Réfugiés afghans en France: état des lieux

Des réfugiés afghans regroupés dans un camp de fortune à Saint-Denis, banlieue nord de Paris, le 16 septembre 2020 (Photo, AFP).
Des réfugiés afghans regroupés dans un camp de fortune à Saint-Denis, banlieue nord de Paris, le 16 septembre 2020 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 22 septembre 2021

Réfugiés afghans en France: état des lieux

  • Selon les chiffres officiels de l’ONU, en 2020, 55,4% des réfugiés Afghans ont élu domicile au Pakistan et 30,1% en Iran
  • Même si le nombre d’évacués arrivés sur le territoire français paraît considérable, les flux migratoires en provenance d’Afghanistan y sont constants depuis de nombreuses années

PARIS: Depuis le 16 août dernier, 2 700 Afghans ont été officiellement rapatriés en France.

2 700 vies sauvées, c’est une goutte d’eau dans l’océan, puisque l’Organisation des nations unies (ONU) a indiqué qu’au moins un demi-million d’Afghans auraient quitté leur pays depuis la prise du pouvoir par les talibans.

Selon les chiffres officiels de l’ONU, en 2020, 55,4% des réfugiés Afghans ont élu domicile au Pakistan et 30,1% en Iran. Ainsi, seule une minorité d’Afghans font le chemin jusqu’en Europe.

Pourtant, ce flux migratoire, si timide soit-il, a fait débat au sein de l’opinion publique.

Qui sont donc ces femmes, ces hommes et ces enfants exilés dans l’Hexagone? Comment la France s’organise-t-elle pour faire face à ce nouveau défi, tant au niveau de l’organisation que de l’intégration? Une enquête signée Arab News en Français.

Des hommes, des femmes et des enfants

Conformément à la résolution qui entérine les engagements des talibans à permettre le départ de ceux qui le souhaitent, la France a activement participé aux opérations d'évacuation et d'exfiltration de ses ressortissants, mais aussi d’Afghans qui ont un lien avec la France.

Auparavant, les flux migratoires à partir du «cimetière des Empires» étaient essentiellement composés d’hommes jeunes qui voyageaient seuls et qui finançaient leur périple en effectuant des petits boulots dans les pays par lesquels ils passaient.

D’après les chiffres officiels, en 2020, la communauté des réfugiés Afghans en France se composait à 87,5% d’hommes d’une moyenne d’âge de 27,2 ans, dont 6% sont diplômés du supérieur.

En 2021, ceux qui fuient le régime taliban sont majoritairement des familles issues de la classe moyenne supérieure.

Une organisation bien rodée

Comme l’a expliqué à Arab News en Français Gérard Sadik, responsable national de la thématique asile au sein de La Cimade, une association d’aide aux réfugiés et migrants: «Vu comme c’est parti, nous ne nous attendons pas à voir arriver un flux très important de migrants venus d’Afghanistan.» En effet, les Afghans qui souhaitaient s’installer en France ont été triés sur le volet. 

Qui sont les personnes acceptées ?

Prioritaires:

  1. Les personnes qui ont travaillé avec la France (auxiliaires, interprètes, etc.)
  2. Les personnes qui redoutent d’être persécutées en Afghanistan en raison de leurs actions envers la «défense des droits» (artistes, intellectuels, journalistes, etc.)

«La France évacue en priorité les personnalités de la société civile afghane, défenseurs des droits, artistes et journalistes particulièrement menacés pour leur engagement [...], tous ceux qui défendent la liberté.»
Allocution de Jean-Yves Le Drian du 15 août 2021

Non prioritaires:

  1. Les membres de familles de ressortissants afghans exilés en France

Comme l’a rappelé sur Europe 1 Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur chargé de citoyenneté, «un triple criblage est opéré par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) sur chaque personne emmenée en France». Des vérifications ont effectivement été menées avant le départ de Kaboul, lors de l’escale à Abu Dhabi, puis en France.

Les différentes étapes du parcours d’un rescapé Afghan pour arriver en France.
Source: données de l’Ofii.

Grâce au traitement accéléré mis en route, les demandes de protection des 2700 afghans seront traitées devant celles des 18 410 autres demandeurs d’asile arrivés en France avant eux.

