WASHINGTON : Les Etats-Unis ont-ils partagé avec les talibans des listes de noms d'Américains ou d'Afghans "à risque" pour faciliter leur évacuation? Cette hypothèse, pas vraiment démentie par Joe Biden, faisait hurler vendredi ses opposants à Washington.
La polémique est partie d'un article du site Politico, qui a rapporté jeudi que des responsables américains à Kaboul avaient donné aux talibans "une liste de noms de ressortissants américains" et "d'alliés afghans afin de leur permettre l'entrée" à l'aéroport.
Interrogé jeudi lors de sa conférence de presse, le président américain a semblé reconnaître cette possibilité.
"Je ne peux pas vous dire avec certitude s'il y a vraiment eu une liste de noms. C'est possible mais je ne suis pas au courant", a-t-il expliqué. "Cela ne veut pas dire que cela n'a pas eu lieu, qu'on ait pu dire +Voilà les noms de 12 personnes qui arrivent, laissez-les entrer+, c'est tout à fait possible."
Il a même directement confirmé que l'armée américaine avait parfois "contacté ses homologues militaires au sein des talibans pour leur dire, par exemple, +Ce bus arrive avec tant de personnes, ou avec tel groupe de personnes à bord+".
"Jamais dans l'histoire de ce pays nous n'aurions pensé que notre propre gouvernement pourrait donner des noms d'Américains aux talibans", s'est indigné vendredi le chef des républicains à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, devant la presse.
Il a reproché au président démocrate de n'avoir pas "créé les conditions" d'une évacuation sûre. D'autres ont même accusé le gouvernement d'avoir livré aux talibans des "listes de personnes à tuer", s'agissant des Afghans jugés en danger de représailles de la part des nouveaux maîtres islamistes de Kaboul pour avoir travaillé avec les Etats-Unis.
Face au tollé, des responsables américains se sont employés vendredi à défendre une indispensable "coordination" avec les talibans, qui contrôlent l'accès à l'aéroport, pour mener à bien les évacuations.
"L'idée que nous fournissons aux talibans des noms, ou des informations d'identification personnelle, de manière à exposer quiconque à des risques supplémentaires est simplement fausse", a martelé le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.
Il a évoqué des "tactiques efficaces" pour faciliter l'arrivée à l'aéroport, estimant qu'elles avaient porté leurs fruits en permettant l'évacuation de dizaines de milliers de personnes depuis mi-août.
Et il a estimé que le fait que "la grande majorité du personnel local" de l'ambassade américaine avait pu "rejoindre l'aéroport en toute sécurité" pour partir en était la preuve: "il s'agit de personnes contre lesquelles on peut penser que les talibans voudraient se venger", a-t-il souligné.
"Ce qui est très important en ce moment, c'est, sur le terrain, de s'assurer que quand des gens approchent des barrages, que les talibans qui dirigent ces barrages sachent qui arrive, quels documents ils sont censés avoir", afin de "faire entrer les gens aussi vite que possible", a dit pour sa part le général Hank Taylor devant la presse.
Des responsables américains ont notamment évoqué la possibilité de partage d'indications sur des véhicules ou des convois, comme des numéros de plaques d'immatriculation ou leur heure d'arrivée à l'aéroport -- sans exclure catégoriquement que des noms aient pu, ponctuellement, être fournis.