BEYROUTH : Le Liban a approuvé un nouveau contrat pour les employées de maison étrangères qui leur octroie davantage de droits, mais pour les militants, des efforts sont encore nécessaires pour abolir la "kafala", un système longtemps décrié comme esclavagiste.
Quelque 250.000 étrangers, en majorité asiatiques et africaines, travaillent au Liban comme employés de maison (femmes de ménages, aides aux personnes âgées ou baby-sitter). Ils ne sont pas protégés par le code du travail et leur emploi est régi par la "kafala".
En vertu de ce système controversé de parrainage, l'employeur est le parrain de l'employé, lui assurant le caractère légal de sa présence dans le pays, et ce dernier ne peut démissionner sans son consentement sous peine de devenir clandestin.
La crise économique aiguë que traverse le pays depuis près d'un an a rendu encore plus précaire la situation des employées de maison: celles qui sont encore payées n'envoient plus qu'une misère à leur famille au pays --la livre libanaise ayant perdu environ 80% de sa valeur face au dollar--, certaines ne sont plus payées du tout, tandis que d'autres sont jetées à la rue sans salaire ni passeport.
"Bien meilleur" contrat
Face à la pression exercée par des groupes de défense des droits humains, le ministère du Travail a fini par établir ce mois-ci un nouveau contrat de travail, qui remplace un datant de 2009 et "abolit le système de la kafala", selon la ministre Lamia Yammine.
Si le milieu des ONG a accueilli favorablement cette décision, il souligne que cela n'est qu'un début.
"Il s'agit sans aucun doute d'une bien meilleure version que l'ancienne" mais "un contrat à lui seul ne met pas fin à la kafala", affirme Diala Haidar, chercheuse à Amnesty International.
Le nouveau contrat accorde aux employées de maison le droit de démissionner et de changer d'employeur, et leur garantit le droit de conserver leur passeport, souvent confisqué par l'employeur.
Si un salaire n'est pas versé ou que la pièce d'identité est entre les mains de l'employeur, l'employé a alors le droit de démissionner sans préavis, selon le nouveau contrat.
Quant à la rémunération mensuelle, elle a été indexée sur le salaire minimum de 675.000 livres (450 dollars avant la crise, moins de 100 dollars au taux actuel du marché noir).
L'employeur peut cependant en déduire une somme indéterminée pour les frais de logement, nourriture et vêtements de l'employée.
Jusqu'ici, les employées de maison touchaient souvent moins que le salaire minimum et étaient logées dans des conditions précaires, certaines forcées de dormir dans un salon ou sur un balcon, d'après des témoignages recueillis par les ONG.
Le nouveau contrat stipule qu'une chambre bien ventilée et munie d'une clé doit être mise à leur disposition.
Il limite également le nombre d'heures de travail par jour à huit avec une pause d'une heure et détaille le droit aux congés payés et aux congés maladie.
Ces nouvelles dispositions risquent toutefois de ne pas être appliquées en l'absence d'inspection et de sanctions à l'encontre des contrevenants, disent les militants des droits humains.
Besoin d'un mécanisme d'application
"Sans un mécanisme d'application, ce contrat restera lettre morte", avertit Mme Haidar.
A titre d'exemple, rappelle-t-elle, l'ancien contrat stipulait le paiement d'un salaire mensuel, mais cela n'a pas empêché certains employeurs d'accumuler les impayés ou de renvoyer leurs employés sans les rémunérer.
"Nous n'avons vu aucun employeur tenu responsable de cette violation du contrat", regrette-t-elle.
Amnesty International a documenté au fil des ans un large éventail d'abus dont l'absence de jours de congé, l'enfermement à clé dans la maison ou l'agression physique ou sexuelle.
Selon des militants, deux décès sont enregistrés par semaine parmi les employées de maison vivant au Liban, notamment pour cause de suicides.
Zeina Mezher, de l'Organisation internationale du travail (OIT), qualifie le nouveau contrat d'un "pas dans la bonne direction" en vue du démantèlement de la kafala.
Mais ce n'est que "la première étape" d'un processus "compliqué", dit-elle.
Pour les ONG, l'objectif ultime reste un amendement à la législation du travail pour mettre tous les employés de maison --libanais et étrangers-- sous sa protection et leur donner le droit de se syndiquer.