Il existe trois formes de protection par l'asile accordée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) :

  • Le statut de réfugié
  • La protection subsidiaire
  • La protection temporaire

Pas plus de réfugiés qu’en 2020

Même si le nombre d’évacués arrivés sur le territoire français paraît considérable, en réalité, les flux migratoires en provenance d’Afghanistan y sont constants depuis de nombreuses années.

Cela fait plus de vingt ans que les Afghans figurent parmi les communautés étrangères les plus importantes en France. Ils sont par ailleurs les premiers bénéficiaires du droit d’asile.

Selon le rapport d’activité de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), en 2020, la France a accordé la protection à 80% des Afghans qui en faisaient la demande contre un taux moyen de protection proche de 25% toutes nationalités confondues.

En 2020, avant même la chute du régime d’Ashraf Ghani, les ressortissants Afghans étaient déjà les premiers demandeurs d'asile en France.

Au 30 juin 2021, 41 174 ressortissants afghans étaient sous la protection de l’Ofpra et 8 000 demandes d’asile étaient en cours de traitement.

Malgré le bouleversement politique qu’a connu le pays en 2021, la France sera peu impactée par les flux de personnes.
Gérard Sadik

Pour Sadik, le nombre de réfugiés afghans pourrait même baisser dans les mois à venir. «Vous détestez celui qui a gagné mais, au moins, c’est la paix.» Effectivement, l’arrivée au pouvoir des fondamentalistes islamistes a mis fin à une guerre de vingt ans.

«Finalement, là où les gens se sentent le mieux, c’est chez eux», souligne le défenseur des droits des réfugiés, qui donne notamment l’exemple des Burundais qui sont rentrés au pays après une guerre civile de dix ans en dépit du pouvoir en place.

Mojtaba, un Afghan de 21 ans qui, depuis sept ans, habite Paris, où il étudie les sciences politiques, a confié à Arab News en Français ne pas partager cet avis. «Les Afghans qui vivent désormais en Europe ne retourneront jamais chez eux. Il est impossible de passer du mode de vie à l’européenne à l’obscurantisme des talibans.» Selon les informations du jeune homme, certains Afghans décident toutefois de rentrer au pays pour servir la cause défendue par le chef du Front national de la résistance (FNR), Ahmad Massoud, qui n’est autre que le fils du commandant Massoud.

Des mairies engagées

À ce jour, huit villes d'Île-de-France et plus de vingt communes dans le reste du territoire accueillent des exfiltrés Afghans. Parmi eux, une femme d’une trentaine d’années, que nous appellerons Donya, mère de deux petits garçons, a raconté à Arab News en Français les premières étapes de son parcours. «Après être arrivés à l’aéroport Charles-de-Gaulle, nous avons passé quelques nuits dans un hôtel près de Paris. Ensuite, un bus est venu nous prendre pour nous emmener à Bordeaux. Nous sommes actuellement installés dans une sorte de structure (dispositif national d’accueil, NDLR) avec d’autres rescapés. Tout le monde a été très gentil avec nous. Je suis contente d’être ici. La route a été longue… J’avais très peur de ne pouvoir prendre l’avion, j’avais peur que l’on m’oublie et que les talibans me marient de force.» 

Les municipalités qui se sont portées volontaires auprès de la Direction interministérielle à l'accueil et à l'intégration des réfugiés (Diair) sont chargées de mettre en place l'insertion pérenne des rescapés sur leur territoire.

Ainsi, des cours de français sont dispensés, des logements mis à contribution des familles, et un suivi personnalisé destiné à favoriser la recherche d’emploi est effectué.

Même si plusieurs maires ont exprimé publiquement leur volonté d’accueillir des Afghans, certains élus n’ont pas hésité à manifester leur désapprobation.

Par exemple, le maire LR (Les Républicains) de Nice, Christian Estrosi, a explicitement exprimé son opposition sur les ondes de la radio RTL. «Non, je ne veux pas recevoir de réfugiés chez nous, c'est clair. Notre ville a été victime ces dernières années du terrorisme de manière considérable. Mettons en place une politique migratoire avec des quotas.»

Le porte-parole du Rassemblement national, Laurent Jacobelli, considère pour sa part que «l’invasion migratoire afghane a déjà commencé. Il y a 10 000 réfugiés afghans par an qui demandent l’asile politique en France; quatre sur cinq l’obtiennent».

Dans un Tweet, le vice-président de ce même parti, Jordan Bardella, estime que «la France a pour devoir premier la protection et la sécurité des siens. Ouvrir une nouvelle autoroute migratoire après tout ce que nous avons vécu depuis dix ans serait une folie irresponsable».

