BEYROUTH : La crise massive de carburant au Liban a contraint un médecin à utiliser deux motos et une voiture afin d’éviter les embouteillages que causent par les files d’attente aux stations-service, et pouvoir se rendre à l’opération d’accouchement urgente de sa patiente. En moins d’une heure, le Dr Julien Lahoud, obstétricien-gynécologue libanais, a été contraint de recourir à des moyens de transport inhabituels pour rejoindre sa patiente, en travail depuis 8h lundi matin.
«Ma patiente était à son neuvième mois, et je l’avais opérée dans le passé pour une césarienne», a indiqué le Dr Lahoud à Arab News mardi, racontant ce qui s’était passé en raison des routes bloquées.
Il a précisé que «la patiente souffrait et qu’il lui a fallu quelques heures pour atteindre l’hôpital» situé à Ghazir, une ville à l’est de Beyrouth.
Le médecin avait quitté sa clinique dans la capitale en direction de Jounieh (à environ 25 km). Il s’est alors retrouvé coincé dans un embouteillage intense, causé par des blocages routiers et des files de voitures de plusieurs kilomètres devant les stations le long de l’autoroute Beyrouth-Dora-Dbayeh-Jounieh.
«Nous voyons depuis quelques temps les voitures faire la file devant les stations-service. Par précaution, je garde en général un vélo dans le coffre de ma voiture, et je l’utilise pour les courtes distances», mentionne le Dr Lahoud. Mais il précise que ce n’était pas faisable lundi, en raison de la distance.
Ce jour-là, la circulation était pratiquement à l’arrêt, et la première partie du trajet du médecin vers Ghazir a dû se faire à moto.
«Je me suis déplacé en voiture à un moment où la circulation s’était décongestionnée près de Dbayeh. La voiture a parcouru une certaine distance mais elle s’est complètement arrêtée après le tunnel de Nahr Al-Kalb», a-t-il confié.
Sans hésiter une seconde, il ouvre la fenêtre de la voiture et arrête le premier motocycliste qu’il voit. «Sans même le connaître, je n’ai pas hésité à lui demander s’il pouvait me déposer à l’hôpital. Il a immédiatement accepté», raconte le Dr Lahoud, qui qualifie son « sauveteur» de «courageux».
Le généraliste explique que la situation médicale de sa patiente était critique, puisqu’elle avait déjà subi une césarienne, et que le temps était un facteur important.
«Heureusement, je suis arrivé à temps et elle a accouché sans qu’il n’y ait de complications. Son mari est arrivé en retard à cause des embouteillages», dit-il.
Le Dr Lahoud a partagé son expérience sur les réseaux sociaux, affirmant que la mère et son enfant se portent bien, mais qu’on ne pouvait pas en dire autant de son pays. «Le Liban ne va PAS bien», martèle-il.
Les médecins subissent de plein fouet les effets de la crise du carburant et des routes bloquées ces dernières semaines, déplore le Dr Lahoud.
«Certains propriétaires de stations-service nous fournissaient du carburant, mais malheureusement, nous hésitons à les solliciter car ils sont constamment fâchés par la crise actuelle», a-t-il déclaré, expliquant que les médecins ont dû s’entraider.
Le prix du carburant au Liban devrait doubler après que l’État a décidé samedi de modifier le taux de change utilisé pour tarifer les produits pétroliers, afin de remédier aux graves pénuries qui ont paralysé le pays.
Les routes sont bloquées aux quatre coins du Liban, les automobilistes font la file pour se procurer le peu d’essence qui reste. Par ailleurs, les prix s’envolent sur le marché noir, et certaines confrontations pour de l’essence ont été fatales.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com