BEYROUTH : La «météorite du Hermel» continue de susciter la controverse au Liban, au point de devenir un sujet tendance sur les réseaux sociaux du pays.
Au Hermel, une ville dans le gouvernorat de Baalbek-Hermel, à 143 km de Beyrouth, un homme qui dit être employé par la NASA prétend avoir découvert une météorite vieille de 4 000 ans. Selon lui, la valeur de l’objet céleste se chiffre à des milliards de dollars.
Les Libanais ont réagi à la nouvelle avec scepticisme. «Au milieu de ces innombrables crises, il ne manquait plus qu’une météorite tombe sur le Liban», s’esclaffe un résident du pays accablé.
Selon les rumeurs, «un ingénieur géologue américain aurait visité le Liban il y a près d’un an, et se serait rendu au Hermel, à 780 mètres d'altitude, muni d'un GPS et accompagné d'un interprète».
L’homme «s'est rendu dans une zone géographique spécifique, située sur une propriété détenue par un individu absent de la ville ce jour-là. Il aurait donc demandé à la municipalité de se charger des procédures officielles, afin qu'il puisse revenir avec une équipe afin de repérer une météorite qui a atterri il y a 4000 ans», poursuivent les rapports.
L'ingénieur aurait expliqué que la météorite «pourrait être la plus grosse à avoir frappé le Moyen-Orient. Le projectile aurait créé un cratère de près de 130 mètres de diamètre d'environ et, une fois extrait, sa valeur scientifique serait considérable, et des musées scientifiques pourraient être établis sur les lieux».
Des résidents du Hermel affirment que la NASA «a détecté des matières radioactives dans l'une des propriétés autour du site».
Le maire de la ville, Sobhi Sakr, se serait alors mis à la recherche du propriétaire du terrain en question, Camille Nadim Mourad, dont l'adresse est inconnue.
En juillet, il publie un avis dans le Journal officiel, qui annonce que des travaux «d’intérêt public» allaient être effectués d’urgence «sur la propriété n° 2604».
L’avis demande à l'intéressé de communiquer avec la municipalité, et souligne que les travaux n’en modifieraient pas les caractéristiques, ni en diminueraient la valeur.
Les fouilles, qui ont débuté sur le site sans l’accord du propriétaire, ont déclenché une polémique sur les réseaux sociaux.
Taxé de «fraude et de cupidité», le maire est accusé de «fouiller en secret la propriété, dans l'espoir de tirer de gros profits».
À en croire certains, «un gramme de météorite vaudrait entre 4 000 et 8 000 dollars. Et si elle se trouve à une profondeur de douze mètres, sa valeur atteindrait les milliards de dollars, car son poids est évalué à douze tonnes, selon des études préliminaires menées par des scientifiques».
Aucun centre de recherche ne s’est penché sur l’affaire, ni a visité le secteur.
Les Libanais se sont tournés vers les réseaux sociaux pour discuter de la météorite du Hermel.
Certaines internautes y voient un «fléau de plus qui s'abat sur le Liban».
Le Liban «a reçu une météorite avant le courant électrique», ironisent d’autres.
Ou encore: «les partis au pouvoir vont à présent se quereller pour savoir comment répartir les parts de la météorite entre eux».
Le Dr Roger Hajjar, coordinateur du Groupe de travail pour l'astronomie au Liban, explique à Arab News que, «grâce à l'imagerie spatiale, la NASA peut surveiller les formes géographiques sur le globe qui ne peuvent pas être observée à partir de la surface».
«Avec le temps, les éléments naturels effacent de nombreux points de repère, mais ils peuvent être identifiés à partir de l'espace», dit-il.
Hajjar, cependant, juge les rumeurs sur les matières radioactives «non scientifiques».
«Si la météorite était tombée il y a 4 000 ans, elle aurait été documentée dans les annales. Cette région est continuellement habitée (depuis des millénaires), et un tel événement aurait été mentionné dans les écrits historiques». Mais ce n’est pas le cas, affirme-t-il.
Hajjar note que «plusieurs météorites sont tombées sur le Moyen-Orient et sont bien documentées. Des signes géographiques ont (par exemple) été découverts en Jordanie et en Arabie Saoudite».
«Depuis la formation du système solaire, des météorites tombent et (leurs traces) peuvent être observées sur la lune, sur Mercure, et sur d'autres corps célestes dont le paysage est resté immuable», poursuit-il.
Le maire Sakr refuse pour le moment de clarifier la situation.
Il s’est contenté de déclarer que «la municipalité soumettra des lettres officielles aux autorités compétentes et aux centres de recherche pour effectuer un suivi au cours des prochains jours».
Selon les rumeurs, le propriétaire du terrain aurait débuté une poursuite qui a mené à une décision judiciaire de suspendre les fouilles.
Le gouverneur de Baalbek-Hermel, Bashir Khoder, raconte qu’un mandataire du propriétaire lui a rendu visite au début du mois. Il l’aurait informé que la municipalité dit avoir été contactée par la NASA au sujet d'une météorite tombée sur la propriété il y a 4000 ans, et que des matières radioactives s’y trouvent.
Khoder affirme que le mandataire réclame qu’on empêche «la municipalité du Hermel de poursuivre les fouilles sur la propriété de son client».
«La NASA n'a communiqué avec aucun organisme officiel au Liban, ni avec le ministère de la Défense ou le ministère de l'Énergie» poursuit-il. Selon lui, il ne s'agit que de rumeurs, et il dit avoir envoyé une lettre à la municipalité qui l’exhorte à s’expliquer.
La municipalité du Hermel a déclaré lundi qu’un «représentant de la NASA a soumis une demande (…) il y a quelque temps pour obtenir l’autorisation d'inspecter un terrain situé sur la propriété no. 2604, afin de trouver des signes d’impact d’une météorite».
«La coopération municipale s’est faite conformément aux procédures légales. La municipalité a plus tard dépêché un employé et un interprète pour examiner le site. L’inspection préliminaire n’a révélé aucun indice concret qui nécessiterait d'informer les autorités compétentes ou de réclamer leur intervention. Aucune excavation n'a été effectuée dans la propriété en question».
Hajjar n'écarte pas la possibilité d’une arnaque.
«En ces temps d'effondrement économique, les gens sont prêts à croire toute illusion qui pourrait leur rapporter de l'argent», conclut-il.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com