LOON-PLAGE: Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a demandé samedi la négociation d'un traité sur la question migratoire entre l'UE et le Royaume-Uni, à qui il a fermement réclamé l'argent promis pour lutter contre le trafic sur les côtes françaises.
"Il faut que nous négociions un traité --puisque M. (Michel) Barnier ne l'a pas fait lorsqu'il a négocié le Brexit-- qui nous lie sur les questions migratoires", a-t-il lancé lors d'un déplacement à Loon-Plage (Nord) puis à Marck (Pas-de-Calais), où des migrants tentent chaque jour de traverser la Manche pour rallier l'Angleterre.
"Nous sommes pour un accord européen qui règle le problème des demandes d’asile, qui règle le problème des reconduites, qui règle le problème du regroupement familial", a-t-il détaillé.
"Je l’ai dit au gouvernement britannique et on attend sa réponse pour engager ces discussions", a-t-il ajouté.
Le ministre a précisé qu'à la demande du président Emmanuel Macron, la France porterait ce projet lorsqu'elle exercera la présidence semestrielle de l'Union européenne en janvier.
"Nous avons un tunnel ensemble, nous avons une mer en commun et puis nous sommes des amis depuis très longtemps", a-t-il plaidé.
«Allié» mais «pas vassal»
La question des migrants entre Paris et Londres est régie depuis près de vingt ans par les accords du Touquet, qui visent à entraver l'immigration irrégulière en Grande-Bretagne en renforçant les contrôles au départ de la France.
Les traversées clandestines de migrants provoquent régulièrement de frictions entre Londres et Paris, qui se sont récemment cristallisées sur la question financière.
"Le gouvernement (britannique) n’a pas payé pour l’instant ce qu’il nous a promis", a ainsi affirmé samedi M. Darmanin. "Nous appelons les Anglais à tenir leur promesse de financement puisque nous tenons la frontière pour eux", a-t-il poursuivi.
Le Royaume-Uni s'est engagé fin juillet à payer à la France 62,7 millions d'euros en 2021-2022 pour financer le renforcement des forces de l'ordre françaises sur les côtes.
Selon la presse britannique, la ministre britannique de l'Intérieur Priti Patel avait cependant menacé début septembre de ne pas verser cette somme, face aux arrivées record de migrants traversant illégalement la Manche.
"Les 63 millions évoqués par le gouvernement britannique, pour l'instant nous n’en avons pas vu la couleur financière. Pourtant, des gendarmes ont été embauchés en plus, des moyens technologiques ont été achetés pour garder cette frontière", a expliqué M. Darmanin.
Il a affirmé que la France était "un allié de la Grande-Bretagne" mais "pas son vassal". "Nous sommes là pour tenir une frontière, c’est vrai. Mais nous sommes pour le faire en complémentarité" avec Londres, a-t-il ajouté.
«Nos amis britanniques»
Depuis fin 2018, les traversées illégales de la Manche par des migrants cherchant à gagner le Royaume-Uni se multiplient malgré les mises en garde répétées des autorités qui soulignent le danger lié à la densité du trafic, aux forts courants et à la basse température de l'eau.
Selon le préfet maritime Philippe Dutrieux, quelque 15.400 migrants ont tenté la traversée entre le 1er janvier et le 31 août, dont 3.500 ont été "récupérés en difficulté" dans le détroit et ramenés sur les côtes françaises. En 2020, les traversées et tentatives de traversées avaient concerné quelque 9.500 personnes, contre 2.300 en 2019 et 600 en 2018.
Selon M. Darmanin, les interpellations d'embarcations clandestines ont cependant progressé de 15 points ces trois derniers mois, passant "de 50% à 65% de bateaux interpellés".
"On doit pouvoir quasiment atteindre 100% si on mettait tous ces moyens et si nos amis britanniques continuent à nous aider comme ils le font", a-t-il estimé.
M. Darmanin a également affirmé avoir reçu l'assurance du directeur de l'agence européenne de surveillance des frontières Frontex que cette dernière serait "au rendez-vous" d'ici "la fin de l’année" pour aider à surveiller la zone, notamment via une surveillance aérienne.