En Irak, des élections anticipées minées par l’abstention

Des membres de la Commission électorale indépendante irakienne affichent les listes des votants près d'un bureau de vote de Dohuk dans le Kurdistan irakien. (AFP).
Des membres de la Commission électorale indépendante irakienne affichent les listes des votants près d'un bureau de vote de Dohuk dans le Kurdistan irakien. (AFP).
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Publié le Samedi 09 octobre 2021

En Irak, des élections anticipées minées par l’abstention

  • À l’approche des élections, prévues le 10 octobre prochain, le climat est de plus en plus tendu en Irak
  • De nombreux candidats sont menacés; d’autres ont décidé de boycotter le vote

BAGDAD : Hicham Mozeny pousse la porte du café d’un air craintif. Ce quadragénaire lance un regard furtif avant de se diriger d’un pas décidé vers la table où ses amis l’attendent. Il est de retour dans le quartier de Karrada, dans le centre de Bagdad, pour la première fois depuis un mois.

Cet activiste court un risque considérable. En effet, il était en première ligne des manifestations qui se sont déroulées d’octobre 2019 à octobre 2020. Lors de ces émeutes, plus de six cents personnes ont été tuées et des milliers d’autres blessées par des groupes armés, que les manifestants accusent de faire partie des milices armées pro-Iran, toutes puissantes en Irak.

«Nous sommes courageux, mais nous ne sommes pas blindés!», se justifie Hicham. «Avec nos collègues et amis, nous changeons régulièrement nos lieux de rencontre, nous utilisons de faux noms au cours de nos appels téléphoniques, et nous changeons carrément nos numéros de téléphone», explique-t-il. Au moins trente-cinq militants sont morts dans des assassinats ciblés, selon le Haut-Commissariat irakien aux droits de l'homme.

Hicham est membre du parti indépendant Al-Beit Al-Watani, né de la contestation. Les élections anticipées étaient l’une de leurs principales requêtes. Pourtant, après avoir entamé les procédures nécessaires à leur candidature, ils ont finalement décidé, au mois de mai dernier, avec de nombreux autres mouvements indépendants, de boycotter le scrutin pour protester contre le manque de sécurité relatif aux candidats et aux activistes et contre la présence de groupes armées dans les listes électorales.

À l’approche des élections, prévues le 10 octobre prochain, le climat est donc de plus en plus tendu en Irak. De nombreux candidats sont menacés; d’autres, nous l’avons dit, ont décidé de boycotter le vote. Des dysfonctionnements techniques et des mesures de sécurité vont empêcher certains votes. Quant aux jeunes, majoritaires dans la population mais privés d’espoir, ils n’envisagent pas non plus de se rendre aux urnes.

Investissement électoral

À quelques jours du vote, les milices chiites soutenues par l'Iran qui opèrent en Irak sont plus influentes que jamais. À la mi-septembre, la puissante organisation paramilitaire chiite Hachd al-Chaabi, constituée de groupes armés d'environ 160 000 hommes et intégrée à l'État après avoir porté les armes contre Daech, a annoncé la réintégration de 30 000 de ses ex-combattants licenciés entre 2015 et 2018, qui trouvent ainsi un emploi et un salaire. «Coïncidence ou investissement électoral?», s'interroge le site indépendant irakien Al-Alam Al-Jadid, qui penche clairement pour la seconde option.

Pour Hicham, il est évident qu’il s’agit d’une stratégie électorale. «Chacun de ces 30 000 miliciens a derrière lui toute une famille qui a promis un vote aux responsables de leur réinsertion», dénonce-t-il. «Je suis en contact avec des conseillers du Premier ministre et je leur ai fait part de mon point de vue. Mais ils ne peuvent rien faire car ces partis armés sont plus forts que le gouvernement lui-même.» Au cours de ces quatre mois, ce qu’on appelle la «zone verte» [le siège des institutions politiques irakiennes et de plusieurs ambassades, dont celle des États-Unis] a été occupée à plusieurs reprises par des milices qui ont fait pression sur le gouvernement dirigé par le Premier ministre, Moustafa al-Kazimi.

L'Irak se classe régulièrement au premier rang des pays les plus corrompus, et des millions de dollars circulent entre les mains de partis politiques qui traitent avec des milices. La loi irakienne sur les partis leur interdit d'avoir des branches armées, mais plusieurs groupes violent cette mesure.

