre fin à ce gaspillage mais pompe les eaux souterraines. (AFP)
Depuis des millénaires, pour cultiver les régions du Croissant fertile arrosées par le Tigre et l'Euphrate, on inonde les champs en conduisant l'eau des fleuves vers les parcelles grâce à des canaux. (AFP)
Depuis des millénaires, pour cultiver les régions du Croissant fertile arrosées par le Tigre et l'Euphrate, on inonde les champs en conduisant l'eau des fleuves vers les parcelles grâce à des canaux. (AFP)
Loin de l'Euphrate, ces champs verdissent grâce à des systèmes d'irrigation modernes permettant d'économiser jusqu'à 50% d'eau. (AFP)
Loin de l'Euphrate, ces champs verdissent grâce à des systèmes d'irrigation modernes permettant d'économiser jusqu'à 50% d'eau. (AFP)
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  • L'enjeu est capital dans ce pays de 46 millions d'habitants souffrant de précipitations en recul et d'une baisse du débit des fleuves
  • Loin de l'Euphrate, ces champs verdissent grâce à des systèmes d'irrigation modernes permettant d'économiser jusqu'à 50% d'eau

NAJAF: Hadi Sahib contemple ses épis de blé poussant en plein désert, dans le sud de l'Irak, grâce à l'eau pompée dans les nappes phréatiques, ultime recours du pays face à la sécheresse mais qui risque d'épuiser les réserves souterraines.

Vus du ciel, des cercles verdoyants se dessinent au milieu du désert de Najaf, irrigués par une imposante structure métallique tournante dotée d'arroseurs.

Loin de l'Euphrate, ces champs verdissent grâce à des systèmes d'irrigation modernes permettant d'économiser jusqu'à 50% d'eau.

"Année après année, la sécheresse empire et la désertification s'intensifie", confie à l'AFP M. Sahib, 46 ans, un agriculteur père de 12 enfants. "Les arroseurs ont permis un succès phénoménal. On n'a qu'à les mettre en marche et à s'asseoir", ajoute-t-il.

L'enjeu est capital dans ce pays de 46 millions d'habitants souffrant de précipitations en recul et d'une baisse du débit des fleuves.

Depuis des millénaires, pour cultiver les régions du Croissant fertile arrosées par le Tigre et l'Euphrate, on inonde les champs en conduisant l'eau des fleuves vers les parcelles grâce à des canaux.

Face aux pénuries, l'Irak cherche à mettre fin à ce gaspillage mais pompe les eaux souterraines.

M. Sahib se souvient qu'il exploitait dix donums de terre, soit 2,5 hectares selon une unité de mesure utilisée au Moyen-Orient.

Aujourd'hui, grâce aux facilités proposées par les autorités locales, il loue à l'Etat 50 hectares à un prix symbolique et récolte 250 tonnes.

"On ne pourrait pas continuer sans les nappes phréatiques, difficile d'avoir l'eau sans creuser des puits", confie à l'AFP l'agriculteur en jellabah, dans son champ balayé par une tempête de sable.

Cet hiver, 3,1 millions de donums ont été cultivés grâce aux eaux souterraines et aux "systèmes d'irrigation modernes", selon les autorités. Contre deux millions de donums grâce aux fleuves et barrages.

"Réserve stratégique" 

A Najaf, cette méthode se pratique depuis plus d'une décennie.

Le gouvernement loue des terres aux agriculteurs pour un dollar annuel par donum, achète les récoltes à tarif préférentiel et permet d'acquérir à prix subventionné des systèmes d'irrigation remboursables sur dix ans.

Couplés à des engrais pour sols arides et des semences importées plus résistantes, ces systèmes augmentent le rendement, souligne le responsable des autorités agricoles de Najaf, Moneim Chahid.

Cette saison, un donum près du fleuve devrait produire 1,3 tonne de blé contre au moins 1,7 tonne dans le désert, prévoit-il.

En 2024, l'Irak a ainsi dépassé l'autosuffisance avec 6,4 millions de tonnes de blé récoltées.

Les autorités se disent conscientes du risque de surexploitation des eaux souterraines.

"Les nappes phréatiques constituent une réserve stratégique importante pour les générations à venir", reconnaît M. Chahid. "Nous devons être vigilants, l'eau doit être rationnée", dit-il en soulignant que les arroseurs "aident à réguler la consommation des eaux souterraines".

