OSLO: Nargis Nehan, une ex-ministre afghane de l'exécutif chassé par les talibans, a déploré mardi depuis son exil en Norvège le calendrier "irresponsable" choisi par le président Joe Biden pour le retrait américain, qui va attiser selon elle les rancoeurs et la colère.
"Les Etats-Unis ont été en Afghanistan pendant 20 ans, rester un an de plus n'aurait eu aucune différence pour eux, au moins financièrement et politiquement", a déclaré Mme Nehan dans un entretien à l'AFP, six jours après sa fuite de son pays par le couloir aérien occidental.
Elle a dénoncé un retrait "mal géré" et "irresponsable". "Le président Biden aurait pu dire +d'ici septembre 2022 je ne veux plus aucun soldat en Afghanistan. Mais d'ici là je veux être sûr que j'ai un accord entre le gouvernement et les talibans, et avoir évacué tous nos employés et partenaires locaux", a-t-elle affirmé.
L'ancienne ministre des Mines et du Pétrole, qui avait quitté ses fonctions en octobre 2019 pour protester contre le manque de soutien de l'exécutif du président Ashraf Ghani pour réformer le secteur, a raconté avoir choisi de fuir le pays au moment où son chauffeur a été attaqué par des hommes non identifiés le jour de la prise du pouvoir par les talibans.
Les tirs contre son employé, qui a survécu, ont été considérés comme une menace contre elle-même, a expliqué l'ancienne ministre de 40 ans.
"J'avais travaillé au gouvernement ainsi que dans la société civile et été une militante et une politique à la parole forte. Donc quand on s'exprime on se crée des ennemis", a souligné Mme Nehan, qui avait à l'origine prévu de fuir pour les Etats-Unis avant de parvenir à trouver un siège pour la Norvège
L'ex-membre du gouvernement a déploré le gâchis de "plus de 2 000 milliards d'investissements de la communauté internationale ainsi que du sang versé, surtout le sang d'Afghans".
"Ils ont tout laissé tomber et c'est très décevant de voir que personne n'est tenu pour responsable", a-t-elle affirmé au moment où Joe Biden doit défendre son choix.
"Les gens en dehors d'Afghanistan voient principalement ce qui se passe à l'aéroport (de Kaboul, ndlr) mais ils ne voient pas ce qui se passe ailleurs dans un pays avec plus de 2,5 millions de déplacés", a également souligné l'ex-ministre.
"Le sentiment d'être abandonné, d'être ignoré, trahi ne va faire que créer plus de rancoeur contre la communauté internationale (...) Ma grande crainte, c'est de voir encore plus d'extrémisme en Afghanistan", a-t-elle déploré.