PEKIN: Le groupe Evergrande, fleuron chinois de l'immobilier en proie à une dette abyssale, a admis mardi faire face à une "pression énorme" sur le plan financier et prévenu qu'il pourrait ne pas honorer ses obligations envers ses créanciers.
Une éventuelle liquidation de ce géant de l'immobilier aurait des conséquences considérables, non seulement sur l'économie chinoise mais aussi sur la "stabilité sociale" chère aux dirigeants chinois.
Evergrande dit employer 200 000 personnes et générer indirectement 3,8 millions d'emplois dans le pays. Certains propriétaires qui ont payé en avance pour la construction de leur logement risquent de ne jamais pouvoir en bénéficier.
Manifestation devant le siège d'Evergrande, au bord de la faillite
Des dizaines de personnes manifestent mardi à Shenzhen (sud) devant le siège du géant chinois de l'immobilier Evergrande qui se trouve au bord de la faillite, a constaté une équipe de l'AFP.
Dans un pays où les manifestations sont de facto illégales, de nombreux policiers bloquaient l'accès au bâtiment et empêchaient les journalistes de filmer.
Le plus gros promoteur immobilier chinois, écrasé par un passif de près de 260 milliards d'euros, a reconnu mardi qu'il ne pourrait peut-être pas honorer tous ses engagements.
"Ils me doivent plus de 10 millions de yuans (1,3 million d'euros)", explique à l'AFP une dame du nom de Xia, qui dit investir dans les produits financiers.
"Evergrande est un grand groupe. On s'attendait à ce qu'il rembourse mais ce n'est pas le cas en fin de compte. C'est une atteinte à nos droits de citoyens", estime-t-elle.
Le groupe avait profité ces dernières décennies d'un boom immobilier encouragé par l'Etat mais le régime du président Xi Jinping a resserré les conditions d'accès au crédit afin de lutter contre la spéculation.
Désormais, les réseaux sociaux regorgent de témoignages de petits investisseurs qui redoutent de ne jamais récupérer leur bien.
Selon des experts, le groupe doit notamment encore achever 1,4 million de logements pour une valeur totale de 170 milliards d'euros.
Lundi, des investisseurs en colère ont manifesté devant le siège du groupe à Shenzhen (sud).
Dans une déclaration mardi à la Bourse de Hong Kong, où le groupe est coté, Evergrande a indiqué explorer "toutes les solutions possibles" pour son problème de liquidités.
Toutefois, "il n'y a aucune garantie que le groupe soit en mesure d'honorer ses obligations financières", a averti le mastodonte de l'immobilier.
"Le mois de septembre est généralement celui où les promoteurs immobiliers en Chine enregistrent le plus de ventes", souligne Evergrande, dénonçant une campagne de presse dont il serait la cible en cette période cruciale.
Les inquiétudes autour de la santé financière du groupe "ont entamé la confiance" d'acheteurs potentiels, regrette l'entreprise.
Ces commentaires ont fait dévisser en Bourse mardi matin les actions d'Evergrande de plus de 10% à Hong Kong.
Dans un communiqué précédent, le groupe avait démenti lundi être proche de la faillite.
Récemment, plusieurs sous-traitants et fournisseurs se sont plaints de ne pas être payés.
Evergrande a multiplié ces dernières années les acquisitions au prix d'un endettement colossal : son passif est estimé à 1 966 milliards de yuans, soit l'équivalent de 260 milliards d'euros.
Outre l'immobilier, le groupe est également présent dans l'automobile. Fondé en 2019 avec l'ambition de révolutionner l'électrique, Evergrande Auto ne commercialise toutefois pour l'heure aucun véhicule.
Et la marque a perdu en un an 85% de sa valeur en Bourse.
Evergrande a par ailleurs investi dans le tourisme, internet, le numérique, les assurances et les parcs de loisirs pour enfants, voulus "plus grands" que ceux de Disney.
Il est également propriétaire d'un club de football: le Guangzhou FC (ex-Guangzhou Evergrande), basé à Canton (sud de la Chine) et entraîné par le champion du monde italien Fabio Cannavaro.