Face aux appréhensions, Marlène Schiappa a indiqué qu’il ne fallait en aucun cas craindre l’arrivée de ces réfugiés, puisque «la plupart des récents attentats ont été perpétrés par des personnes qui se sont radicalisées une fois en France», comme c’est d’ailleurs le cas de l’assassin de Samuel Paty.

Une insertion mise au défi

Même si la France et l’Afghanistan entretiennent des liens historiques, les cultures respectives de ces deux pays divergent à plusieurs niveaux.

Cependant, pour Sadik, au-delà de la question de l’adaptation, un autre problème se pose: celui du déclassement social.

«Les 2 700 personnes rapatriées par la France font, en majorité, partie des classes sociales supérieures. Il s’agit essentiellement de personnes d’un certain niveau d’éducation. [..] Or, si la France les pousse à emprunter le chemin classique des demandeurs d’asile, les choses risquent de ne pas être simples pour elles.» Selon l’expert, la déchéance professionnelle peut constituer un frein à une bonne intégration au sein du pays d’accueil: «Comment demander à un magistrat de devenir maçon du jour au lendemain?»

En général, les réfugiés sont encouragés à exercer les métiers les moins populaires aux yeux des autochtones (restauration, logistique, BTP, etc.) afin de pallier les manques dans différents secteurs.

D’après Gérard Sadik, une revalorisation des diplômes étrangers, ou l’instauration d’équivalences, est donc importante. Une mobilisation des employeurs sera elle aussi nécessaire dans les jours, les semaines et les mois à venir. «Il faut faire confiance à ces gens-là et les recruter conformément à leurs compétences! On ne peut pas envoyer les médecins cultiver la terre alors que, en France, les hôpitaux manquent cruellement d’effectifs!», insiste M. Sadik.

Le prochain défi auquel il faudra faire face ? La possibilité d'expulsion dés lors que les relations diplomatiques entre la France et l'Afghanistan seront normalisées et que les vols reprendront.


Législatives 2026: la diaspora libanaise se lance timidement dans le jeu électoral

À Paris, jeudi soir, lors de la réception organisée par l’ambassade du Liban à l’occasion de la fête de l’Indépendance, le ministre de l’Intérieur Ahmad Hajjar a lancé un message sans ambiguïté : « Votre voix, d’ici ou du Liban, est capable de renverser les équations et de modifier les équilibres. » Une manière de reconnaître que la scène politique libanaise, secouée par les crises successives, retrouve dans ses expatriés un réservoir d’espoir et de légitimité. (Photo X Ambassade du Liban en France)
À Paris, jeudi soir, lors de la réception organisée par l’ambassade du Liban à l’occasion de la fête de l’Indépendance, le ministre de l’Intérieur Ahmad Hajjar a lancé un message sans ambiguïté : « Votre voix, d’ici ou du Liban, est capable de renverser les équations et de modifier les équilibres. » Une manière de reconnaître que la scène politique libanaise, secouée par les crises successives, retrouve dans ses expatriés un réservoir d’espoir et de légitimité. (Photo X Ambassade du Liban en France)
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  • À Paris comme ailleurs, un appel pressant a été lancé pour convaincre une diaspora fatiguée mais toujours vibrante de s’inscrire sur les listes électorales avant la date limite
  • C’est un effort collectif, presque obstiné, qui illustre la conviction profonde que, malgré la lassitude et l’exil, chaque voix libanaise conserve une force singulière

PARIS: Bien que les modalités du scrutin restent enveloppées de flou, une chose est désormais certaine : la voix des Libanais de l’étranger comptera dans l’équation politique de 2026.
À Paris comme ailleurs, un appel pressant a été lancé pour convaincre une diaspora fatiguée mais toujours vibrante de s’inscrire sur les listes électorales avant la date limite (le 20 novembre).
C’est un effort collectif, presque obstiné, qui illustre la conviction profonde que, malgré la lassitude et l’exil, chaque voix libanaise conserve une force singulière.

