BRUXELLES : La justice belge décide vendredi du nombre de suspects renvoyés devant une cour d'assises pour les attentats de mars 2016 à Bruxelles, avant un procès qui pourrait intervenir dans un an et concerner six des jihadistes actuellement jugés à Paris pour les attaques de novembre 2015.
La chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Bruxelles, dernière juridiction appelée à statuer avant l'organisation du procès, doit rendre son arrêt à huis clos vendredi matin.
La décision sera communiquée aux avocats "vraisemblablement en fin de matinée ou début d'après-midi", a indiqué à l'AFP Eric Van Duyse, porte-parole du parquet fédéral belge.
Le matin du 22 mars 2016, deux jihadistes s'étaient fait exploser à l'aéroport international de Bruxelles-Zaventem, et un troisième dans le métro de la capitale belge. Bilan: 32 morts et plus de 340 blessés.
L'enquête révélera rapidement, notamment grâce à un ordinateur retrouvé dans une poubelle, que les auteurs sont liés à ceux du 13 novembre 2015, et à Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos ayant attaqué la capitale française ce soir-là (130 morts).
Dans ce dossier, le Franco-marocain de 32 ans, actuellement jugé à Paris, risque une nouvelle fois la cour d'assises, avec neuf autres membres présumés de la cellule téléguidée depuis la Syrie par le groupe Etat islamique.
Trois de treize inculpés ont bénéficié d'un non-lieu. Concernant les dix autres, l'accusation a fait une distinction, plaidant pour que huit hommes (dont Salah Abdeslam et Mohamed Abrini, "l'homme au chapeau" de l'aéroport) soient jugés aux assises pour "assassinats dans un contexte terroriste", et les deux derniers par le tribunal correctionnel pour "participation aux activités d'un groupe terroriste".
Il s'agit des frères Smail et Ibrahim Farisi, soupçonnés d'avoir apporté un soutien logistique aux assaillants, mais qui selon l'accusation n'avaient pas connaissance de leur projet terroriste.
"Le seul enjeu est de savoir si ces deux hommes se retrouvent oui ou non devant la cour d'assises", affirme Me Adrien Masset, qui défend l'association de victimes V-Europe.
«Une procédure inadaptée»
"Cela augmenterait le nombre d'accusés, allongerait les débats, mais d'un autre côté cela donnerait une certaine unité au dossier", ajoute-t-il.
"L'analyse du parquet fédéral était de dire que pour deux des prévenus la cour d'assises ne se justifiait pas, mais la chambre des mises en accusation est souveraine", rappelle de son côté Eric Van Duyse.
En janvier, la chambre du conseil du tribunal de Bruxelles, en première instance, n'avait pas eu la même analyse, ordonnant dix renvois aux assises.
Six de ces suspects sont jugés à Paris pour les attentats de novembre dont Salah Abdeslam, le Belgo-marocain Mohamed Abrini, le Tunisien Sofien Ayari, complice de la fuite d'Abdeslam (arrêté avec lui le 18 mars 2016 à Bruxelles) et le Suédois d'origine syrienne Osama Krayem, qui a rebroussé chemin le 22 mars après avoir accompagné le kamikaze du métro.
Le futur procès, susceptible de démarrer en septembre 2022 pour une année judiciaire complète (peut-être jusqu'en juin 2023), s'annonce comme la plus grande audience criminelle jamais organisée en Belgique.
Le parquet fédéral dit avoir déjà recensé 964 parties civiles, familles de victimes, blessés ou traumatisés, demandant la réparation d'un préjudice.
Pour accueillir au moins un millier de personnes le ministère de la Justice a fait réaménager spécialement l'ancien siège de l'Otan, un espace plus vaste et mieux sécurisé que le vieux Palais de justice du Bruxelles.
En Belgique, contrairement à la France, les attentats terroristes ne sont pas jugés par une cour d'assises spécialement composée (avec des magistrats uniquement) mais soumis à un jury populaire comme les autres crimes, ce qui rend encore plus complexe l'organisation d'un tel procès.
Outre les impératifs de sécurité, mobiliser un jury pendant neuf mois nécessitera un grand nombre de jurés suppléants, a fait remarquer le chef du parquet fédéral, Frédéric Van Leeuw, déplorant "une procédure inadaptée".