HUNTINGTON BEACH: "C'est bizarre de ne voir aucun surfeur à l'horizon, c'est très rare", assure Shawna Sakal, gérante d'une boutique spécialisée à Huntington Beach, au sud de Los Angeles.
En temps normal, l'eau est noire de sportifs en combinaison mais dimanche, elle était recouverte d'une nappe de pétrole brut qui a entraîné la fermeture de la plage sur des kilomètres.
Les autorités californiennes estiment que cette marée noire, qui heureusement a pu être partiellement contenue par des barrages flottants, peut atteindre jusqu'à 500.000 litres de brut, échappé d'un oléoduc passant à proximité.
La cause de l'incident n'a pas encore été déterminée mais une inspection sous-marine a révélé qu'un important segment de l'oléoduc avait été déplacé au fond de l'eau, et détecté une déchirure d'une trentaine de centimètres dans le tuyau.
Des investigations sont en cours pour déterminer si un cargo en attente d'un quai d'amarrage n'a pas accroché l'oléoduc avec son ancre.
"On a tiré sur l'oléoduc comme sur la corde d'un arc", selon Martyn Willsher, patron d'Amplify Energy, la société texane exploitant l'oléoduc et des plateformes pétrolières voisines.
Depuis le début de la catastrophe, plusieurs centaines de personnes ont été mobilisées pour nettoyer la légendaire plage d'Huntington Beach, baptisée "Surf City" et célèbre au point de figurer dans une chanson des Beach Boys.
"Il y a toujours des gens en train de surfer ici, toute l'année, particulièrement autour du ponton", dit à l'AFP Mme Sakal, désignant d'un air triste le sable désert à proximité de sa boutique.
"Même pendant la pandémie, quand ils essayaient d'interdire aux surfeurs d'y aller, ils s'en fichaient, ils allaient quand même prendre la vague", se souvient-elle.
Octobre, le meilleur mois
L'économie de la ville dépend en grande partie des sports nautiques et du tourisme. Les boutiques vendant ou louant du matériel de surf se succèdent sur le front de mer, alternant avec des écoles de surf dont les portes sont désormais closes.
"Cet accident crée une situation horrible, ça m'emmerde", lâche Zack Lyons. Originaire de Huntington Beach, ce jeune homme blond âgé de 20 ans dit avoir appris à surfer avant de marcher.
A Huntington Beach, le surf n'est pas seulement un sport ou un loisir, c'est pour beaucoup un mode de vie et l'endroit où l'on se rencontre entre copains.
"On ne s'envoie même pas de textos, on se voit à la plage", assure Jake McNerney, 18 ans. Cet ami de Zack a l'habitude de regarder le vent et les vagues dès qu'il se lève et part surfer si les conditions sont bonnes.
La marée noire impacte toute l'industrie touristique de la zone. Malgré le ciel bleu et les palmiers de rigueur, les magasins et les restaurants restaient quasiment vides mercredi à la mi-journée.
"Nous avons sans doute perdu la moitié de nos recettes", dit Shawna Sakal, dont le père vend depuis cinquante ans les planches qu'il fabrique lui-même dans le magasin familial.
"Octobre est le meilleur mois pour les surfeurs et les gens du coin. Le temps est très agréable, beaucoup de gens vont à la plage le week-end mais maintenant, ce n'est plus possible avec la marée noire", explique-t-elle.
D'ordinaire, au moins cinq à dix clients se présentent chaque jour en semaine mais "maintenant, rien du tout", confirme Connor Waldrin, employé dans une boutique de location de planches.
Les écoles locales, qui pour beaucoup incluent le surf dans le cursus, ont également dû s'adapter.
"On venait juste de commencer la saison des compétitions avant la marée noire", souligne Lisa Battig, de l'école Fountain Valley, située à seulement quelques minutes à pied de la plage.
"On va rester hors de l'eau aussi longtemps que les autorités le diront. D'ici là, on va s'entraîner au sol (...). On va aussi essayer d'aller surfer en dehors de la zone touchée" par la pollution, explique l'enseignante.]