Avec la clôture des inscriptions pour le vote des non-résidents, l’ambassade du Liban en France vous informe qu’elle examinera toutes les demandes d’inscriptions avant de les transmettre au Ministère des Affaires étrangères et des Émigrés Libanais, au plus tard le 20/12/2025 pic.twitter.com/fI7psLmHB5

— Ambassade du Liban en France (@AmbLibanFrance) November 21, 2025

Le ministère libanais de l’Intérieur l’a rappelé : la date du vote pour les expatriés, tout comme les modalités finales — à savoir, vote pour les 128 députés du pays ou maintien de la circonscription dédiée aux six sièges de la diaspora — seront annoncées ultérieurement.
La question divise le Parlement et attise les tensions, au point de peser sur le calendrier électoral. Mais pour les autorités, une certitude demeure : la diaspora ne doit pas se tenir à l’écart.

Renverser les équations

À Paris, jeudi soir, lors de la réception organisée par l’ambassade du Liban à l’occasion de la fête de l’Indépendance, le ministre de l’Intérieur Ahmad Hajjar a lancé un message sans ambiguïté : « Votre voix, d’ici ou du Liban, est capable de renverser les équations et de modifier les équilibres. »
Une manière de reconnaître que la scène politique libanaise, secouée par les crises successives, retrouve dans ses expatriés un réservoir d’espoir et de légitimité.

Ces dernières semaines, l’ambassade du Liban en France a déployé une énergie peu commune pour inciter les Libanais à s’inscrire : campagnes intensives sur les réseaux sociaux, messages réguliers, vidéos, rappels pratiques, jusqu’à l’implication personnelle de l’ambassadeur Rabih Al Chaer, qui a lui-même enregistré une vidéo expliquant la démarche d’inscription, soit via la plateforme en ligne, soit en se rendant au consulat.

Jour -J-
Dernière ligne droite!
si vous n’êtes toujours pas encore inscrit pour voter de puis la France, il est encore temps d’agir! Vous avez jusqu’à ce soir à 23h00 de Paris. Soit via le lien: https://t.co/utd3GeWVwM pic.twitter.com/cxq6IRnZuQ

— Ambassade du Liban en France (@AmbLibanFrance) November 20, 2025

D’après une source diplomatique libanaise, à deux jours de la clôture des inscriptions, un peu plus de 13 000 Libanais de France s’étaient inscrits, contre 28 000 en 2022.
Une chute nette, qui a redoublé l’effort de communication de la mission diplomatique pour éviter une désaffection plus large, sachant que la régression ne surprend pas totalement ceux qui observent l’évolution de la société libanaise en exil.
En 2022, l’élan né du soulèvement du 17 octobre 2019, ou la « révolution du cèdre », avait galvanisé la diaspora, rendant le fait de s’inscrire pour voter presque un acte militant.

Liban: Une vie quotidienne paralysée

Malheureusement, pour 2026, l’ambiance est différente : la lassitude domine, nourrie par l’incertitude persistante autour du scrutin, prévu en mai prochain mais qui pourrait être décalé à une date ultérieure.
Cette lassitude est aussi alimentée par la déception face aux promesses d’un renouveau politique qui tarde à prendre forme, malgré l’arrivée d’un nouveau président, Joseph Aoun, et d’un nouveau Premier ministre, Nawaf Salam.
À cela s’ajoute l’impression tenace que le pays demeure figé dans ses logiques communautaires, malgré les attentes de millions de Libanais.

Pour beaucoup, la vie quotidienne au Liban reste paralysée par les mêmes maux : le manque d’eau et d’électricité, la gestion calamiteuse des déchets, la crise financière sans issue, les avoirs bancaires bloqués, l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth au point mort, et l’insécurité persistante dans le Sud du pays.
Un océan de crises où les promesses politiques s’échouent l’une après l’autre. Mais, malgré ce tableau sombre, l’appel lancé depuis Paris et depuis Beyrouth sonne juste, puisque la diaspora représente aujourd’hui la bouée d’oxygène politique du Liban.

En 2022, seize nouveaux députés, dont dix issus du mouvement du changement, avaient pu faire leur entrée au Parlement grâce, en partie, au vote des expatriés, preuve que la diaspora peut infléchir les rapports de force.
Le ministre Hajjar l’a rappelé avec insistance : « Votre participation a un impact réel », car l’enjeu dépasse l’acte administratif d’une inscription.
Il s’agit de savoir si les Libanais de l’étranger accepteront de laisser le système se verrouiller davantage ou s’ils reprendront leur rôle dans le combat pour une autre voie.

