France: De Calais à Paris, pas d’embellie pour les migrants

Opération d'évacuation d'un camp de migrants, près de Calais en avril (Photo, AFP).
Opération d'évacuation d'un camp de migrants, près de Calais en avril (Photo, AFP).
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France: De Calais à Paris, pas d’embellie pour les migrants

  • Les traversées migratoires à bord de petites embarcations se sont multipliées cette année, avec plus de 15 000 migrants recensés au 31 août
  • En région parisienne, le coup de filet policier visant des sans-papiers à l'issue d'une récente opération d'hébergement a indigné les défenseurs des migrants

PARIS: La ville de Calais, dans le nord de la France, est depuis plusieurs années la scène d’un ballet qui se répète : les migrants qui y voient un point de passage privilégié pour rejoindre l’Angleterre face aux services de police qui tentent de les en empêcher.

Jusqu’à 2018, les migrants tentaient le passage en s’introduisant dans -ou sous- des camions embarquant sur des ferrys ou utilisant le tunnel sous la Manche. Face aux contrôles renforcés des forces de l’ordre et à un dispositif de barricades destinées à stopper l’accès à ces véhicules, le phénomène s’est déporté sur les plages.

Les traversées migratoires à bord de petites embarcations se sont ainsi multipliées cette année, avec plus de 15 000 migrants recensés au 31 août, au risque d'un danger accru, selon Philippe Dutrieux, préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord.

Depuis le démantèlement en 2016 de la “Jungle” située près de la ville, une ancienne décharge devenue campement de fortune pour les réfugiés, leur situation s’est encore dégradée. Les forces de l’ordre évacuent régulièrement les camps de fortune qui se forment sur le littoral, et ont pris pour habitude de chasser les migrants qu’ils trouvent en ville toutes les 48h. 

Théâtre de cette lutte, l’agglomération a pour priorité de retrouver son image de ville touristique, quelque peu écornée.

Mais la confrontation entre migrants et autorités est loin d'être finie. Tant que la question des migrations en provenance de pays en crise vers l’Union européenne ne sera pas réglée, Calais continuera d'être une plateforme importante pour celles et ceux qui veulent, parfois au péril de leur vie, rejoindre à tout prix l’Angleterre. 

Sauvetage de 126 migrants qui tentaient de rejoindre l'Angleterre

Cent vingt-six migrants, dont plusieurs femmes et enfants, ont été secourus en mer vendredi dans le détroit du Pas-de-Calais, au Nord de la France, alors qu'ils tentaient de rejoindre l'Angleterre à bord d'embarcations de fortune, ont indiqué samedi les autorités maritimes.

Une première embarcation, signalée en difficulté au large du port de Dunkerque, transportait 43 personnes, dont six femmes, deux enfants et deux bébés, selon un communiqué de la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Premar). 

Ils ont été récupérés par un patrouilleur de la Marine nationale, et pris en charge par les pompiers, l'un d'eux se trouvant en hypothermie, avant d'être confiés à la police aux frontières (PAF).

Quarante migrants ont également été secourus dans le chenal du port de Calais, et récupérés par un remorqueur d'intervention, d'assistance et de sauvetage.

Les arrestations de sans-papiers SDF, «tournant répressif» dans la gestion des campements

En région parisienne, le coup de filet policier visant des sans-papiers à l'issue d'une récente opération d'hébergement a indigné les défenseurs des migrants, qui dénoncent une "rupture" et un "tournant répressif" des autorités déterminées à faire disparaître les campements du paysage parisien.

Les scènes se sont déroulées le samedi 4 septembre en région parisienne et dans plusieurs villes de province où plus de 1.200 exilés sans-abris ont été transférés pour avoir un toit provisoire, après plusieurs jours sous des tentes devant la préfecture d'Ile-de-France à Paris.

A la descente des bus, des policiers ont procédé à des contrôles d'identité, arrêté des personnes en situation irrégulière et délivré des "OQTF" (obligation de quitter le territoire français).

Résultat, environ dix personnes ont été transférées, dans les heures qui ont suivi, dans des centres de rétention en vue de leur expulsion. 

"Ces pratiques constituent une rupture inadmissible", s'est émue la Mairie de Paris dans un courrier transmis vendredi à la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa, chargée des questions d'asile et d'intégration au ministère de l'Intérieur, qui a piloté l'opération. 

Paris, par les voix de Ian Brossat, l'adjoint chargé des questions d'hébergement d'urgence et de protection des réfugiés, et de Léa Filoche (exclusion), a également dénoncé un "tournant répressif", rappelant qu'il intervient lors de la 307e opération de mise à l'abri à Paris depuis 2015, la dix-neuvième de l'année.


