VITRY-SUR-SEINE : A l'heure où les appels à l'union de la gauche se multiplient, la législative partielle de la 9e circonscription du Val-de-Marne montre l'inverse avec six candidatures de gauche, dans un contexte local troublé par l'élection controversée du nouveau maire de Vitry-sur-Seine.
"La politique est un grand foutoir localement", sourit Sandra Régol. La secrétaire nationale adjointe d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et candidate sur la circonscription qui englobe les villes de Vitry et Alfortville pour l'une des sept législatives partielles de dimanche, ne s'attendait pas à provoquer de tels remous en arrivant sur le territoire.
Le député sortant Luc Carvounas (PS), élu maire d'Alfortville en mars dernier, ne décolère pas face à ce qu'il appelle "un parachutage", alors qu'il avait été élu en 2017 avec l'appui d'EELV.
Lui soutient son adjointe, Isabelle Santiago (PS), qui pâtit de l'absence d'accord entre verts et socialistes pour les sénatoriales du 27 septembre, avance M. Carvounas. "Les écolos se sont dit, +s'il n'y a pas d'accord, on présente des candidats+", ajoute l'élu, "et puis la gauche est extrêmement fracturée à Vitry".
Le contexte local pèse en effet lourd. En juin, le candidat communiste Jean-Claude Kennedy est élu maire de Vitry-sur-Seine, ville la plus importante du département avec 91.000 habitants.
Mais lors du conseil municipal d'installation de la nouvelle équipe, c'est Pierre Bell-Lloch qui est élu à la place de M. Kennedy par les conseillers municipaux.
"Déni démocratique" pour les uns, "procédure légale" pour les autres, ce que les communistes ont appelé le "putsch de Vitry", dans l'une des dernières vitrines de la ceinture rouge, a provoqué une fracture profonde chez les militants locaux.
Résultat, la candidate communiste Fatmata Konaté, adjointe de Pierre Bell-Lloch, a vu le Conseil national du parti lui retirer son investiture. Elle n'a théoriquement plus le droit d'utiliser le logo du PCF sur ses tracts et affiches, où il apparaît pourtant toujours.
En signe de protestation contre cette décision, la moitié de l'exécutif départemental du PCF (10 membres sur 22) a présenté sa démission.
"Il y a beaucoup de déception et d'incompréhension", déplore Mme Konaté, qui veut maintenant passer à autre chose en faisant des classes surchargées et de l'emploi ses chevaux de bataille, alors que l'usine de Renault dans la commune voisine de Choisy doit fermer.
Dissidence chez les verts
Le conflit n'a pas fait de dégâts qu'au parti communiste. Chez les écolos, un élu de Vitry, Abdallah Benbetka, a été suspendu d'EELV par les instances régionales pour avoir soutenu le coup de force du maire. Il a donc décidé de présenter une candidature dissidente aux législatives du 20 et 27 septembre.
"Sandra Régol a été désignée en infraction totale, sans consulter les groupes locaux d'EELV alors que le parti est très à cheval sur la démocratie participative", dénonce-t-il.
Si l'on ajoute les candidatures de Christian Benedetti (LFI) et Sandrine Ruchot (LO), on compte six candidats de gauche sur les neuf qui se présentent.
"Ce qui s'est passé à Vitry a déstabilisé les candidatures locales", explique Isabelle Santiago, même si elle minimise désormais l'importance de cet évènement: "plus personne ne me parle de ça".
Le son de cloche est différent chez Sandra Régol. "Les gens se sentent floués", assure-t-elle, ajoutant être régulièrement interpellée à ce sujet sur les marchés.
La numéro 2 des verts conteste aussi les accusations de parachutage. Elle affirme avoir été sollicitée par un collectif de citoyens implanté à Vitry, La Fabrique, qui souhaitait mettre en avant une figure d'envergure nationale. Elle a d'ailleurs choisi comme suppléante une adhérente de ce collectif: Anissa Tibah.
Malgré le contexte de campagne tendu, les socialistes ne veulent pas insulter l'avenir et espèrent un rassemblement de la gauche au second tour. "J'espère que si les écolos sont qualifiés derrière nous, ils se désisteront", souhaite Luc Carvounas.
"Je ne vois pas pourquoi", lui rétorque Sandra Régol. "Je doute fort de leur désistement si on arrive en tête".