Contre toute attente, certains Libanais continuent de résister, d’entreprendre, de créer, de tenir bon ; leur vitalité contraste avec la paralysie du système politique.
Pour eux, l’inscription sur les listes électorales n’est pas un geste vain, mais un acte de fidélité à un pays qui vacille.

Le Liban attend encore le règlement de ses crises multiples — financières, sociales, institutionnelles, humanitaires. Il attend la vérité sur l’explosion du port, il attend une gouvernance qui ne soit plus l’otage de ses contradictions internes.
Mais d’ici là, le pays attend aussi que ses enfants à l’étranger ne détournent pas le regard.
Les autorités libanaises, l’ambassade de Paris et les acteurs de la diaspora ont, chacun à leur manière, rappelé une évidence : si le Liban s’effondre, il ne le fera pas uniquement depuis ses frontières.

L’inscription des expatriés aux législatives de 2026 n’est pas un geste automatique, ni même simple, mais c’est un choix : celui de rester partie prenante, malgré la fatigue, malgré la distance et malgré la déception.


France: l'adoption d'un budget compromise après le rejet des députés

Les résultats du vote sur le projet de loi de finances pour 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, tôt dans la matinée du 22 novembre 2025. (AFP)
Les résultats du vote sur le projet de loi de finances pour 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, tôt dans la matinée du 22 novembre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a rejeté massivement en première lecture le budget 2026, renvoyant le texte au Sénat et illustrant l’extrême fragmentation politique depuis la dissolution de 2024
  • Le gouvernement minoritaire, sous pression pour réduire un déficit public record, peine à trouver une majorité, malgré l’espoir d’un compromis sur fond de tensions entre blocs politiques

PARIS: Les députés français ont rejeté à la quasi-unanimité en première lecture le budget de l'État pour 2026, dans la nuit de vendredi à samedi, un vote inédit depuis des décennies qui augure mal d'une adoption avant la fin de l'année.

Après des semaines de débats parfois houleux sur la fiscalité du patrimoine, ou celle des grandes entreprises, 404 députés ont rejeté la partie "recettes" du texte (un seul a voté pour), emportant ainsi l'ensemble du projet de loi, sans même étudier la partie "dépenses".

En vertu des procédures parlementaires françaises, ce vote renvoie le texte initial du gouvernement à la chambre haute du Parlement, qui s'en saisira la semaine prochaine.

Dans un paysage politique très facturé depuis la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par le président Emmanuel Macron en 2024, la difficulté à adopter un budget de l'Etat constitue le sujet majeur à l'origine de la chute des derniers Premier ministres.

Le gouvernement minoritaire de Sébastien Lecornu, un proche d'Emmanuel Macron, se trouve pourtant sous forte pression pour réduire le déficit public, le plus élevé de la zone euro, dont l'ampleur inquiète les marchés financiers.

L'Assemblée avait déjà rejeté en 2024 le budget de l'État, de manière inédite depuis l'adoption de la Ve République en 1958. Mais c'est une première qu'il le soit avec une telle ampleur.

Les groupes de gauche et l'extrême droite ont voté contre, ceux du camp gouvernemental se sont divisés entre votes contre et abstentions. Seul un député centriste a voté en faveur du texte.

- Compromis? -

Si l'exécutif espère toujours une adoption avant la fin de l'année, cela apparaît comme une gageure, en terme de délais comme en terme de majorité pour le voter.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, avait promis de laisser le dernier mot au Parlement pour éviter une censure.

Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

Si elle a vu dans le "plus long débat budgétaire" de la Ve République, un "travail utile", la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a aussi déploré un "certain nombre de mesures inconstitutionnelles, irréalistes ou inapplicables".

Dans le viseur du camp gouvernemental, plusieurs hausses d'impôts, dont un "impôt universel" sur les multinationales, une hausse de taxe sur les rachats d'action, ou une contribution sur les dividendes.

Avec elles, le déficit passerait à "4,1%" du PIB (contre un objectif à 4,7% dans le texte initial), sans elles il serait de "5,3%", a estimé Amélie de Montchalin.

Sur X, elle a dénoncé l'"attitude cynique" des "extrêmes", se disant cependant "convaincue" de la possibilité d'un compromis.

"Le compte n'y est pas", a lancé le chef de files des élus socialistes, Boris Vallaud, estimant les "recettes" insuffisantes pour "effacer" des économies irritantes sur les politiques publiques.

Le PS continuera toutefois à "chercher le compromis", a-t-il assuré.

