La France bousculée, de l'Indo-Pacifique au Sahel

Le président américain Joe Biden et le président français Emmanuel Macron lors du sommet du G7 à Carbis Bay, Cornwall, le 11 juin 2021 (Photo, AFP)
Le président américain Joe Biden et le président français Emmanuel Macron lors du sommet du G7 à Carbis Bay, Cornwall, le 11 juin 2021 (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 29 septembre 2021

La France bousculée, de l'Indo-Pacifique au Sahel

Le président américain Joe Biden et le président français Emmanuel Macron lors du sommet du G7 à Carbis Bay, Cornwall, le 11 juin 2021 (Photo, AFP)
  • En Indo-Pacifique, où elle affiche des intérêts stratégiques autour de plusieurs territoires, le président américain Joe Biden l'a brutalement marginalisée
  • Au Sahel, son pré-carré historique où elle engagé plus de 5 000 hommes dans la lutte antiterroriste, Moscou lui dispute désormais l'exclusivité

PARIS: Bousculée par ses alliés en Indo-Pacifique, par les Russes au Mali : en une semaine, la France a redécouvert les limites de ses moyens, et par ricochet de sa puissance, face à des rapports de force exacerbés. 

En Indo-Pacifique, où elle affiche des intérêts stratégiques autour de plusieurs territoires (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie..), le président américain Joe Biden l'a brutalement marginalisée. 

Un partenariat stratégique inopiné entre Etats-Unis, Australie et Royaume-uni (« AUKUS ») s'est soldé par l'annulation d'un mégacontrat de sous-marins français à Canberra, qui devait sceller l'influence de la France dans la région.  

Au Sahel, son pré-carré historique où elle engagé plus de 5 000 hommes dans la lutte antiterroriste, Moscou lui dispute désormais l'exclusivité, au nom d'une guerre d'influence qui ne veut pas dire son nom.  

« Il y a une remise en causante rampante d'une certaine conception globale de la diplomatie et des forces françaises », constate Dominique David, conseiller à l'Institut français de relations internationales (Ifri) et rédacteur en chef de la revue Politique étrangère. 

« La France est un puissance militaire. Très peu de pays peuvent projeter la force militaire, même limitée, très loin. C'est une puissance économique mais ce n'est pas une puissance qui a les moyens d'intervenir ‘worlwide’ (mondialement) », dit-il. 

Face à l'expansionnisme chinois qui inquiète de plus en plus les pays riverains, elle peut certes dépêcher ponctuellement des bâtiments de guerre en mer de Chine méridionale, mais en aucun cas rivaliser avec la force de frappe de l'armada américaine. 

En Nouvelle-Calédonie, le référendum d'autodermination du 12 décembre pourrait en outre conduire à une sécession de l'archipel et à une arrivée en force d'intérêts chinois. 

« Eclat du verbe »  

Pour Michel Duclos, ancien ambassadeur et expert en géopolitique à l'Institut Montaigne, la France se retrouve »isolée » face à ces nouveaux défis. 

L'Amérique de Joe Biden a d'abord choisi le Royaume-uni, au nom de la « relation spéciale » qui unit les deux pays depuis 1945, et l'Allemagne, en raison de son poids économique, comme partenaires privilégiés en Europe. 

Avec la crise des sous-marins et l'explication de texte qui a suivi entre Emmanuel Macron et Joe Biden, Paris est certes revenu sur « le radar de Washington », décrypte Michel Duclos, interrogé par l'AFP.  

La France s'est indignée haut et fort du camouflet subi, dénonçant des méthodes « acceptables » entre alliés. 

« Notre tradition gaullienne c'est de compenser par l'éclat du verbe l'affaiblissement de nos moyens. Mais il y a un moment où cela atteint ses limites », observe toutefois Michel Duclos. 

« Depuis l'après-1945, la France et le Royaume-uni jouent au dessus de leur catégorie en s'appuyant sur l'alliance américaine », renchérit Jean-Sylvestre Mongrenier., chercheur à l'Institut européen Thomas More. 