Inquiétude dans le «Petit Haïti» de Saint-Domingue après le plébiscite du président Abinader

Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier
  • Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937

SAINT-DOMINGUES: Johan Perez surveille les voitures garées dans une rue du "Petit Haïti", un quartier populaire commerçant et anarchique de Saint-Domingue, où vivent et travaillent des centaines de Haïtiens. Il est inquiet.

Après la réélection triomphale au premier tour du président Luis Abinader, qui a fait de la lutte contre l'immigration haïtienne un de ses chevaux de bataille, il craint que le sentiment "anti-haïtien" ne s'intensifie.

C'est une journée ordinaire. L'activité bat son plein dans ce secteur chaotique du centre-ville de la capitale dominicaine, avec des dizaines de boutiques informelles installées devant des entrepôts aux murs écaillés. Ici dans Le "Pequeno Haïti" pendant du "Little Haïti" de New York ou Miami, on vend de tout: de la canne à sucre aux appareils électriques usagés, en passant par les vêtements et les légumes.

La plupart des vendeurs préfèrent se taire, de peur que leur accent créole-français ne les trahisse. Les descentes de police sont monnaie courante. Malheur à celui qui se fait prendre. A chacune d'entre elles, la police embarque les sans-papiers pour les emmener dans un centre de rétention avant de les mettre dans un camion, direction Haïti.

"Les choses se durcissent un peu", explique Johan Perez, 32 ans, de mère dominicaine et de père haïtien, qui vit des pourboires des automobilistes fréquentant la zone. "Le +type+ (Abinader) est plus fort maintenant".

Il raconte que la police a arrêté plusieurs de ses amis il y a quelques jours à peine. Et au coin de la rue, les agents de l'immigration sont entrés dans un petit immeuble et en ont sorti les habitants sans papiers. "Ils les ont jetés la tête la première" dans un bus avec d'autres migrants.

Selon les experts et militants des droits de l'homme, le principal critère des contrôles est la couleur de la peau mais M. Perez souligne que la langue joue également un rôle.

Les expulsions sont passées de 122.000 en 2022 à 250.000 en 2023, selon les données officielles.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2020, le président Abinader a imposé une politique de fermeté à l'égard de la migration haïtienne. Outre les descentes et les expulsions, il a renforcé la présence des forces armées à la frontière et fait construire un mur de 164 km entre les deux pays.

Sa réélection conforte cette fermeté dans un pays où le racisme anti-haïtien s'est propagé et où l'immigration est souvent assimilée à la criminalité.

L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier. Haïti, ancienne colonie française qui s'est émancipée en 1804, a occupé l'actuelle République dominicaine pendant 22 ans jusqu'en 1856, massacrant des milliers de personnes.

«Acide»

Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937.

Les Dominicains parlent souvent de l'immigration haïtienne comme d'une "deuxième invasion".

De nombreux Haïtiens possédant des papiers en règle courent aussi le risque de devenir clandestins, en raison d'un parcours bureaucratique de plus en plus lent et onéreux

C'est le cas de Nicolas Legrand, 60 ans, qui vit à Saint-Domingue depuis 1987. Sa carte de résident a expiré en 2022 et depuis, il ne détient qu'une petite note indiquant que son processus est en cours.

"Si Dieu le veut, la situation s'améliorera à Haïti et j'y retournerai", dit M. Legrand en vendant ses mouchoirs. "Mais ici au moins je suis tranquille".


CPI: les droites françaises rejettent toute «équivalence» entre le Hamas et Israël

Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
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  • La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle «soutient la CPI»
  • «Cette équivalence est proprement insupportable», a renchéri le patron des sénateurs Républicains

PARIS: Les responsables des principaux partis de droite et d'extrême droite français ont dénoncé mardi une "équivalence insupportable" et un "parallèle honteux" après que le procureur de la Cour pénale internationale a réclamé des mandats d'arrêts contre des dirigeants du Hamas et du gouvernement israélien.

Ces réquisitions visent précisément le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant d'une part, et les trois plus hauts chefs du Hamas (Ismaïl Haniyeh, Mohammed Deif, Yahya Sinouar) d'autre part.

La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle "soutient la CPI". Une position dont le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, s'est dit "très étonné", estimant sur RTL "qu'on ne peut pas mettre ce signe égal" entre "un état démocratique agressé et des terroristes".

«Partialité»

"Cette équivalence est proprement insupportable", a renchéri le patron des sénateurs Républicains Bruno Retailleau sur Sud Radio, défendant le "droit d'Israël à se défendre" même si sa riposte à Gaza est "sans doute mal proportionnée".

La tête de liste de son parti aux élection européennes, François-Xavier Bellamy, a lui pointé sur Public Sénat la "partialité manifeste" du procureur de la CPI, dont la position "ressemble à une forme de militantisme inquiétant".

"Faire un parallèle entre les dirigeants israéliens et le Hamas (...) est une honte", a tranché sur CNews et Europe1 sa rivale d'extrême droite Marion Maréchal (Reconquête!), qui "réfute totalement ce qui est insinué à travers cette poursuite, à savoir qu'il y aurait un génocide à Gaza".