Les socialistes, qui avaient accepté de ne pas censurer le Premier ministre en échange notamment de la suspension de la réforme des retraites, espéraient que les débats permettent d'arracher une taxe sur le patrimoine des ultra-riches. Mais les propositions en ce sens ont été rejetées.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


Narcobanditisme: la porte-parole du gouvernement sera à la marche blanche samedi à Marseille

La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a annoncé vendredi qu'elle irait à la marche blanche prévue samedi à Marseille en hommage à Mehdi Kessaci, le frère du militant Amine Kessaci engagé contre le narcobanditisme, soulignant que sa présence devait illustrer le "soutien de l'Etat". (AFP)
La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a annoncé vendredi qu'elle irait à la marche blanche prévue samedi à Marseille en hommage à Mehdi Kessaci, le frère du militant Amine Kessaci engagé contre le narcobanditisme, soulignant que sa présence devait illustrer le "soutien de l'Etat". (AFP)
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  • "Au-delà des actes forts et des engagements du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, l'État et singulièrement le gouvernement devaient marquer, symboliquement et humblement, leur soutien et leur solidarité lors de ce rassemblement
  • "Les réflexes partisans n'ont pas leur place dans une telle marche et dans un tel combat", a estimé Mme Bregeon, espérant que les participants seraient "le plus nombreux possible" samedi

PARIS: La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a annoncé vendredi qu'elle irait à la marche blanche prévue samedi à Marseille en hommage à Mehdi Kessaci, le frère du militant Amine Kessaci engagé contre le narcobanditisme, soulignant que sa présence devait illustrer le "soutien de l'Etat".

Le jeune homme de 20 ans a été assassiné le 13 novembre par deux hommes à moto, et la justice étudie la piste d'"un crime d'intimidation" lié au militantisme de son frère.

"Le gouvernement sera présent et je me rendrai samedi à Marseille en compagnie de mon collègue Vincent Jeanbrun, qui est ministre de la Ville et du Logement", a déclaré Maud Bregeon sur TF1 vendredi, ajoutant que ce drame avait "profondément choqué tous nos concitoyens".

La porte-parole a assuré que son déplacement serait fait "humblement, avec la modestie et la pudeur que cet événement nécessite, sans communication sur place".

Il s'agit, selon elle, de "marquer l'engagement total du gouvernement et le soutien de l'État, du président de la République et du Premier ministre, à cette famille et aux proches de Mehdi Kessaci".

"Au-delà des actes forts et des engagements du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, l'État et singulièrement le gouvernement devaient marquer, symboliquement et humblement, leur soutien et leur solidarité lors de ce rassemblement où habitants, élus locaux et nationaux feront bloc contre le narcotrafic", a précisé l'entourage de Maud Bregeon à l'AFP.

La porte-parole retrouvera à Marseille de nombreuses autres personnalités politiques, dont beaucoup issues de gauche, comme Olivier Faure (PS) ou Marine Tondelier (les Ecologistes).

"Les réflexes partisans n'ont pas leur place dans une telle marche et dans un tel combat", a estimé Mme Bregeon, espérant que les participants seraient "le plus nombreux possible" samedi.

Si les courants politiques s'accordent sur le constat, ils s'opposent sur les voies à suivre pour contrer le narcotrafic.

Le député LFI du Nord Ugo Bernalicis a ainsi affirmé sur franceinfo que "ce qu'on demande au gouvernement, c'est pas tant la participation à cette marche, c'est de faire en sorte que les moyens soient à la hauteur des enjeux". Et "le compte n'y est pas", a-t-il dit.

Il a notamment appelé à s'attaquer au "cœur du problème" en légalisant le cannabis, dont la vente est "le moteur financier" des trafiquants, selon lui.

Le député insoumis des Bouches-du-Rhône Manuel Bompard, qui sera présent samedi, a exhorté à un "changement de doctrine complet", demandant par exemple plus de moyens pour la police judiciaire.

"Plutôt que d'envoyer des policiers chasser le petit consommateur, je pense au contraire qu'il faut concentrer les moyens dans le démantèlement des réseaux de la criminalité organisée", a-t-il dit.

Quant à la suggestion du maire de Nice Christian Estrosi d'engager l'armée contre le narcotrafic, Maud Bregeon a rappelé que ce n'était "pas les prérogatives de l'armée" et "qu'on a pour ça la police nationale, la gendarmerie nationale, la justice de la République française".