BAGDAD: La crise afghane et la lutte antiterroriste se sont invitées samedi au sommet de Bagdad, où les dirigeants régionaux et Emmanuel Macron ont aussi dit leur attachement à la "souveraineté" de l'Irak, qui ambitionne de jouer un rôle de médiateur entre ses voisins.
Car la prise du pouvoir par les talibans il y a près de deux semaines en Afghanistan et l'attentat perpétré par l'État islamique au Khorasan (EI-K) qui a tué plusieurs dizaines de personnes jeudi à Kaboul ont bousculé les échanges.
La France a mis fin à son pont aérien vendredi soir, mais, a révélé le président français, "des discussions ont été entamées" avec les talibans afin de "protéger et rapatrier" des Afghans.
Ces évacuations sont planifiées conjointement avec le Qatar qui, grâce à ses relations avec les talibans, peut organiser "des opérations de pont aérien", a-t-il précisé lors d'une conférence de presse après le sommet régional.
À Bagdad, M. Macron s'est entretenu en aparté avec l’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al-Thani pour évoquer la manière dont Doha pourrait aider la France.
Depuis le 17 août, Paris a évacué d'Afghanistan 2 834 personnes, dont 142 Français, 17 Européens et plus de 2 600 Afghans menacés, a indiqué le président français.
«Tant que l'Irak le demandera»
L'attentat de Kaboul a aussi mis en relief la "menace" que représente l'EI, a prévenu M. Macron en prélude à la conférence, tout en appelant à "ne pas baisser la garde" face aux jihadistes.
L'Irak, où des cellules de l'EI continuent de mener des attentats quatre ans après sa défaite militaire, et la France "sont des partenaires clés dans la guerre contre le terrorisme", lui a répondu le Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi.
"Nous refusons que l'Irak soit utilisé comme terrain de conflits régionaux et internationaux", a-t-il ensuite martelé lors de son intervention à la conférence.
Paris fournit à l'Irak un appui militaire, notamment aérien, avec en moyenne 800 hommes dans le cadre de la coalition internationale qui continue de livrer bataille contre l'EI.
Et, "quels que soient les choix américains, nous maintiendrons notre présence pour lutter contre le terrorisme en Irak, aussi longtemps que l'Irak le demandera", a assuré Emmanuel Macron.
Quelque 2 500 soldats américains sont toujours déployés en Irak. Aucune date n'a été fixée pour leur retrait définitif, mais à partir de l'an prochain ils se cantonneront officiellement à un seul rôle de "conseillers" auprès des forces irakiennes.
Dimanche, le président français se rendra au Kurdistan irakien, où il saluera la lutte des Kurdes contre l'EI, puis à Mossoul, symbole de la victoire contre le groupe radical qui l'a occupée de 2014 à 2017.
Par cette conférence régionale, l'Irak souhaitait "désamorcer" les tensions entre l'Iran et l'Arabie saoudite, selon un conseiller de M. Kazimi. L'Irak, qui a déjà accueilli des pourparlers à huis clos entre ses deux puissants voisins, veut devenir un hôte incontournable de la région.
«Milices armées»
La seule présence des chefs de la diplomatie iranien et saoudien est une "réussite", s'est réjoui un conseiller du Premier ministre irakien. L'Iran et l'Arabie saoudite n'ont plus de relations diplomatiques depuis 2016 et ils s'opposent sur les conflits yéménite et syrien.
Lors de son intervention, le ministre saoudien des Affaires étrangères Faysal ben Farhane a souligné les "efforts du gouvernement irakien pour lutter contre l'État islamique et contrôler les armes" entre les mains des "milices armées", une allusion à peine voilée au Hachd al-Chaabi, une organisation composée de dizaines de groupes paramilitaires chiites dont la plupart sont pro-Téhéran.
Désormais intégrés à l'État irakien, ces groupes sont accusés par les militants antipouvoir d'être la main de l'Iran en Irak et un instrument de répression des voix les plus critiques.
Sans évoquer les accusations portées contre son pays par les militants irakiens, ni désigner nommément l'Arabie saoudite, le chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian a dit, lui, son attachement à la "stabilité et à l'intégrité territoriale de l'Irak".
Outre l'émir du Qatar et les chefs de la diplomatie iranien, saoudien et turc, étaient également présents le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le roi Abdallah II de Jordanie, entre autres responsables régionaux.
Sur le plan diplomatique, M. Sissi s'est entretenu avec l'émir du Qatar en marge du sommet, selon la présidence égyptienne. Une première depuis un sommet qui a mis fin en janvier à l'isolement de Doha de la part de l'Égypte, des Émirats, de l'Arabie saoudite et de Bahreïn.