PARIS: Huit mois de procès pour 130 morts, 350 blessés et un pays profondément traumatisé. La France rouvre à partir du 8 septembre le lourd dossier des attentats jihadistes du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, les plus meurtriers de son histoire.
Près de six ans après les faits, la cour d'assises spéciale de Paris va juger vingt accusés, dont Salah Abdeslam, seul survivant du commando qui a semé la mort devant le Stade de France, sur des terrasses de bistrots de la capitale et dans la salle de spectacle du Bataclan.
Face à eux, près de 1 800 victimes. Proches des disparus, blessées ou simplement rescapées, toutes marquées au fer rouge de la terreur, en quête de justice, de vérités et de mémoire.
"Ça va être quelque chose de costaud (...) un procès monstrueux", redoute Thomas Smette, un rescapé du Bataclan qui avait alors 24 ans. "Moi je m'en sors plutôt pas mal (...) la seule chose que ça peut apporter, c'est que d'autres se disent +moi aussi je peux me sentir bien+".
A partir de la fin septembre et pendant plusieurs semaines, ils se succéderont à la barre de la salle d'audience spécialement aménagée dans le Palais de justice de l'île de la Cité pour raconter l'horreur.
Ce vendredi soir, elle débute par un carnage évité à Saint-Denis, où trois jihadistes font sauter leur ceinture explosive aux abords du Stade de France, plein à craquer pour un France-Allemagne de football. Ils ne feront qu'un seul mort, un miracle.
L'attaque se poursuit dans les rues de Paris où trois tireurs, dont le chef du commando Abdelhamid Abaaoud, mitraillent les clients de quatre restaurants. Leurs balles tuent 39 personnes.
Elle s'achève dans un bain de sang dans la salle du Bataclan, où trois autres jihadistes massacrent méthodiquement à la kalachnikov 90 spectateurs d'un concert de rock, avant d'être abattus par la police ou de se faire exploser.
La France est saisie d'effroi. Son président François Hollande ordonne la fermeture des frontières et décrète l'état d'urgence, une première depuis la Guerre d'Algérie plus d'un demi-siècle plus tôt.
Comment et pourquoi ?
Le commando ne sera neutralisé qu'avec la mort d'Abdelhamid Abaaoud, quatre jours après, lors d'un assaut du Raid sur la planque de Saint-Denis où il s'était retranché. Seul Salah Abdeslam parvient à passer entre les mailles du filet et à rejoindre la Belgique, où il sera arrêté quatre mois plus tard.
Devant la cour et les victimes, les enquêteurs raconteront l'identification du commando du groupe Etat islamique (EI), parti de Syrie pour rejoindre l'Europe par la route des migrants.
Ils détailleront les autres opérations de cette cellule franco-belge pilotée depuis la "capitale" du califat, sa traque, et tenteront d'apporter des réponses à LA question du procès: comment ce groupe jihadiste parfaitement identifié a-t-il pu échapper aux services de police et frapper l'Europe en plein cœur ?
Obstinément muet depuis son arrestation, le "rescapé" Salah Abdeslam, ne semble pas disposé à éclairer les juges. Ni sur son rôle dans l'opération ni sur les motivations du commando.
Les éventuelles explications des autres membres de la cellule jihadiste attendus dans le box, comme le fameux "homme au chapeau" des attentats de Bruxelles en 2016, Mohamed Abrini, restent tout aussi improbables.
Présenté comme historique, ce procès s'annonce difficile pour nombre de victimes. Elles en espèrent la justice, des vérités et, peut-être, la fin de leurs cauchemars.
"Il faut que j'y aille. Je vais sûrement souffrir mais c'est une étape", anticipe Cristina Garrido, une Espagnole de 60 ans qui a perdu son fils Juan Alberto au Bataclan. "Ce que je veux, c'est que (les accusés) entendent la douleur qu'ils ont laissée", ajoute-t-elle, à Madrid. "Ce qu'ils ont fait n'a servi à rien, absolument rien (...) Ça n'a servi qu’à détruire des familles".