« Evincer les Français »  

Au Mali, l'impensable semble désormais possible : la junte au pouvoir a engagé des discussions avec le groupe de mercenaires russe Wagner, sans plus se préoccuper de la réaction de la France, engagée depuis 2013 contre les groupes jihadistes dans ce pays et vent debout contre toute intrusion russe. 

Sur le terrain, la situation sécuritaire reste délétère malgré la récente « neutralisation » de plusieurs chefs jihadistes de premier rang. 

Dans ce contexte, la Russie avance ses pions, même si elle se défend de tout lien avec le groupe Wagner. « Dire ‘j'étais là en premier, dégagez !’ c'est insultant », tempête le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. 

« En Afrique, la Russie est une puissance hostile. Elle a bel et bien l'intention d'évincer les Français, de récupérer le terrain perdu dans les années 80 », relève Jean-Sylvestre Montgrenier. 

Paris a d'ores et déjà averti Bamako que tout arrivée de mercenaires russes serait « incompatible » avec la présence militaire française au Mali. 

Mais pour Jean-Sylveste Montgrenier, cette posture risque d'être contre-productive, sauf à jouer le rapport de force. « Soit on fait front, soit on s'écarte et les Russes avancent », dit-il. 

Dix jours après la poussée de fièvre franco-américaine, Paris a rebondi en signant un partenariat stratégique, assorti de la vente de frégates, avec la Grèce.    

« Le monde se fragmente, il est plus âpre qu'il y a 15 ans. C'est un peu une piqûre de rappel pour la France, un choc de lucidité qui va lui permettre d'élaborer une politique à son niveau », anticipe l'amiral Philippe Ausseur, directeur de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES). 


Première mission du porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle aux Philippines

Le 6 juillet 1999, un prototype du Rafale M02 effectue un appontage sur la piste du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle à Brest (Photo Getty Images)
Le 6 juillet 1999, un prototype du Rafale M02 effectue un appontage sur la piste du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle à Brest (Photo Getty Images)
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  • L'ambassadrice de France a jugé dimanche que ces exercices militaires étaient « encore plus importants » en raison de la montée des tensions en mer de Chine méridionale.
  • La France cherche à réaffirmer son poids dans la région Asie-Pacifique, où la Chine et les États-Unis sont en concurrence pour exercer leur influence.

SUBIC BAY FREEPORT ZONE PHILIPPINES : Le porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle a effectué sa première mission aux Philippines, où l'ambassadrice de France a jugé dimanche que ces exercices militaires étaient « encore plus importants » en raison de la montée des tensions en mer de Chine méridionale.

« Compte tenu de la montée des tensions, il est d’autant plus important de défendre le droit international et la liberté de navigation, que ce soit en mer ou dans les airs », a déclaré l'ambassadrice Marie Fontanel sur le pont du porte-avions, dans la baie de Subic, au nord de Manille.

Le groupe aéronaval a rejoint la marine des Philippines vendredi pour ces exercices.

Constitué de quelque 3 000 marins, il avait quitté le port de Brest en novembre pour une mission de plusieurs mois en mer Rouge, dans l'océan Indien et dans le Pacifique, durant laquelle il doit intégrer régulièrement des frégates ou des sous-marins de pays étrangers.

La France cherche à réaffirmer son poids dans la région Asie-Pacifique, où la Chine et les États-Unis sont en concurrence pour exercer leur influence.

Les Philippines cherchent pour leur part à renforcer leurs relations avec leurs alliés face aux confrontations régulières entre Manille et Pékin concernant la mer de Chine méridionale. Pékin y revendique en effet la majeure partie de cette voie navigable stratégique.

En novembre, Manille avait annoncé l'achat à la France de 40 vedettes rapides de patrouille dans le cadre d'un accord de 440 millions de dollars (environ 420 millions d'euros).


