LONDRES : "Effondrés" devant la prise de pouvoir éclair des talibans, les Afghans réfugiés au Royaume-Uni et leurs associations appellent à aider leurs compatriotes en détresse, tout en exprimant leur angoisse pour l'avenir de leur pays.
Des milliers d'Afghans tentent depuis la fin de la semaine dernière de fuir leur pays, avec en tête le souvenir du régime répressif des talibans entre 1996 et 2001, marqué par des violations répétées des droits humains.
Leurs compatriotes résidant déjà au Royaume-Uni depuis plusieurs années sont eux partagés entre "l'impuissance, la colère et la mobilisation", affirme à l'AFP Fahima Zaheen, directrice de l'association de réfugiés afghans Paiwand, basée à Londres.
Cette femme de 45 ans souhaite que le gouvernement britannique continue d'aider les association à intégrer les réfugiés y compris ceux qui immigrent clandestinement.
"Le gouvernement a eu les vingt dernières années pour éviter cette situation", mais il a "ignoré" tous les signaux, accuse-t-elle, affirmant que les futurs réfugiés ont désormais "besoin de notre soutien immédiat".
« Situation désespérée »
L'effondrement en moins de deux semaines du gouvernement afghan, soutenu pendant deux décennies par les puissances occidentales, a durement touché la communauté.
"C'est un tel désastre... Jamais nous ne pensions que les talibans reviendraient", se désole Nooralhaq Nasimi, directeur de l'Association d'Afghanistan et d'Asie centrale de Londres.
Décrivant une "situation désespérée", le directeur de l’Association afghane de Londres Karim Shirin déplore que l'Afghanistan soit "une fois de plus laissé pour compte par la communauté internationale".
Les associations critiquent tout particulièrement le président américain Joe Biden et le Premier ministre britannique Boris Johnson, jugeant trop hâtif le retrait militaire, qui a livré l'Afghanistan aux talibans.
"Construire une nation, une démocratie, est une solution à long terme. Vingt ans ne suffisent pas", explique Nooralhaq Nasimi, qui a fui l'Afghanistan et gagné le Royaume-Uni à bord d'un camion réfrigéré en 1999.
Safir Khan, demandeur d'asile afghan de 31 ans, a beaucoup pleuré en voyant les talibans reprendre le pouvoir et ses compatriotes désespérés se ruer vers les avions militaires étrangers à l'aéroport de Kaboul. "Il n'y a pas de vie dans notre pays", dit-il à l'AFP, "Les talibans n'aident pas les gens - ils ne savent que les tuer".
Les journalistes, militants, traducteurs et ceux ayant travaillés pour le gouvernement afghan ou les forces étrangères redoutent les représailles des talibans, qui ont tué et torturé des dizaines d'interprètes afghans en deux décennies de guerre.
Selon les informations du Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), les talibans ont déjà fouillé cette semaine les domiciles "d'au moins quatre journalistes et employés" de médias et au moins deux autres ont été frappés à Jalalabad (est du pays).
Douloureux souvenirs
Cela ravive de douloureux souvenirs chez Homed Mohammad, 31 ans, réfugié au Royaume-Uni depuis 2001: il se souvient de l'époque où les talibans coupaient les mains des voleurs, terrorisaient les femmes et interdisaient la musique et le football.
"Tout ce qui m'importe, c'est ma famille là-bas - je ne sais pas ce qui va se passer", dit-il.
Le Royaume-Uni s'est engagé à accueillir 20 000 réfugiés afghans sur plusieurs années, dont 5.000 la première, en donnant la priorité aux femmes, enfants et personnes les plus vulnérables aux représailles des talibans.
Adris Tokhi, 35 ans, avocat spécialisé dans l'immigration travaillant pour l'association de réfugiés afghans Paiwand, explique avoir été submergé par un nombre "incalculable" de demandes de renseignements de la part d'Afghans inquiets. Pour lui, le Royaume-Uni devrait accueillir plus de réfugiés dès la première année, "la plus importante".
Le sort des femmes en particulier inquiète, les talibans leur ayant interdit de travailler ou d'aller à l'école lorsqu'ils étaient au pouvoir, en vertu de leur interprétation stricte de la loi islamique.
"Il y a eu beaucoup de progrès et il serait malheureux de repartir à zéro", se désole Mariam Baraky, responsable chez Paiwand.
Mais Karim Shirin estime impossible que les talibans reviennent sur vingt ans de progrès: "les gens ne supporteront pas de nouvelles atrocités de leur part", veut-il croire.