BEYROUTH: Les habitants de Tfail, village agricole libanais à la frontière avec la Syrie, déplorent leur incapacité à empêcher la destruction de leurs terres par des bulldozers surveillés par des hommes armés qui semblent vouloir prendre le contrôle du village. D’après les résidents anxieux, le flou du marquage frontalier entre le Liban et la Syrie exacerbe le problème, de nombreux segments de la frontière n’ayant jamais été définis. Ce problème a attiré l’attention des dirigeants libanais, parmi lesquels l’ancien Premier ministre et actuel chef du courant du Futur Saad Hariri, qui a exprimé mardi sa « profonde inquiétude » de la situation à Tfail. Hariri a fait valoir que la menace qui pèse sur Tfail pourrait faire partie d’un « complot pour déplacer les habitants en vue de changements démographiques dans la région ».
Longue de 380km, la frontière syro-libanaise n’est délimitée que sur un segment de 40km depuis la création du grand Liban en 1935. La guerre en Syrie a interrompu les tentatives de délimiter la partie restante. Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Moallem a déclaré il y a 10 jours que son pays « ne délimitera pas ses frontières avec le Liban et n’acceptera pas le déploiement de forces internationales sur les frontières, car cela ne se fait qu’entre ennemis ».
Tfail ressemble à une péninsule à l’intérieur du territoire syrien et le village n’est pas accessible du côté libanais. Pour accéder à d’autres villes ou villages libanais, les résidents doivent d’abord passer par Damas avant de se rediriger vers le au Liban et vice-versa. Cependant, la guerre en Syrie, et plus particulièrement les affrontements dans les montagnes syriennes du Qalamoun, ont causé le déplacement des habitants de Tfail, réfugiés libanais ou syriens, vers plusieurs régions libanaises via le village de Brital. Les résidents de Tfail, majoritairement sunnites, travaillent dans l’agriculture ou servent dans l’armée libanaise.
La frontière syro-libanaise mesure 380 km de long, mais seul un ruban de 40 km a été délimité après la création du grand Liban en 1935, et la guerre en Syrie a paralysé les tentatives de délimitation du reste. Trois villages syriens se situent près de Tfail : Hosh Arab à l’Est, Assal Al-Ward au Nord et Rankous au Sud. Ham est le village libanais le plus proche de Tfail auquel il est relié par des routes escarpées. Tfail dépend de la Syrie pour ses services de base, y compris les télécommunications et l’électricité.
Lors d’une enquête menée par Arab News, Cheikh Ayman Al-Rifai, ancien mufti du gouvernorat de Baalbeck-Hermel, a affirmé que « La banque centrale du Liban détient 1800 parts des terrains du village, confisquées à la banque MEPCO, alors que d’autres biens fonciers sont détenus par différentes personnes. Entre temps, certaines personnes ont empiété sur ces terres, les ont cultivées et léguées sans en posséder les titres de propriété. Il semble qu’un citoyen libanais du village a acheté un terrain où était placé un poste-frontière syrien et a commencé à le cultiver, ce qui a indigné certains habitants de Tfail ». Al-Rifai ajoute qu’il a contacté l’armée libanaise afin de faire la lumière sur l’affaire. « L’officier en charge m’a informé que le nivellement du terrain permettait à l’armée syrienne de placer un poste-frontière à cet endroit, ce qui est dans l’intérêt du Liban », a-t-il indiqué.
D’après les rumeurs, l’acheteur serait un Syrien lié au régime Assad. Arab News a contacté le nouveau propriétaire du terrain, Mohammed Hassan Diqqo, un homme d’affaires libanais âgé de 35 ans et vivant à Tfail. Diqqo a expliqué avoir acheté 20 000 dounams (soit l’équivalent de 20 000 mètres carré) à Mahmoud Ali Khanafer, un Libanais du Sud, et qu’il en possède les titres de propriété émis par les autorités libanaises. Toutefois, il a refusé de révéler le montant qu’il a payé, mentionnant qu’il est « partenaire avec la Banque du Liban dans la propriété du village ». Selon Diqqo, Tfail comprend 70 maisons, dont 45 sont habitées par des Syriens et 25 par des Libanais ». Il a souligné que le Hezbollah et le régime syrien n’ont aucun rapport avec ce qu’il entreprend dans le village et a insisté sur le fait qu’il « réalise un projet de développement qui a pour but la plantation de 100 arbres fruitiers et forestiers sur une période de cinq ans. Ce projet fait partie d’un plan d’investissement pour la mise en place d’une usine de remplissage d’eau, vu que les ressources en eau sont abondantes à Tfail ». Diqqo affirme avoir créé des emplois pour 200 citoyens libanais et syriens et précise par ailleurs qu’une route qui a été réparée pour relier le village au territoire libanais est illégale puisqu’elle a été mise en place sans acquisition de terrains.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur ArabNews.com