Dans le désert de Kerbala, dans le centre du pays, la prestigieuse institution administrant le mausolée de l'imam Hussein, capable d'endosser des investissements colossaux, pratique depuis 2018 l'agriculture désertique.

L'institution vise 3.750 hectares de blé, contre un millier d'hectares actuellement.

 "Ressources éternelles"?

Le désert occidental d'Irak, qui chevauche la province de Najaf, abrite dans ses profondeurs une partie des réservoirs stratégiques d'Al-Dammam et Oum al-Radhuma, s'étendant sous l'Arabie saoudite et le Koweït qui ont aussi exploité ces ressources.

Dès 2013, l'ONU reconnaissait que les réserves de ces deux bassins s'épuisaient.

Avec une "extraction à grande échelle des eaux souterraines pour l'irrigation", l'Arabie saoudite s'est hissée dans les années 1990 au rang de sixième exportateur mondial de blé, selon un rapport de l'ONU en 2023.

Cette surexploitation massive a épuisé plus de 80% des ressources, contraignant le royaume à arrêter ses cultures de blé en 2016, ajoute ce rapport.

En Irak, "les gens creusent des puits et pensent ces ressources éternelles. C'est faux", assène Sameh al-Muqdadi, expert en gestion de l'eau.

"Avant on pouvait creuser des puits de 50 mètres ou 100 mètres de profondeur pour atteindre la nappe phréatique. Maintenant c'est 300 mètres", dit-il à l'AFP.

Les autorités ne disposent en outre d'aucun chiffre sur les eaux souterraines de l'Irak, les dernières statistiques publiques remontant aux années 1970, dit-il. "Sans estimations, on ne peut pas gérer nos ressources", résume l'expert.

"Une sécurité alimentaire durable ne peut jamais être assurée avec des eaux souterraines. Cette ressource, accumulée au cours de milliers d'année, est limitée", souligne-t-il.

Il plaide pour l'exploitation des nappes phréatiques uniquement "en cas d'urgence, pendant les sécheresses" et non "pour une expansion commerciale des terres agricoles".

Or, regrette-t-il, "c'est le cas aujourd'hui."

 


Au Maroc, des bénévoles traquent les déchets qui empoisonnent le désert

 Aux portes du "Grand Désert", dans le sud du Maroc, des bénévoles traquent les déchets incrustés dans le sable: bouteilles, sacs plastiques, "il y en a de toutes sortes", constate l'un d'entre eux lors d'une initiative de nettoyage aux abords d'un village en plein Sahara. (AFP)
Aux portes du "Grand Désert", dans le sud du Maroc, des bénévoles traquent les déchets incrustés dans le sable: bouteilles, sacs plastiques, "il y en a de toutes sortes", constate l'un d'entre eux lors d'une initiative de nettoyage aux abords d'un village en plein Sahara. (AFP)
 Aux portes du "Grand Désert", dans le sud du Maroc, des bénévoles traquent les déchets incrustés dans le sable: bouteilles, sacs plastiques, "il y en a de toutes sortes", constate l'un d'entre eux lors d'une initiative de nettoyage aux abords d'un village en plein Sahara. (AFP)
Aux portes du "Grand Désert", dans le sud du Maroc, des bénévoles traquent les déchets incrustés dans le sable: bouteilles, sacs plastiques, "il y en a de toutes sortes", constate l'un d'entre eux lors d'une initiative de nettoyage aux abords d'un village en plein Sahara. (AFP)
 Aux portes du "Grand Désert", dans le sud du Maroc, des bénévoles traquent les déchets incrustés dans le sable: bouteilles, sacs plastiques, "il y en a de toutes sortes", constate l'un d'entre eux lors d'une initiative de nettoyage aux abords d'un village en plein Sahara. (AFP)
Aux portes du "Grand Désert", dans le sud du Maroc, des bénévoles traquent les déchets incrustés dans le sable: bouteilles, sacs plastiques, "il y en a de toutes sortes", constate l'un d'entre eux lors d'une initiative de nettoyage aux abords d'un village en plein Sahara. (AFP)
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  • A l'occasion de la 20e édition du Festival international des nomades, organisée mi-avril dans la localité de M'Hamid El Ghizlane, environ 50 personnes, gantées et munies de sacs poubelle, s'activent sous une pluie fine
  • En cinq heures, elles ont récolté entre 400 et 600 kilos de déchets, selon les organisateurs

M'HAMID EL GHIZLANE: Aux portes du "Grand Désert", dans le sud du Maroc, des bénévoles traquent les déchets incrustés dans le sable: bouteilles, sacs plastiques, "il y en a de toutes sortes", constate l'un d'entre eux lors d'une initiative de nettoyage aux abords d'un village en plein Sahara.