A l'inverse, les chefs de file de la gauche française - de l'insoumis Jean-Luc Mélenchon au socialiste Olivier Faure, en passant par le communiste Fabien Roussel - se sont félicités lundi de l'annonce du procureur de la CPI, en particulier à l'encontre de M. Netanyahu.


Crimes contre l'humanité: trois hauts responsables du régime syrien jugés aux assises de Paris

Ali Mamlouk est l'ex-chef des renseignements syriens devenu en 2012 directeur du Bureau de la sécurité nationale, plus haute instance de renseignement en Syrie. (AFP).
Ali Mamlouk est l'ex-chef des renseignements syriens devenu en 2012 directeur du Bureau de la sécurité nationale, plus haute instance de renseignement en Syrie. (AFP).
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  • Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ce procès "jugera les plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l'éclatement de la révolution syrienne en mars 2011"
  • Dans cette affaire, les trois hommes sont soupçonnés d'avoir joué un rôle, à des degrés divers, dans la disparition forcée et la mort de Mazzen Dabbagh et de son fils Patrick, deux Franco-Syriens qui vivaient à Damas

PARIS: Le premier procès en France sur les crimes du régime de Bachar Al-Assad s'ouvre mardi devant la cour d'assises de Paris: trois hauts responsables syriens, soupçonnés d'avoir joué un rôle dans la mort de deux Franco-Syriens, sont jugés par défaut notamment pour complicité de crimes contre l'humanité.

Visés par des mandats d'arrêt internationaux, Ali Mamlouk, ancien chef du Bureau de la sécurité nationale, la plus haute instance de renseignement en Syrie, Jamil Hassan, ex-directeur des très redoutés services de renseignements de l'armée de l'air et Abdel Salam Mahmoud, ancien directeur de la branche investigation de ces services, sont aussi accusés de complicité de délit de guerre.

Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ce procès "jugera les plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l'éclatement de la révolution syrienne en mars 2011".

Des procès sur les exactions du régime syrien ont déjà eu lieu ailleurs en Europe, notamment en Allemagne. Mais dans ces cas, les personnes poursuivies étaient de rang inférieur, et présentes aux audiences.

Dans cette affaire, les trois hommes sont soupçonnés d'avoir joué un rôle, à des degrés divers, dans la disparition forcée et la mort de Mazzen Dabbagh et de son fils Patrick, deux Franco-Syriens qui vivaient à Damas.

Les deux victimes, étudiant à la faculté de lettres et sciences humaines de Damas né en 1993 pour le fils et conseiller principal d'éducation à l'Ecole française de Damas né en 1956 pour le père, avaient été arrêtés en novembre 2013 par des officiers déclarant appartenir aux services de renseignement de l'armée de l'air syrienne.

« Combat pour la vérité »

Selon le beau-frère de Mazzen Dabbagh, arrêté en même temps que lui mais relâché deux jours plus tard, les deux hommes ont été transférés à l'aéroport de Mezzeh, siège d'un lieu de détention dénoncé comme un des pires centres de torture du régime.

Puis ils n'ont plus donné signe de vie jusqu'à être déclarés morts en août 2018. Selon les actes de décès transmis à la famille, Patrick serait mort le 21 janvier 2014 et Mazzen le 25 novembre 2017.

Dans leur ordonnance de mise en accusation, les juges d'instruction jugent "suffisamment établi" que les deux hommes "ont subi, comme des milliers de détenus au sein des renseignements de l'armée de l'air, des tortures d'une telle intensité qu'ils en sont décédés".

Coups de barres de fer sur la plante des pieds, décharges électriques, violences sexuelles... Lors des investigations, plusieurs dizaines de témoins - dont plusieurs déserteurs de l'armée syrienne et des anciens détenus de Mezzeh - ont détaillé aux enquêteurs français et à l'ONG Commission internationale pour la justice et la responsabilité (CIJA) les tortures infligées dans la prison.

Parallèlement, en juillet 2016, l'épouse et la fille de Mazzen Dabbagh étaient expulsées de leur maison à Damas, qui était réquisitionnée par Abdel Salah Mahmoud. Des faits "susceptibles de constituer les délits de guerre, d'extorsion et de recel d'extorsion", selon l'accusation.

Pour Clémence Bectarte, avocate de plusieurs parties civiles, "tout cela participe à un effort de lutte contre l'impunité des crimes du régime syrien, d'autant plus indispensable que ce combat pour la justice est aussi un combat pour la vérité".

"On a tendance à oublier que les crimes du régime sont encore commis aujourd'hui", met en garde l'avocate. Ce procès vient rappeler qu'"il ne faut en aucun cas normaliser les relations avec le régime de Bachar al-Assad".