WASHINGTON: Les Etats-Unis ont promis de tout faire pour évacuer les Américains coincés en Afghanistan. Mais leurs moyens sont limités, ouvrant la voie à des tentatives d'exfiltration à l'initiative d'élus républicains, anciens militaires ou organisations privées qui mettent dans l'embarras le gouvernement de Joe Biden.
Le département d'Etat s'est félicité lundi d'avoir "facilité" le départ de quatre Américains par la route vers un pays frontalier de l'Afghanistan. Les talibans, au courant, n'ont "pas empêché" leur sortie, a souligné un responsable américain.
C'est la première opération depuis le retrait des Etats-Unis fin août, qui a sonné le glas du pont aérien ayant permis d'évacuer de Kaboul 123 000 personnes en une quinzaine de jours - des Américains, d'autres étrangers et des Afghans susceptibles de subir des représailles des nouveaux maîtres islamistes du pays.
Or le président Biden a promis de continuer à "faire sortir" la centaine d'Américains toujours coincés en Afghanistan.
Mais des républicains ont accusé mardi la diplomatie américaine de tirer la couverture à elle et d'avoir, au contraire, mis des bâtons dans les roues de l'évacuation de ces quatre Américains, une femme prénommée Mariam et ses trois enfants.
"C'est un mensonge", a réagi le député Markwayne Mullin sur CNN, au sujet du rôle de facilitateur revendiqué par Washington.
"Le département d'Etat n'a absolument rien fait pour ces gens pendant douze jours à part risquer de les faire tuer à plusieurs reprises", a tweeté son collègue Ronny Jackson, ancien contre-amiral de la Marine.
Ces deux élus affirment avoir initié l'exfiltration depuis les Etats-Unis et mandaté un candidat républicain au Congrès, Cory Mills, ancien combattant de l'armée ayant servi en Afghanistan, pour la mettre en oeuvre sur le terrain.
Tous les trois assurent que l'administration Biden a d'abord empêché l'évacuation de la famille par avion privé depuis Kaboul lorsque les Américains étaient encore présents, puis refusé d'assister l'équipe chargée de l'exfiltration par voie terrestre.
« Prise d'otages »
Cory Mills a raconté sur Fox News que les talibans avaient en fait longtemps fait obstacle à la sortie de cette famille, invoquant l'absence de "coordination avec les Américains". Il a ajouté avoir dû multiplier les "ruses" pour obtenir un laissez-passer.
Ces républicains se sont appuyés sur la Sentinel Foundation, qui se présente comme une organisation dévouée à lutte contre l'exploitation des enfants, avec une expertise en renseignement et des spécialistes des "opérations spéciales".
Le député Mullin affirme maintenant vouloir faire sortir d'autres Américains.
Il n'en était pas à son coup d'essai: des responsables américains l'avaient accusé d'avoir fait pression, fin août, sur l'ambassadeur américain au Tadjikistan pour l'aider à entrer en Afghanistan avec une grande quantité d'argent liquide afin d'exfiltrer des concitoyens par hélicoptère.
Le problème, pour le gouvernement américain, c'est qu'en retirant tous ses militaires et diplomates d'Afghanistan, il a perdu tout moyen d'action sur le terrain. Il en est donc réduit à compter sur le bon vouloir des talibans, qui furent longtemps ses ennemis jurés.
Le secrétaire d'Etat Antony Blinken a déclaré mardi, au Qatar, avoir reçu un nouvel engagement des talibans qu'ils "laisseraient les personnes avec des documents de voyage partir librement".
Cette position expose l'administration Biden aux accusations d'inaction.
Et laisse le champ libre aux initiatives privées, qu'elle ne peut contrôler -- et que des responsables américains attribuent parfois, en petit comité, à des pieds nickelés prenant des risques inconsidérés.
Antony Blinken a ainsi dû se défendre d'avoir favorisé une "prise d'otages" à Mazar-i-Sharif, dans le nord de l'Afghanistan, comme l'en accusent des ténors républicains.
Des informations parfois confuses font état de la présence sur place de plusieurs centaines de personnes, dont moins d'une vingtaine d'Américains, qu'un assemblage hétéroclite d'ONG, vétérans de l'armée ou individus privés tentent de faire partir à bord de six avions.
Ne disposant pas de personnel au sol, "nous ne sommes pas en mesure de vérifier (...) l'identité des passagers de ces avions, les protocoles de sécurité aérienne ou les endroits où ils entendent se poser", a déclaré le secrétaire d'Etat dans un aveu d'impuissance.
Il a expliqué qu'un "nombre relativement petit d'Américains" était dans un groupe plus grand d'Afghans qui tous n'ont pas de papiers en règle pour être accueillis dans un pays tiers, ce qui complique le départ.