ESPAGNE: Le fleuve de lave incandescente du volcan entré en éruption il y a dix jours sur l'île de La Palma, dans l'archipel espagnol des Canaries, continuait mercredi à la mi-journée de se déverser dans l'Océan atlantique, mais le vent poussait les gaz toxiques vers le large, protégeant ainsi, pour l'instant, une population locale traumatisée.
Les images en provenance de Playa Nueva, sur la côte ouest de l'île, montraient un torrent de lave plongeant dans l'océan du haut d'une falaise d'une centaine de mètres au milieu de gigantesques panaches de vapeur.
L'Institut espagnol d'océanographie a indiqué dans un tweet, images à l'appui, que la lave gagnait du terrain sur la mer, son accumulation formant dans l'eau une sorte de dépôt, de pyramide, atteignant une cinquantaine de mètres de haut et qui continuait de grandir.
Le risque le plus important, celui des gaz toxiques produits par le contact brutal entre une lave à plus de 1 000 degrés Celsius et une eau de mer à une température de 22 ou 23 degrés, semblait toutefois écarté dans l'immédiat grâce au vent. A condition bien sûr qu'il ne change pas de direction...
Rencontre redoutée
« Nous avons en ce moment même un vent important sur la zone qui dissipe davantage (les nuages de gaz) vers la mer, par conséquent le risque est bien inférieur » à ce que les experts envisageaient, a déclaré à la radio nationale Rubén Fernández, l'un des responsables du Plan d'urgence volcanique des Canaries (Pevolca).
Cette rencontre entre la lave, et l'eau de mer était particulièrement redoutée, car elle entraîne la production de gaz toxiques et de particules nocives.
« L'inhalation ou le contact avec des gaz et liquides acides peut irriter la peau, les yeux et les voies respiratoires, et peut causer des difficultés pour respirer », avait averti l'Institut de volcanologie des Canaries (Involcan).
Pour prévenir ce risque, le gouvernement régional de l'archipel a décrété un périmètre de sécurité d'un rayon de 3,5 km à terre et deux milles nautiques en mer autour de l'endroit où était prévue l'arrivée de la lave.
L'entrée de la lave dans l'océan s'est produite mardi peu après 23H00 heure locale (mardi 22H00 GMT), après que la coulée de lave crachée par le volcan Cumbre Vieja eut soudain accéléré sa vitesse.
Le volcan était entré en éruption le 19 septembre.
« La lave a maintenant un canal ouvert vers l'océan (...), un chemin parfaitement tracé à travers lequel elle va aller vers la mer », a expliqué David Calvo, le porte-parole d'Involcan, dans une interview à la télévision nationale TVE.
Il y voyait « une bonne nouvelle », car cette route vers l'océan « évite qu'il y ait de nouveaux blocages, de nouveaux barrages de lave » qui forceraient celle-ci à s'étaler latéralement vers d'autres zones.
Durant ces dix jours, le fleuve de lave a tout ravagé sur son passage -- bâtiments, champs, routes...-- provoquant la ruine et le désespoir d'une bonne partie de la population de cette petite île, estimée à quelque 85 000 personnes.
Dans une interview à la radio COPE, le président du gouvernement régional de l'archipel, Ángel Víctor Torres, a parlé d'une »terrible désolation ».
Car le bilan sera très lourd et la catastrophe laissera des traces.
« Les résidents qui ont perdu leur maison (...) doivent avant toute chose recevoir des soins, parce qu'ils doivent assimiler le fait qu'ils ont perdu leur foyer, pour beaucoup d'entre eux leurs moyens de subsistance », a poursuivi M. Torres.
« Une autre île »
Il a dressé le tableau d'une île complètement défigurée par un fleuve de lave d'une largeur atteignant par endroits six cent mètres. « Dans toute cette zone, il ne reste rien d'autre que la lave », a-t-il dit. « L'île de La Palma dans cette partie est une autre île ».
L'entrée de la couvée de lave dans l'océan est survenue quelques heures après que le gouvernement eut débloqué mardi 10,5 millions d'euros d'aides directes aux victimes.
La lave a détruit au moins 656 bâtiments -- qui ne sont pas tous des habitations -- et recouvert 268 hectares de terrain.
M. Torres a également souligné que les plantations de bananes -- activité principale de l'île avec le tourisme -- avaient subi « des dégâts considérables ». « Nous parlons d'un tiers de la production de bananes de toutes les Canaries », a-t-il dit.
L'éruption n'a fait aucun mort ni blessé, mais a entraîné l'évacuation de plus de 6 000 personnes qui ont dû abandonner leur domicile.
Les deux précédentes éruptions à La Palma ont eu lieu en 1949 et 1971. Elles avaient fait au total trois morts, dont deux par inhalation de gaz.