L'écrivain Boualem Sansal a entamé une grève de la faim, a déclaré son avocat

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  • « Je suis inquiet pour sa santé, comme pour la possibilité même d'un procès équitable », a affirmé Me François Zimeray, avocat français de l'écrivain, confirmant une information du JDD.
  • Selon Me Zimeray, qui a expliqué ne pas avoir obtenu de visa pour se rendre en Algérie afin de voir son client, Boualem Sansal aurait pris cette décision « en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat ».

PARIS : L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis mi-novembre, a entamé lundi une grève de la faim, a indiqué son avocat dimanche à l'AFP, précisant tenir cette information d'une source judiciaire.

« Je suis inquiet pour sa santé, comme pour la possibilité même d'un procès équitable », a affirmé Me François Zimeray, avocat français de l'écrivain, confirmant une information du JDD.

Selon Me Zimeray, qui a expliqué ne pas avoir obtenu de visa pour se rendre en Algérie afin de voir son client, Boualem Sansal aurait pris cette décision « en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat ».

« Ni la pondération dans l'expression de sa défense, ni la retenue face à la campagne abjecte que j'ai subie dans certains médias algériens, ni le respect du cadre judiciaire de ce pays ne semblent avoir été appréciés par un régime qui persiste à me refuser le visa sans raison valable, privant Boualem Sansal de la défense de son choix », a martelé l'avocat.

Ce dernier a également affirmé que le protocole de soin suivi par Boualem Sansal avait été interrompu, alors que l'écrivain souffrirait d'un cancer, d'après des informations de presse.

Boualem Sansal est poursuivi en vertu de l'article 87 bis du Code pénal algérien, qui sanctionne comme acte terroriste ou subversif tout acte visant la sûreté de l'État, l'intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions.

Selon le quotidien français Le Monde, le pouvoir algérien aurait mal pris les déclarations de Boualem Sansal au média français Frontières, réputé d'extrême droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle le territoire de ce dernier pays aurait été amputé sous la colonisation française au profit de l'Algérie.

Son incarcération a provoqué les protestations de nombreux intellectuels et écrivains, qui estiment les poursuites sans aucun fondement.

Boualem Sansal a longtemps affirmé être né en 1949, ce qui lui donnerait aujourd'hui 75 ans. En décembre, son éditeur Antoine Gallimard avait pour sa part indiqué qu'il était en vérité né en 1944 et avait donc 80 ans.


Immigration : un conseil interministériel se réunit mercredi

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
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  • Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.
  • Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

PARIS : Le gouvernement français réunira un conseil interministériel de contrôle de l'immigration mercredi, alors qu'une attaque au couteau, perpétrée par un Algérien en situation irrégulière, a fait un mort samedi à Mulhouse, a assuré dimanche le ministre des Affaires étrangères.

Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.

Au cours de l'entretien, le ministre a été interrogé sur les discussions avec ses homologues algériens concernant les obligations de quitter le territoire français (OQTF).

« Cette attaque terroriste nous appelle à amplifier encore la mobilisation qui est la nôtre pour mieux contenir et prévenir les conséquences de la présence de ce terroriste islamiste sur le territoire national », a estimé le ministre avant d'évoquer le conseil interministériel.

Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

Le Premier ministre, François Bayrou, a d'ailleurs convoqué un conseil interministériel de contrôle de l'immigration ce mercredi. « Nous devons faire plus et nous devons faire mieux », a-t-il déclaré.

M. Barrot a également affirmé avoir demandé « aux 19 ambassadeurs, dans les pays où nous rencontrons le plus de difficultés pour renvoyer les étrangers en situation irrégulière, à me faire un rapport circonstanciel dont je présenterai les résultats ce mercredi au Premier ministre pour que nous puissions prendre des mesures fortes ».

« Il y a des pays vis-à-vis desquels il nous faut effectivement prendre des mesures fortes. Il y en a d'autres où, au contraire, il nous faut des mesures d'accompagnement », a-t-il ajouté.