Outre les opposants qui choisissent le boycott, et donc l’abstention, certains n’iront pas voter, non par choix, mais parce qu’ils en sont empêchés. Les personnes infirmes et les mutilés de guerre sont laissés de côté par l’État, dans un pays qui, après quarante ans de conflits, compte le plus grand nombre de personnes handicapées du monde. La Haute Commission électorale indépendante (HCEI) a annoncé au mois de septembre dernier que, faute de temps et de moyens techniques, le vote des Irakiens à l’étranger ne pourra être pris en compte. Un autre million d’électeurs ne pourra donc pas se prononcer.

Toutes ces raisons font craindre un record d’abstention: avec le climat tendu qui règne en Irak depuis le début de la campagne électorale, beaucoup redoutent que les élections n'atteignent même pas les 44% de participation du dernier scrutin, en 2018.

Parmi les jeunes, l’apathie règne, au point que les moins de 30 ans se désolidarisent tout simplement du vote. Selon le Haut-Commissariat irakien aux droits de l'homme, le nombre de morts par suicide par an est en augmentation constante depuis 2016, notamment parmi les jeunes. Ce phénomène trouve sa source dans des «raisons sociales, psychologiques et économiques», en plus du «facteur de pauvreté, des répercussions des guerres et de la détérioration des droits de l'homme».

Dans un pays qui compte plus de 41 millions d’habitants, au moins 7 millions vivent sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage est supérieur à 40%.

Ali Riyadh était en première ligne des émeutes du 1er octobre 2019 jusqu’à ce que les forces de l’ordre ne vident la place Tahrir, à la fin du mois d’octobre 2020. Depuis, il a juré de ne plus jamais participer à une manifestation. À 27 ans, il est employé au ministère de la Culture pour 300 dollars [1 dollar = 0,87 euro] par mois et n’espère plus rien. «Je n’irai pas voter et je ne veux plus rien entendre au sujet de la place Tahrir. À quoi bon?», déclare-t-il en haussant les épaules. Assis dans un café de Bagdad, il porte son regard vers le Tigre – le fleuve qui traverse l’Irak – et se mure dans le silence.

Le 1er octobre, pour le 2e anniversaire de la «révolution d’octobre», ils n’étaient que quelques centaines de personnes à peine à réitérer ces requêtes qui n’ont jamais été entendues. Dans cette place Tahrir qui avait été le théâtre d’affrontements meurtriers en 2019 et 2020, un faible chœur scandait les mêmes slogans pour exiger la fin de l’impunité et de la corruption, des emplois, le rétablissement des services de base tels que l’électricité et la fin des influences étrangères, comme celle de l’Iran voisin. Plusieurs de ces irréductibles ont tout juste 20 ans, dans un pays dont la moyenne d’âge est 21 ans; mais ils ont déjà perdu tout espoir pour leur avenir.

«Nous ne pouvons rien faire d’autre que revenir ici», commente Mohammed, 23 ans. Retourner à Tahrir lors des sporadiques manifestations est comme une habitude pour lui, mais il n’ira pas aux urnes pour autant. «Ces élections sont organisées par ce même gouvernement qui nous a tués; nous ne leur faisons pas confiance», assure-t-il.

«Nous voulons un changement total du système politique, mais il ne viendra certainement pas de ces élections, qui ne mèneront à rien», explique à Arab News Wahad Abdallah Najim. Ce jeune de 20 ans est en fauteuil roulant depuis qu’il a reçu une balle dans le dos pendant l’une des journées les plus meurtrières des manifestations.

«Que reste-t-il d'octobre 2019? Seulement du désespoir», soupire Hicham Mozeny, qui s’étonne que certains de ses amis veuillent voter malgré tout. «Ils persistent à penser qu'il y a un peu d'espoir», s'amuse-t-il. «Je leur ai dit: “Il n'y a pas d'espoir, seulement un train qui écrasera tout le monde, et ce train s'appelle ‘milices’”», ironise-t-il. Lui a toujours voté, y compris aux élections constitutionnelles de 2005, considère que ce scrutin sera terriblement triste. Des millions d’Irakiens partagent ce sentiment.


