RABAT: Le Maroc, où le parti islamiste PJD, à la tête du gouvernement depuis une décennie, a subi mercredi une spectaculaire déroute lors des élections législatives, est marqué par de profondes inégalités mais le royaume jouit de stabilité dans un Maghreb agité par des soubresauts politiques.
En 1912, le Maroc est divisé en deux protectorats, espagnol dans sa partie nord, et français dans le reste du pays. Il accède à l'indépendance en 1956.
A la mort du roi Mohammed V en 1961, son fils Hassan II lui succède et accompagne la modernisation du royaume après la décolonisation.
Monarque populaire, son long règne sera entaché par des violations des droits humains perpétrées durant les "années de plomb", de 1970 à 1999.
En 1991, le bagne de Tazmamart (sud-est), où ont été internés des opposants, est détruit. En 1992, une réforme de la Constitution intègre le concept de droits humains.
Les dates-clés du Maroc depuis l'accession au trône du roi Mohammed VI en 1999
- Le 23 juillet 1999, Mohammed VI, alors âgé de 35 ans, succède officiellement à son père, le roi Hassan II, décédé le même jour après 38 ans de règne.
- Le 30, le nouveau roi est intronisé et prononce son premier "discours du Trône", affirmant qu'il souhaite pouvoir "alléger le poids de la pauvreté" pesant sur la majorité de la population marocaine.
- Les premiers actes de rupture sont spectaculaires pour les Marocains: le jeune monarque autorise le retour d'exil de l'opposant historique Abraham Serfaty et se sépare de Driss Basri, le tout-puissant ministre de l'Intérieur de son père, symbole à lui seul des trois décennies des "années de plomb" (1970 à 1999).
- Il entreprend un voyage dans la province berbère rétive du Rif (nord), et ouvre la voie à l'indemnisation des prisonniers politiques.
- Les législatives de 2002 marquent une étape dans la démocratisation d'un pays où les scrutins étaient largement manipulés.
- Les réformes lancées préservent néanmoins les pouvoirs très étendus du monarque qui garde la haute main sur les secteurs stratégiques.
- Le 16 mai 2003, la capitale économique Casablanca (ouest) est secouée par cinq attentats suicide faisant 33 morts, majoritairement des Marocains.
- Le pays muscle son dispositif sécuritaire au nom de la lutte antiterroriste.
- Mais le 28 avril 2011, une attaque à la bombe fait 17 morts, dont des touristes étrangers, à Marrakech (ouest).
- Fin 2018, un groupe radicalisé de la région de Marrakech décapite deux jeunes touristes scandinaves au nom du groupe jihadiste Etat islamique (EI) dans les montagnes du Haut Atlas (centre).
- Le 20 février 2011, dans le sillage du Printemps arabe, des dizaines de milliers de jeunes manifestent, après l'appel du "Mouvement du 20-février" réclamant des réformes, plus de démocratie et moins de corruption.
- Le 1er juillet, les Marocains votent massivement pour le 'oui' au référendum sur la réforme constitutionnelle qui renforce les pouvoirs du Premier ministre et du Parlement tout en préservant la prééminence politique et religieuse du monarque.
- En novembre, le Parti justice et développement (PJD, islamiste), cantonné jusque-là dans l'opposition, remporte les législatives.
- En 2016, le PJD remporte une nouvelle victoire aux législatives mais son chef Abdelilah Benkirane est incapable de former un gouvernement.
- Le roi nomme le numéro deux du parti, Saad Eddine El Othmani, à la tête d'une coalition gouvernementale dans laquelle le PJD ne pilote pas les postes stratégiques.
- Après une décennie à la tête du gouvernement, le PJD a subi mercredi une spectaculaire déroute lors des élections législatives au profit de partis libéraux considérés comme proches du palais.
- Fin 2016 naît le mouvement de protestation du "Hirak" dans la région montagneuse berbère du Rif, qui avance des revendications sociales et économiques.
- Des centaines de manifestants sont arrêtés et condamnés, dont le leader Nasser Zefzafi à 20 ans de prison, pour "complot visant à porter atteinte à la sécurité de l'Etat".
- Sur fond de malaise social, des mouvements agitent d'autres régions s'estimant marginalisées, comme Sidi Ifni (sud) en 2009 ou la cité minière sinistrée de Jerada (nord-est) en 2017-2018.
- Début 2017, le Maroc réintègre l'Union africaine, qu'il avait quittée en 1984 pour protester contre l'admission de la République arabe sahraouie démocratique, autoproclamée par les indépendantistes du Front Polisario au Sahara occidental.
- Le 10 décembre 2020, le Maroc normalise ses relations avec Israël après avoir obtenu une reconnaissance par les Etats-Unis de Donald Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
- Alger rompt avec Rabat -Le 24 août 2021, l'Algérie rompt ses relations diplomatiques avec Rabat, invoquant des "actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l'Algérie".
Grands chantiers
En 2007, le méga-port de Tanger-Méditerranée (nord), premier port en volume d'Afrique, est inauguré. Son extension en 2019 en fait "le premier de Méditerranée".
En 2016, sont inaugurées l'immense centrale solaire Noor (sud) et la première ligne TGV du continent africain en 2018.
Inégalités
Déjà profondes au Maroc, les inégalités sociales se sont creusées depuis le début de la pandémie de coronavirus.
L'économie s'est contractée de 7,1% en 2020 et le taux de pauvreté a bondi de 1,7% à 11,7% à l'échelle nationale durant le confinement, selon l'institut marocain des statistiques.
Pilier de l'économie, les recettes du secteur touristique, avoisinant les 80 milliards de dirhams en 2019 (environ 7,5 milliards d'euros), ont chuté de 65% jusqu'à début 2021, selon le ministère des Finances.
En juillet 2020, le roi a annoncé une généralisation de la couverture sociale "au profit de tous les Marocains" au cours des cinq prochaines années et la création d'un fonds de 11 milliards d'euros pour relancer l'économie.
Pôles touristiques
Pays du Maghreb que bordent l'Atlantique et la Méditerranée, le Maroc a une population de 36 millions d'habitants. L'islam est religion d'Etat.
Mohammed VI défend un islam tolérant et modéré qui assure la liberté de culte pour les juifs et les chrétiens étrangers.
Plusieurs sites sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, dont les Médina d’Essaouira, de Fès et de Tétouan et la ville historique de Meknès.
Mais, avec la fermeture des frontières et les restrictions sanitaires, l'industrie touristique a plongé dans une crise sans précédent.
Ceuta et Melilla
Les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, dans le nord du Maroc, sont les seules frontières terrestres entre l'Afrique et l'Union européenne.
En mai, Ceuta a vu arriver entre 8.000 et 10.000 migrants en 48 heures, une vague migratoire inédite à la faveur d'un relâchement des contrôles par les autorités marocaines, sur fond de tensions avec l'Espagne.