KABOUL : Le pont aérien pour faire sortir les Afghans souhaitant fuir le nouveau régime taliban est entré dimanche dans sa phase finale, à quelques jours de la date butoir du 31 août prévue pour le retrait des soldats américains d'Afghanistan, après 20 ans de guerre.
La quasi totalité des pays ont déjà mis fin à leurs opérations à l'aéroport international Hamid Karzai.
Le gigantesque pont aérien a permis l'évacuation de près de 112 000 étrangers et Afghans depuis le 14 août, veille de la prise de Kaboul par les talibans, et d'environ 117 500 depuis fin juillet, selon les derniers chiffres communiqués par le gouvernement américain.
Les Britanniques ont mis fin à leur pont aérien
"Le dernier vol transportant du personnel des forces armées britanniques a quitté Kaboul", a tweeté samedi le ministère britannique de la Défense.
Le dernier avion évacuant uniquement des civils avait décollé plus tôt samedi de la capitale afghane. Des centaines d'Afghans éligibles au départ sont restés sur place.
L'opération d'évacuation s'est déroulée "aussi bien que possible au vu des circonstances", a déclaré le chef des forces armées britanniques, le général Nick Carter, "mais nous n'avons pas pu faire sortir tout le monde et c'est déchirant".
Le Premier ministre Boris Johnson a adressé ses remerciements à ceux qui ont conduit l'opération, au cours de laquelle plus de 15 000 personnes ont été évacuées en moins de deux semaines.
Tout comme la France
La France avait mis fin dès vendredi soir à son pont aérien. "Près de 3 000 personnes, dont plus de 2 600 Afghans", ont été mises à l'abri, selon la ministre française des Armées, Florence Parly.
Le président Emmanuel Macron a précisé samedi que c'étaient 2 834 personnes qui avaient été évacuées depuis le 17 août par "une quinzaine de vols" opérés par la France via les Emirats arabes unis. Parmi ces personnes évacuées figuraient 142 Français et 17 Européens d'autres nationalités, a-t-il ajouté.
Ce pont aérien a dû être interrompu, "les conditions de sécurité n'étant plus remplies sur l'aéroport" de Kaboul en raison du "désengagement rapide des forces américaines", ont expliqué vendredi Mme Parly et le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
... ainsi que nombre d'autres pays avant eux
La Suisse, l'Italie, l'Espagne et la Suède ont annoncé vendredi avoir terminé leurs vols d'évacuation, comme l'Allemagne, les Pays-Bas, le Canada ou l'Australie avant elles.
L'Italie assure avoir évacué plus d'Afghans que tout autre pays de l'Union européenne, soit 4 900.
L'Allemagne a exfiltré 5 300 personnes de différentes nationalités, l'Australie 4 100, le Canada plus de 3 700, l'Espagne plus de 2 200, la Norvège 1 100, la Suède le même nombre.
Mais le plus gros contingent l'a été par les Etats-Unis, qui poursuivent leurs opérations.
Et la suite?
La France appelle à la mise en place d'opérations humanitaires, avec d'autres pays alliés, pour permettre aux milliers d'Afghans qui n'ont pas réussi à être évacués à partir par d'autres moyens.
Le président Emmanuel Macron a annoncé samedi que des "discussions" avaient été entamées avec les talibans afin de "protéger et rapatrier des Afghanes et des Afghans" en situation de risque.
Ces évacuations sont planifiées conjointement avec le Qatar qui, dans le cadre de ses discussions avec les talibans, a la possibilité d'"aménager des opérations de pont aérien", a précisé M. Macron lors d'une conférence de presse à Bagdad, à l'issue d'un sommet régional.
L'Italie s'est dite "prête, avec les Nations unies, avec les pays limitrophes de l'Afghanistan, à travailler pour garantir à ces personnes, qui ont collaboré avec nous ces 20 dernières années, d'avoir la possibilité" de partir. Le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi di Maio, a souligné que commençait désormais "la phase la plus difficile".
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a assuré qu'il remuerait "ciel et terre" pour continuer à faire sortir des gens après le 31 août.
Des milliers de personnes encore dans l'aéroport
Environ 5 400 personnes étaient réfugiées dans l'enceinte de l'aéroport samedi matin, attendant de monter dans un avion, selon les Américains, qui entendent faire en sorte que les évacuations se poursuivent "jusqu'au dernier moment".
En revanche, les milliers de personnes qui étaient massées depuis des jours à l'extérieur, dans l'espoir d'accéder au tarmac, ont disparu, a constaté un journaliste de l'AFP, alors qu'une attaque, revendiquée par le groupe jihadiste Etat Islamique, a fait au moins 85 morts jeudi.
Macron plaide pour une zone protégée dans Kaboul
La France et le Royaume-Uni vont plaider lundi à l'ONU pour la création à Kaboul d'une "safe zone", c'est à dire une zone protégée qui permettra la poursuite des opérations humanitaires sur place, a déclaré Emmanuel Macron au Journal du Dimanche.
Alors que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité doivent se réunir lundi au sujet de la crise afghane, Londres et Paris élaborent un "projet de résolution" qui "vise à définir, sous contrôle onusien, une +safe zone+ à Kaboul qui permette de continuer les opérations humanitaires", a indiqué Emmanuel Macron.
"C’est très important. Cela donnerait un cadre des Nations unies pour agir dans l’urgence, et cela permettra surtout de mettre chacun devant ses responsabilités et à la communauté internationale de maintenir une pression sur les talibans", a-t-il ajouté dans un entretien au Journal du Dimanche.
Entamées il y a deux semaines avec la prise de Kaboul, les opérations d'évacuation des Afghans fuyant le régime taliban touchent à leur fin à l'aéroport, à mesure qu'approche la date-butoir du 31 août prévue pour le retrait des soldats américains.
La France a ainsi cessé ses opérations vendredi soir, et le Royaume-Uni samedi.
Mais M. Macron a annoncé samedi que des discussions avaient été "entamées avec les talibans" pour "protéger et rapatrier des Afghanes et des Afghans" en situation de risque au-delà du 31 août.
La France compte sur l'aide du Qatar qui, grâce à ses bonnes relations avec les talibans, "a la possibilité d'aménager des opérations de pont aérien ou de réouverture de certaines lignes aériennes", a précisé M. Macron depuis Bagdad, où il assiste à un sommet régional.
Au Journal du Dimanche, M. Macron a dit imaginer des évacuations ciblées "qui ne se feront pas par l’aéroport militaire de Kaboul".
"On verra si cela peut se faire par l’aéroport civil de la capitale ou par les pays voisins", a-t-il précisé.
Le chef de l'Etat a par ailleurs fustigé "une certaine forme de discours clientéliste qui agite les peurs", au sujet de l'arrivée de réfugiés afghans en France.
"Mon rôle n’est pas d’agiter les peurs chez nos compatriotes, c’est d’apporter des solutions pour les résoudre", a-t-il ajouté, assurant vouloir "gérer cette pression migratoire avec humanité, fermeté, avec une capacité à protéger nos frontières comme il le faut, avec une solidarité entre Européens et une politique adaptée avec les pays de la région".