AL-MOUKALLA: Au Yémen, les Houthis, soutenus par l’Iran, ont enlevé un jeune chanteur dans une salle de mariage à Sanaa pour avoir enfreint leur interdiction de chanter.
Cela intervient alors que la milice intensifie sa «répression des mœurs», selon les résidents et les militants.
Mardi, vers 2 heures, des miliciens houthis ont pris d’assaut la salle de mariage et ont enlevé le chanteur Aseel Abou Bakr. Le groupe armé l’a emmené dans un lieu non identifié de la capitale après avoir confisqué son oud et d’autres instruments de musique.
Le chanteur avait échappé de justesse à un autre assaut des Houthis en 2019 alors qu’il chantait lors d’un mariage dans la ville d’Amran. Il a fui l’événement par une sortie de secours peu avant l’arrivée des combattants armés.
Depuis ce jour, les résidents pensent que les Houthis ont placé Abou Bakr sur la liste de personnes recherchées et sont déterminés à le capturer.
D’un lieu non identifié, le chanteur kidnappé a publié une courte vidéo sur son compte Facebook quelques heures après l’enlèvement, rassurant ses fans qu’il se portait bien et attribuant son enlèvement à un «malentendu».
Des dizaines d’abonnés lui ont fait part de leur soutien, estimant que la vidéo avait été enregistrée sous la menace d’une arme. «Nous t'aimons tous [...] n’aie pas peur. Tu devrais nous dire ce qui t’est arrivé au lieu de dire qu’il y a eu un malentendu», a écrit l’un d’eux.
Les Houthis, qui ont pris le pouvoir fin 2014, ont imposé des codes moraux stricts sur leur territoire: interdiction de chanter dans les mariages et les lieux publics, enlèvement des femmes et des hommes qui se retrouvent dans les restaurants et les parcs, et persécution des actrices et des femmes artistes.
L’enlèvement d’Abou Bakr a suscité la colère des Yéménites qui ont condamné le fait que la milice prenne pour cible les musiciens dans les régions qu’elle contrôle.
Les militants accusent les Houthis d’importer au Yémen un radicalisme «semblable à celui de de l’État islamique et d’Al-Qaïda», et appellent les groupes de défense des droits locaux et internationaux à «dénoncer les Houthis publiquement».
«C’est du terrorisme et cela montre sans aucun doute que les Houthis sont plus extrémistes et fascistes que l’EI et Al-Qaïda», a déclaré à Arab News Sami Noaman, journaliste yéménite qui a documenté la répression des mœurs exercée par la milice.
Il a indiqué que les Houthis prennent d’assaut des salles de mariage et «fourrent leur nez dans la vie personnelle des gens», ajoutant qu’ils «exercent un chantage sur les chanteurs enlevés pour qu’ils versent de l’argent à leurs combattants ou rejoignent les champs de bataille».
Il a par ailleurs critiqué la communauté internationale pour avoir fermé les yeux sur les abus des Houthis.
«Les Yéménites ne peuvent plus compter sur la pression de la communauté internationale pour influencer la milice. Seul un soulèvement mené par les Yéménites peut y mettre un terme», a affirmé M. Noaman.
Les chanteurs yéménites et critiques virulents du mouvement qui vivent à Sanaa ont dénoncé les assauts des Houthis sur les mariages.
Le célèbre musicien Salah al-Akhfash a partagé une ancienne photo de lui avec Abou Bakr, suivie d’une publication exprimant son soutien aux musiciens kidnappés.
Quant au juge Abdel Wahab Qatran, il a écrit sut Twitter : «L’enlèvement du chanteur Aseel Abou Bakr d’une salle de mariage par les “talibans” de Sanaa est un crime imprescriptible. Chanter ne constitue pas un crime et est admissible.»
D’autres Yéménites ont appelé le mouvement houthi à adopter des mesures de répression de la corruption et à payer les salaires des fonctionnaires au lieu d’enlever et de persécuter les musiciens.
«Lors d’une fête de mariage à Sanaa, le gang terroriste des Houthis a enlevé le musicien Aseel Aou Bakr et l’a emmené vers une destination inconnue, parce que les chansons sont interdites! Le mouvement houthi est une malédiction pour le pays», a tweeté la journaliste yéménite Samia al-Aghbari.
Au début du mois dernier, un poste de contrôle des Houthis dans la province occidentale de Hodeïda a détenu le chanteur yéménite Fouad al-Kibsi pendant huit heures et lui a confisqué ses biens après qu’il a enfreint leur interdiction de jouer de la musique.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com