ISTANBUL : Des élus, des soldats et même des travailleurs saisonniers kurdes sont victimes de la répression qui se poursuit en Turquie.
Sirri Sakik, ancien député du Parti démocratique du peuple (HDP) pro-kurde et ancien maire de la province orientale d'Agri, a été condamné mardi à cinq ans et dix mois de prison pour terrorisme.
Cette condamnation intervient à la suite d’une déclaration à la presse qu'il a faite il y a cinq ans, dans laquelle il évoquait les affrontements entre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un parti hors la loi, et l'armée turque.
Sirri est accusé d'« avoir volontairement aidé le PKK » et d'« avoir diffusé une propagande terroriste ». Il faisait partie d’un groupe de 250 personnes, dont plusieurs hommes politiques kurdes et des représentants d'ONG, qui demandaient au gouvernement de relancer les négociations avec le PKK pour faire cesser la violence.
« Nous en avons assez de ces affrontements, et nous sommes ici, en tant qu'ONG et habitants de la province d'Agri, pour mettre fin à ces affrontements », avait-il déclaré à l'époque.
Sakik est un politicien kurde éminent depuis les années 1990. Il a été démis de ses fonctions de maire en 2017 lorsque le gouvernement a nommé un nouvel administrateur à la municipalité.
La députée du HDP Remziye Tosun a, elle aussi, été condamnée à dix ans de prison la semaine dernière. On l’accuse de terrorisme pour avoir soigné des membres du PKK blessés lors d'affrontements dans la province de Diyarbakir en 2016.
La courte trêve entre Ankara et le PKK a pris fin à l'été 2015. La voie était donc libre pour de violents affrontements dans les provinces du sud-est et de l'est du pays où résident principalement des Kurdes.
Par ailleurs, Dogan Cetin, un soldat turc de 20 ans, d'origine kurde, aurait été attaqué par deux autres soldats pendant son service militaire obligatoire. Il a été insulté par son commandant, qui l'a traité de « terroriste » et de « traître » pour avoir utilisé la langue kurde en Turquie.
« Les habitants des villes d’Urfa, Van et Sirnak sont tous mes frères. Nous sommes des Kurdes, mais on ne peut pas se comprendre. Si seulement l’enseignement du kurde était autorisé ! », aurait dit Cetin à ses camarades soldats.
L’armée turque a ouvert une enquête après que Cetin est entré en contact avec la direction de la Communication du pays.
Dans un entretien avec Arab News, Tulay Hatimogullari, un député du HDP de la province méridionale d'Adana, a révélé que « plusieurs politiciens et maires kurdes sont maintenant derrière les barreaux. Les gens sont battus simplement parce qu'ils veulent parler en kurde, leur langue maternelle. En nous qualifiant de terroristes et en exécutant un massacre politique, il semble que le gouvernement cherche à exclure de la sphère politique le HDP, troisième parti du Parlement. Ce sont des tentatives qui visent à briser notre influence sociale ».
Au cours des derniers jours, les Kurdes ont été victimes de plusieurs autres agressions physiques. Le 4 septembre, dans la province ouest de Sakarya, un groupe de Turcs a agressé 16 ouvriers agricoles saisonniers kurdes qui récoltaient des noisettes. L'attaque a suscité l’indignation de la population, et deux personnes ont été placées en détention pour cette agression puis libérées sous caution.
Le 13 septembre, une attaque armée a visé des ouvriers du bâtiment kurdes dans la province de Van, à l’est de la Turquie. Un ouvrier a été tué, deux autres ont été blessés dans la province égéenne d’Afyon.
« Le HDP continuera à lutter pour la démocratie, la paix et la justice, face à toutes ces attaques », a déclaré Hatimogullari.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com