Finul: quatre soldats italiens blessés, Rome accuse le Hezbollah

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  • Dans un communiqué, le ministère italien de la Défense indique que "quatre soldats italiens ont été légèrement blessés après l'explosion de deux roquettes de 122 mm ayant frappé la base UNP 2-3 de Chamaa dans le sud du Liban
  • Selon un porte-parole de la Finul, la force onusienne a recensé plus de 30 incidents en octobre ayant entraîné des dommages matériels ou des blessures pour les Casques bleus

ROME: Quatre soldats italiens ont été légèrement blessés lors d'une nouvelle "attaque" contre la mission de maintien de la paix de l'ONU au Liban, la Finul, a indiqué vendredi le gouvernement italien, qui en a attribué la responsabilité au Hezbollah.

"J'ai appris avec profonde indignation et inquiétude que de nouvelles attaques avaient visé le QG italien de la Finul dans le sud du Liban (et) blessé des soldats italiens", a indiqué dans un communiqué la Première ministre Giorgia Meloni.

"De telles attaques sont inacceptables et je renouvelle mon appel pour que les parties en présence garantissent à tout moment la sécurité des soldats de la Finul et collaborent pour identifier rapidement les responsables", a-t-elle affirmé.

Mme Meloni n'a pas désigné le responsable de cette attaque, mais son ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani a pointé du doigt le Hezbollah: "Ce devraient être deux missiles (...) lancés par le Hezbollah, encore une fois", a-t-il déclaré là la presse à Turin (nord-ouest).

Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a indiqué à l'AFP que Rome attendrait une enquête de la Finul.

Dans un communiqué, le ministère italien de la Défense indique que "quatre soldats italiens ont été légèrement blessés après l'explosion de deux roquettes de 122 mm ayant frappé la base UNP 2-3 de Chamaa dans le sud du Liban, qui abrite le contingent italien et le commandement du secteur ouest de la Finul".

"J'essayerai de parler avec le nouveau ministre israélien de la Défense (Israël Katz, ndlr), ce qui a été impossible depuis sa prise de fonction, pour lui demander d'éviter d'utiliser les bases de la Finul comme bouclier", a affirmé le ministre de la Défense Guido Crosetto, cité par le communiqué.

Selon un porte-parole de la Finul, la force onusienne a recensé plus de 30 incidents en octobre ayant entraîné des dommages matériels ou des blessures pour les Casques bleus, dont une vingtaine dus à des tirs ou des actions israéliennes.

Plus de 10.000 Casques bleus sont stationnés dans le sud du Liban, où la Finul est déployée depuis 1978 pour faire tampon avec Israël. Ils sont chargés notamment de surveiller la Ligne bleue, démarcation fixée par l'ONU entre les deux pays.

L'Italie en est le principal contributeur européen (1.068 soldats, selon l'ONU), devant l'Espagne (676), la France (673) et l'Irlande (370).


Syrie: le bilan des frappes israéliennes sur Palmyre s'élève à 92 morts

Quatre-vingt-douze combattants pro-iraniens ont été tués dans des frappes israéliennes mercredi à Palmyre, dans le centre de la Syrie, a annoncé vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) dans un nouveau bilan. (AFP)
Quatre-vingt-douze combattants pro-iraniens ont été tués dans des frappes israéliennes mercredi à Palmyre, dans le centre de la Syrie, a annoncé vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) dans un nouveau bilan. (AFP)
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  • Un dépôt d'armes proche de la zone industrielle de Palmyre a aussi été visé, selon l'OSDH, ONG basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie
  • Le bilan s'élève à "92 morts", a déclaré l'OSDH, parmi lesquels 61 combattants syriens pro-iraniens dont onze travaillant pour le Hezbollah libanais, "27 ressortissants étrangers" pour la plupart d'Al-Noujaba, et quatre membres du Hezbollah

BEYROUTH: Quatre-vingt-douze combattants pro-iraniens ont été tués dans des frappes israéliennes mercredi à Palmyre, dans le centre de la Syrie, a annoncé vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) dans un nouveau bilan.

Mercredi, trois frappes israéliennes ont ciblé la ville moderne attenante aux ruines gréco-romaines de la cité millénaire de Palmyre. Une d'entre elles a touché une réunion de membres de groupes pro-iraniens avec des responsables des mouvements irakien d'Al-Noujaba et libanais Hezbollah, selon l'Observatoire.