A l'occasion de la 20e édition du Festival international des nomades, organisée mi-avril dans la localité de M'Hamid El Ghizlane, environ 50 personnes, gantées et munies de sacs poubelle, s'activent sous une pluie fine.

En cinq heures, elles ont récolté entre 400 et 600 kilos de déchets, selon les organisateurs.

"Habituellement, les initiatives de nettoyage se concentrent sur les plages et les forêts. Pourtant, le désert souffre également de la pollution", indique à l'AFP Noureddine Bougrab, fondateur du Festival et habitant de M'Hamid El Ghizlane, village de quelque 6.600 âmes.

Cette campagne, qui a réuni artistes, militants associatifs et touristes étrangers, est un "appel" à la "protection des déserts du monde", poursuit M. Bougrab, 46 ans.

Elle a commencé à l'entrée nord de M'Hamid El Ghizlane, "une zone particulièrement touchée par la pollution", affirme-t-il, puis s'est poursuivie jusqu'à l'autre extrémité de la commune, marquant le début du "Grand Désert".

Les origines de cette pollution sont essentiellement "liées à la production massive de produits en plastique, à son faible taux de recyclage", sans compter les "polluants atmosphériques transportés par le vent", explique l'anthropologue Mustapha Naimi.

Le Maroc et ses quasi 37 millions d'habitants génèrent chaque année environ 8,2 millions de tonnes de déchets ménagers, d'après le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable.

"Cela représente l'équivalent de 811 fois le poids de la Tour Eiffel, ou encore de quoi remplir 2.780 piscines olympiques de déchets tassés", illustre Hassan Chouaouta, expert international en développement stratégique durable.

Sur ce volume, "entre 6 et 7%" sont recyclés, précise-t-il.

"Partout" 

Le réveil a sonné "tôt", confie un bénévole français, Ronan Le Floch. Pour ce photographe, qui habite New York, le but de l'opération est "de montrer que c'est important de prendre soin de ce type d'environnement".

"Ce matin, on a trouvé essentiellement des déchets plastiques", qui, avec "le temps", se sont dégradés en "petits morceaux" répandus "partout", décrit cet homme de 35 ans, affirmant avoir aussi trouvé des vêtements et conserves.

Cette initiative est cruciale pour protéger "les animaux" et la population locale, souligne Ousmane Ag Oumar, un Malien de 35 ans, membre de Imarhan Timbuktu, un groupe de blues Touareg. Il pointe un danger direct pour les troupeaux, essentiels à la subsistance des communautés nomades.

"Les déchets plastiques ont des effets néfastes sur l'environnement saharien puisqu'ils contaminent les terres, les pâturages, les rivières, les aires de nomadisation", abonde l'anthropologue Naimi.

Le nomadisme pastoral, un mode de vie millénaire reposant sur la mobilité au gré des saisons et des pâtures du bétail, tend à disparaître au Maroc, fragilisé par le dérèglement climatique qui bouleverse les itinéraires de transhumance et pousse les communautés nomades vers la sédentarisation.

Les dernières données officielles sur le recensement des nomades remontent à 2014, avec un total de 25.274 personnes, soit une baisse de 63% par rapport à 2004.

En outre, cette population n'a "pas bénéficié de beaucoup de soutien de l'Etat, comparativement aux subventions accordées à l'agriculture par exemple, surtout pour les produits destinés à l'exportation", affirme Mohammed Mahdi, professeur de sociologie rurale.

"Pour les éleveurs (nomades), on donne très peu et comme ils n'arrivent pas à se maintenir, un bon nombre a fait faillite et quitté l'activité d'élevage", ajoute l'expert.

Mohamed Oujâa, 50 ans, leader du groupe "Les pigeons du sable", spécialiste de musique gnaoua (style pratiqué au Maghreb par les descendants d'esclaves noirs) insiste pour sa part sur l'importance d'"un environnement propre" pour "les générations futures".

Cette initiative n'est "que la première d'une série de campagnes à venir de nettoyage du désert", espère-t-il.