LONDRES: La Grande-Bretagne et ses alliés n'ont aucun plan cohérent pour faire face à la probable crise des réfugiés afghans provoquée par la prise de contrôle des talibans du pays, a averti l'ancien ambassadeur de Grande-Bretagne en Afghanistan.
Mark Sedwill, qui a également été conseiller principal de deux premiers ministres et envoyé spécial de l'Otan en Afghanistan, a déclaré que le pont aérien d'urgence mis en place par les forces de la coalition avait aidé «un nombre relativement restreint» de personnes, et que beaucoup d’autres étaient susceptibles de fuir le pays par voie terrestre.
S'exprimant lors d'un événement organisé par le groupe de réflexion londonien Policy Exchange, Sedwill a affirmé qu’il n’était pas possible de revenir sur la décision américaine de quitter l'Afghanistan, mais que ce retrait avait des conséquences pour la Grande-Bretagne et l'Occident.
«Tout d’abord, il faudra fournir un effort humanitaire majeur en Afghanistan et dans les pays voisins. Nous aurons vraiment beaucoup de chance si nous ne sommes pas confrontés à une grave crise de réfugiés», a-t-il précisé, ajoutant que les talibans devraient diriger un «gouvernement inclusif et totalement différent» de celui de la période durant laquelle ils étaient au pouvoir, avant l'invasion de l'Otan en 2001.
Le retrait américain, a-t-il poursuivi, «est à mon avis une mauvaise politique, mal mise en œuvre. C'est un acte d'automutilation stratégique. La victoire des talibans en Afghanistan alimentera sans aucun doute l'extrémisme et le terrorisme dans le monde, qu'il soit ou non dirigé de là-bas».
Il a également affirmé que le succès du pont aérien d'urgence, au cours duquel les États-Unis et leurs alliés ont évacué de Kaboul plus de 114 000 personnes qui avaient travaillé avec les forces de la coalition (ainsi que leurs familles), «ne pouvait, ni devait cacher que dans l'ensemble, aucune politique cohérente n’a été mise en place pour faire face aux flux de réfugiés hors d'Afghanistan».
Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 500 000 autres Afghans sont actuellement partis à pied, traversant les pays voisins, dont le Pakistan et l'Iran. Ce nombre vient s’ajouter aux 2,2 millions d'Afghans qui ont fui le pays pendant les vingt années de conflit.
La Grande-Bretagne va faire face aux milliers d’Afghans qui voudraient s’établir au Royaume-Uni, et qui n'ont pas pu être évacuées avant que les États-Unis n'achèvent le retrait de leurs forces.
Jeudi, le ministre britannique des Affaires étrangères, Dominic Raab, a déclaré que les évacuations pourraient reprendre de l'aéroport de Kaboul «dans un avenir proche», alors que des pourparlers sur le fonctionnement de l'aéroport sont en cours entre les talibans, le Qatar et la Turquie.
Le ministère britannique des Affaires étrangères a déclaré que le Royaume-Uni enverrait immédiatement 10 millions de livres sterling (environ 11,5 millions d’euros) d'aide d'urgence au HCR pour la fourniture d'abris, d'installations sanitaires et de matériel d'urgence pour les camps de réfugiés frontaliers, et 20 millions de livres supplémentaires (environ 23,5 millions d’euros) aux pays d'Asie centrale pour faire face à l'augmentation attendue des arrivées de réfugiés.
Le Premier ministre, Boris Johnson, a affirmé que la Grande-Bretagne avait évacué 15 000 personnes d'Afghanistan lors du pont aérien, mais a reconnu qu'il ne savait pas combien de personnes éligibles à l'évacuation n'avaient pas réussi à se rendre à l'aéroport et à sortir du pays.
«La réponse est qu'il y en a effectivement, nous nous soucions beaucoup de leur situation, nous pensons à elles, et nous faisons tout notre possible pour les aider», a-t-il souligné.
Les pays voisins ayant déjà accueilli des millions d'Afghans, Sedwill a averti qu'on ne pouvait pas compter sur leur bonne volonté à long terme. «Ils ne peuvent vraiment pas accueillir davantage de personnes», a-t-il assuré.
Les souvenirs en Europe de la crise des réfugiés syriens de 2015 et de ses ramifications politiques – dont les conséquences se font encore ressentir aujourd'hui – ont incité les dirigeants européens à adopter une ligne dure sur de potentiels réfugiés afghans.
«L'Europe ne peut pas assumer seule les conséquences» de la prise du pouvoir par les talibans, a ainsi déclaré le président français, Emmanuel Macron, tandis que le ministre autrichien de l'Intérieur a laissé entendre que son pays n'accepterait aucun réfugié afghan.
Le HCR a estimé que dans le pire des cas, 500 000 personnes supplémentaires pourraient fuir l'Afghanistan.
La Grande-Bretagne s'est engagée à accueillir 20 000 réfugiés, et a affirmé qu'elle s'attendait à ce que 5 000 personnes arrivent dans le pays au cours de la première année.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com