Un dépôt d'armes proche de la zone industrielle de Palmyre a aussi été visé, selon l'OSDH, ONG basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie.

Le bilan s'élève à "92 morts", a déclaré l'OSDH, parmi lesquels 61 combattants syriens pro-iraniens dont onze travaillant pour le Hezbollah libanais, "27 ressortissants étrangers" pour la plupart d'Al-Noujaba, et quatre membres du Hezbollah.

L'ONG avait fait état la veille de 82 morts.

Ces frappes israéliennes sont "probablement les plus meurtrières" ayant visé la Syrie à ce jour, a déclaré jeudi devant le Conseil de sécurité Najat Rochdi, adjointe de l'envoyé spécial de l'ONU en Syrie.

Depuis le 23 septembre, Israël a intensifié ses frappes contre le Hezbollah au Liban mais également sur le territoire syrien, où le puissant mouvement libanais soutient le régime de Damas.

Depuis le début de la guerre civile en Syrie, Israël a mené des centaines de frappes contre le pays voisin, visant l'armée syrienne et des groupes soutenus par Téhéran, son ennemi juré. L'armée israélienne confirme rarement ces frappes.

Le conflit en Syrie a éclaté après la répression d'un soulèvement populaire qui a dégénéré en guerre civile. Il a fait plus d'un demi-million de morts, ravagé les infrastructures et déplacé des millions de personnes.

Située dans le désert syrien et classée au patrimoine mondial de l'Unesco, Palmyre abrite des temples gréco-romains millénaires.

 


Israël annonce mettre fin à un régime de garde à vue illimitée pour les colons de Cisjordanie

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  • Quelque 770 Palestiniens y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon des données de l'Autorité palestinienne
  • Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, 24 Israéliens, civils ou militaires, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens

JERUSALEM: Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a annoncé vendredi que le régime dit de la détention administrative, équivalent d'une garde à vue quasi illimitée, ne serait désormais plus applicable aux colons israéliens en Cisjordanie.

Alors que "les colonies juives [en Cisjordanie] sont soumises à de graves menaces terroristes palestiniennes [...] et que des sanctions internationales injustifiées sont prises contre des colons [ou des entreprises oeuvrant à la colonisation], il n'est pas approprié que l'Etat d'Israël applique une mesure aussi sévère [la détention administrative, NDLR] contre des colons", déclare M. Katz dans un communiqué.

Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967 et les violences ont explosé dans ce territoire palestinien depuis le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste Hamas à Gaza, le 7 octobre 2023.

Quelque 770 Palestiniens y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon des données de l'Autorité palestinienne. Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, 24 Israéliens, civils ou militaires, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.

Face à la montée des actes de violences commis par des colons armés, plusieurs pays occidentaux (Etats-Unis, Union européenne, Royaume-Uni et Canada notamment) ont au cours des douze derniers mois pris des sanctions (gel des avoirs, interdiction de voyager) contre plusieurs colons qualifiés d'"extrémistes".

Il y a quelques jours, les Etats-Unis ont sanctionné pour la première fois une entreprise israélienne de BTP active dans la construction de colonies en Cisjordanie.

La détention administrative est une procédure héritée de l'arsenal juridique de la période du Mandat britannique sur la Palestine (1920-1948), avant la création d'Israël. Elle permet aux autorités de maintenir un suspect en détention sans avoir à l'inculper, pendant des périodes pouvant aller jusqu'à plusieurs mois, et pouvant être renouvelées pratiquement à l'infini.

Selon le Club des prisonniers palestiniens, ONG de défense des Palestiniens détenus par Israël, plus de 3.430 Palestiniens se trouvaient en détention administrative fin août. Par comparaison, seuls huit colons juifs sont détenus sous ce régime à ce jour, selon le quotidien israélien de gauche Haaretz vendredi.

L'annonce de la fin de la détention administrative pour les colons survient au lendemain de l'émission par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêts internationaux contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant recherchés par la justice internationale pour des "crimes de guerres" et "crimes contre l'humanité".

M. Netanyahu a rejeté catégoriquement la décision de la Cour comme une "faillite morale" et une mesure animée par "la haine antisémite à l'égard d'Israël".