La politique agressive du président turc, Recep Tayyip Erdogan, en Méditerranée orientale et en Libye sera au centre des discussions du sommet Euromed des sept pays européens, qui se tiendra jeudi dans la ville corse d’Ajaccio.
« Pour le président français, Emmanuel Macron, il existe un intérêt méditerranéen collectif de l’Union européenne qu’il convient d’affirmer, pour des raisons qui tiennent à la fois à la stabilité, à la sécurité et aussi au développement des intérêts européens », a ainsi précisé l’Élysée à la veille du sommet d’Ajaccio.
Sur ce plan, la France souhaite que la médiation allemande engagée entre la Grèce et la Turquie puisse reprendre, les négociations ayant été interrompues par les Turcs à la fin du mois d’août. Avec le déploiement de Rafale et de deux navires de guerre à Chypre et au large du Liban, en soutien à la Grèce qui s’oppose à l’exploration de gaz par Ankara dans une zone que la Grèce revendique, la France avait renforcé sa présence militaire en Méditerranée orientale. Les deux pays étant en désaccord sur leurs frontières maritimes, Macron avait également déploré les tensions provoquées par les décisions unilatérales de la Turquie en matière d’exploration pétrolière.
Par ailleurs, la France s’oppose toujours fermement à l’intervention turque en Libye. « Nous, pays méditerranéens de l’Union européenne, avons collectivement des termes de référence clairs qui sont ceux de la conférence de Berlin sur la Libye, qui stipule qu’il est nécessaire que le dialogue politique, initié à l’époque par l’envoyé de l’ONU Ghassan Salamé, reprenne, pour que se mettent en place des institutions de transition. De manière à procéder à la réunification des institutions libyennes et à la levée de l’embargo sur l’exportation du pétrole par l’armée libyenne et la définition d’un mécanisme de compte. Ce dernier est nécessaire pour que chacun en Libye puisse obtenir la clarté sur l’affectation des ressources et la nécessité d’établir un cessez-le-feu qui soit globalement respecté en dépit d’une solution fragile et délicate », rapporte une source de l’Élysée.
Selon cette dernière, la Turquie exporte des miliciens radicaux venant de Syrie, et du matériel militaire qui continue à être exporté vers l’Ouest de la Libye. La France estime donc que les Européens doivent prendre les dispositions nécessaires pour que l’Europe n’ait pas à gérer une intensification de la crise libyenne avec un risque sécuritaire fort, mais aussi migratoire, sur les pays voisins et européens.
En Syrie, par ailleurs, l’influence turque est mal acceptée par certains Européens, dont la France qui a fermement condamné l’offensive contre les positions des Kurdes, de solides alliés dans la lutte contre Daech. Erdogan s’est moqué aussi de l’implication française du président Macron au Liban. Il n’est pas exclu que l’ambition démesurée du président turc le pousse à intervenir sur la scène libanaise, où l’on commence à percevoir une volonté turque de financer quelques mouvements déstabilisateurs, pour ajouter au chaos libanais et entraver la volonté de la France d’extirper le Liban de la crise.
Il est certain que la politique menée par Erdogan, qui rêve de rebâtir l’empire Ottoman, constitue un vrai défi à l’Europe. Car malgré tous les problèmes que ce président turc lui cause en Méditerranée, l’Europe souhaite dialoguer encore avec ce pays membre de l’OTAN, soutenu par les États-Unis qui l’ont laissé faire en Syrie contre leurs alliés kurdes. L’Europe va réunir un sommet de l’Union le 24 septembre à Bruxelles, après l’Euromed d’Ajaccio, pour discuter de la politique turque en Méditerranée – notamment vis-à-vis de deux pays européens, la Grèce et Chypre – qui veut maintenir et intensifier le dialogue avec Erdogan.
En dépit des tensions croissantes entre la France et la Turquie, l’Élysée estime également que le dialogue avec Erdogan est important, et la Turquie jouit d’un partenariat économique important avec la France et l’Europe, et complique en cela la situation des pays européens de la Méditerranée, de la Grèce à Chypre en passant par Malte, exposée au départ des bateaux de migrants depuis la Libye.
Sans oublier que l’Allemagne, qui a rapproché sa position de la France en ce qui concerne l’intervention turque en Libye et sa violation des accords de Berlin, maintient une bonne relation avec la Turquie, compte tenu de l’importance de l’immigration turque en Allemagne.
Devant cet état des lieux, il est peu probable que la politique turque en Méditerranée soit sanctionnée par l’Europe, en dépit des tensions qui existent entre Macron et Erdogan. D’où l’insistance française sur l’intérêt collectif des Européens en Méditerranée et le besoin d’aligner les positions, afin de défendre les Européens de la Méditerranée orientale contre l’agression et les violations turques.
Randa Takieddine est correspondante en chef d’Arab News en français à Paris.
Twitter : @randaparis
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