HASSELT: Admis aux urgences en hypothermie et complètement déshydraté, Sanda Dia ne pouvait pas survivre à son bizutage, ont expliqué mardi des médecins à la barre du tribunal belge de Hasselt (nord-est), qui doit établir les responsabilités dans le décès de cet étudiant métis.
Le médecin légiste Werner Jacobs a confirmé que le décès en 2018 de l'étudiant de 20 ans était dû à un œdème cérébral, consécutif à des teneurs en sodium anormalement élevées dans son corps, après l'absorption d'huile de poisson.
« A un moment donné, il y a un point de non retour », a expliqué le Dr Niels Van Regenmortel, à propos de cette surdose de sodium. Ce praticien a examiné Sanda Dia après son admission aux soins intensifs de l'hôpital d'Anvers (nord).
Le drame a suscité l'émotion en Belgique où les baptêmes estudiantins sont une tradition bien ancrée, avec leurs soirées alcoolisées et leur lot de dérapages.
Il est toutefois rare qu'ils débouchent sur des procès comme c'est le cas dans cette affaire, qui vaut à 18 étudiants de la fraternité flamande Reuzegom (désormais dissoute) d'être jugés par le tribunal correctionnel de Hasselt.
Le dossier, initialement traité à Anvers, a dû être dépaysé car l'un des prévenus est le fils d'un magistrat en poste dans la cité portuaire.
Les 18 étudiants sont jugés, selon les cas, pour « traitements dégradants », « administration de substance nocive ayant entraîné la mort », « négligence coupable » voire « homicide involontaire ».
Mardi, seuls quatre d'entre eux étaient présents au tribunal, souvent tête baissée, pour entendre l'exposé de trois médecins experts, qui constituait le coup d'envoi des débats.
Le procès doit se poursuivre, après une interruption de plusieurs mois, fin avril 2022, avec le réquisitoire et les plaidoiries prévues sur plusieurs jours.
Les 4 et 5 décembre 2018, Sanda Dia, un Anversois né de père mauritanien, avait dû subir avec deux autres étudiants une série d'épreuves lors d'un « baptême » pour intégrer cette fraternité bien implantée dans la très réputée université catholique de Louvain (KU Leuven).
Le premier jour, il avait dû ingurgiter une grande quantité d'alcool sans pouvoir ensuite s'hydrater pour faire baisser son alcoolémie. Du scotch avait été collé sur tous les robinets de son appartement.
« Froideur terrifiante »
Le second jour, dans un chalet isolé en périphérie d'Anvers, il avait notamment dû avaler une préparation salée à base d'huile de poisson, puis séjourner dehors dans le froid dans un trou rempli d'eau glacée.
Quand il est admis le 5 au soir aux urgences de l’hôpital de Malle, en périphérie d'Anvers, la température de son corps est tombée à 28,7 degrés, une hypothermie rendant « toute prise de sang impossible », a raconté à la barre le Dr Ignace Demeyer.
Il est rapidement transféré dans une unité anversoise permettant le placement sous assistance respiratoire, mais les médecins ne parviennent pas à le réanimer. Son décès est constaté le 7 décembre.
La concentration en sodium calculée en millimoles par litre (une unité de mesure utilisée en médecine) oscillait autour de 195, alors qu'elle ne devrait pas dépasser 144, a détaillé le Dr Van Regenmortel.
Pour Me Sven Mary, avocat du père de Sanda Dia, les étudiants qui le bizutaient auraient dû cesser de lui faire boire le mélange salé alors que lui-même n'était « plus en état de pouvoir refuser quoi que ce soit ».
« Sa conscience diminuée l'empêchait de réagir », a dit l'avocat après l'audience.
Il a jugé les rapports des experts d' « une froideur terrifiante pour la famille » de la victime.
En septembre 2020, un collectif antiraciste avait appelé à manifester à Louvain à la mémoire du jeune métis, présenté comme une victime du « racisme » et des pratiques « humiliantes » de Reuzegom.
L'éventuelle connotation raciste qui constituerait une circonstance aggravante n'a toutefois pas été retenue dans la procédure judiciaire.