WALLERS : "C'est notre histoire, filmée une deuxième fois ici, vingt-huit ans après !", exulte Daniel Dhollande, figurant invité mardi à l'avant-première de la série "Germinal" dans l'ex-site minier de Wallers-Arenberg (Nord), principal décor de cette nouvelle adaptation du roman de Zola, comme du film de Claude Berri en 1993.
"Mon grand-père était mineur, j'étais électricien dans les mines, figurant pour Berri et cette fois, j'ai fait embaucher mon petit fils comme galibot (jeune manœuvre). C'est extraordinaire", s'émeut M. Dhollande, 73 ans, impatient de découvrir les deux premiers épisodes, à l'occasion du festival Séries Mania.
Réalisés par David Hourrègue, les six épisodes de 52 minutes sont produits par Banijay, pour France Télévisions, la RAI italienne et la plateforme Salto. Il s'agit du premier des grands projets internationaux nés de "l'Alliance" des télévisions publiques française, italienne et allemande, l'objectif étant "que les séries françaises changent d'ampleur", a rappelé avant la projection Stéphane Sitbon Gomez, directeur des programmes à France Télévisions.
La mini-série sera diffusée dès mercredi sur Salto, puis dans quelques semaines sur France 2.
Elle reprend l'histoire d'Etienne Lantier, jeune ouvrier empreint d'idées socialistes enrôlé dans les mines de Montsou, révolté par la misère et l'exploitation du peuple de charbon. Il rencontre la famille Maheu et tombe amoureux de leur fille Catherine, courtisée par un autre. Lorsque la Compagnie des mines baisse les salaires, les "gueules noires" se mettent en grève. Tous subiront la faim et une violente répression.
"Relecture moderne"
Comme le roman de 1885, la série "rend hommage" à ces prolétaires écrasés par le système, montre "leur dangereux labeur, éreintant, leur dignité", et les prémices de la lutte sociale, selon le scénariste, Julien Lilti. "Si nous avons remanié par moments l'intrigue, (...) je crois qu'on l'a fait avec énormément de fidélité à l'intention initiale de Zola".
Avec 2 400 figurants, 700 costumes, et un budget d'environ 12 millions d'euros, la série met l'accent sur les personnages féminins. Le casting mêle des acteurs célèbres, comme Thierry Godard ou Alix Poisson, et de nouveaux visages, dont Louis Peres.
Le directeur des programmes de la plateforme en ligne, Thomas Crosson, y voit une "relecture moderne" d'une œuvre "entrée dans l'imaginaire collectif".
Surmontée de trois imposants chevalements d'acier, la fosse de Wallers-Arenberg, classée au patrimoine mondial, ravive la mémoire des figurants, dont plusieurs anciens mineurs. Exploitée de 1899 à 1989, elle a employé jusqu'à 4.000 personnes. Elle est aujourd'hui un pôle dédié à la création cinématographique.
"Soulèvement du peuple"
"J'ai travaillé ici !", lance Aimable Patin, ex-mineur de 75 ans, "consultant" pour la série. "Des gens ont souffert à 700 mètres sous terre, ils en sont morts, c'était pas du cinéma", souffle-t-il. Mais "c'est important de raconter, transmettre aux jeunes".
"On ne pouvait pas faire +Germinal+ sans incorporer les habitants, les descendants", juge David Hourrègue, pour qui "chaque figurant" était crucial, dans un récit parlant "d’esprit de corps des mineurs, du soulèvement du peuple".
Matériaux, vêtements, techniques: pour coller à la réalité du XIXe siècle, les équipes se sont appuyées sur les archives du centre minier de Lewarde, et les conseils du conservateur du musée de la mine de Bruay, Didier Domergue.
Vêtu de la tenue de son grand-père et visage noirci, Bastien Coquery, éducateur spécialisé de 32 ans et figurant, se faufile dans la salle. "J'ai grandi là dedans, le sous-sol de mon père abrite une veine de charbon reconstituée, avec des mannequins, des dizaines d'objets", sourit-il. "Ces mines ont détruit les hommes, mais leur ont donné leur identité".
Dès le générique de fin, le public acclame l'équipe, debout. "J'ai vécu ça", s'émeut l'ex-mineur Jean Lepczynski, citant "les morts, la peur", et "le fonds, cet autre monde".