BRUXELLES : Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a jugé "impossible" d'évacuer tous les collaborateurs afghans des pouvoirs occidentaux avant le 31 août et a déploré que les mesures de sécurité prises par les Etats-Unis à l'aéroport de Kaboul entravent cette évacuation, dans un entretien samedi à l'AFP.
L'administration américaine a fixé au 31 août la date du retrait définitif de ses forces d'Afghanistan et prévoit d'évacuer plus de 30 000 Américains et civils afghans.
"C'est mathématiquement impossible", a jugé Josep Borrell dans cet entretien réalisé par téléphone.
"A ce que je sache, les Américains n'ont pas annoncé qu'ils allaient rester au delà de cette date. Mais ils peuvent changer d'avis", a-t-il ajouté.
"Le problème est l'accès à l'aéroport. Les mesures de contrôle et de sécurité des américains sont très fortes. Nous nous sommes plaints. Nous leur avons demandé de montrer plus de flexibilité. Nous n'arrivons pas à faire passer nos collaborateurs", a-t-il confié.
La seule délégation de l'UE a Kaboul compte environ 400 collaborateurs afghans et leurs familles. Elle a promis de les évacuer, mais 150 seulement sont à ce jour arrivés en Espagne.
Le Canada a évacué près de 1 000 Afghans dans des conditions "chaotiques"
Le Canada a évacué près de 1 000 Afghans de leur pays, ont affirmé samedi de hauts responsables gouvernementaux canadiens, en pointant la dangerosité de la situation autour de l'aéroport de Kaboul.
"A ce jour, nous avons évacué près de 1 000 ressortissants afghans qui risquaient de subir des représailles pour leur travail avec le Canada et les pays alliés", ont-ils indiqué lors d'un point presse téléphonique.
Les personnes évacuées ne sont pas toutes destinées à être accueillies au Canada.
Près de 800 Afghans sont arrivés au Canada dans le cadre d'un nouveau programme spécial d'immigration, ont-ils précisé.
Les autorités canadiennes ont reçu environ 6 000 demandes, dont près de la moitié ont été traitées et approuvées.
Le Canada s'est engagé récemment à accueillir 20 000 réfugiés afghans dans le cadre de ce programme.
"Les conditions sur le terrain sont précaires, chaotiques et désespérées", ont souligné ces hauts responsables canadiens, évoquant une "mission dangereuse".
"C'est chaotique et désespéré à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'aéroport en ce moment", ont-ils précisé.
"Le simple fait de se rendre à l'aéroport est extrêmement dangereux", ont-ils admis.
Le Canada a repris jeudi ses vols vers Kaboul en envoyant deux avions militaires, pour la première fois depuis la prise de Kaboul par les talibans.
Samedi, l'ambassade des Etats-Unis en Afghanistan a exhorté les ressortissants américains à éviter de se déplacer vers l'aéroport de Kaboul à cause de "potentielles menaces de sécurité".
La gigantesque opération d'évacuation dans la capitale afghane, représente "l'une des plus difficiles de l'histoire", selon le président américain Joe Biden.
Les Etats-Unis ont annoncé avoir évacué environ 17 000 personnes depuis le 14 août.
"Il s'agit des collaborateurs actifs. Mais le nombre des Afghans qui ont travaillé avec nous au cours de ces 20 années est beaucoup plus important", a-t-il souligné.
"Kaboul compte deux aéroports. L'aéroport civil est entre les mains des talibans et aucun vol ne part. Les Américains contrôlent l'aéroport militaire. Les avions embarquent les gens qui sont sur le tarmac. Dans l'avion qui est arrivé à Madrid aujourd'hui, un tiers des passagers sont américains", a-t-il précisé.
"Si les Américains partent, les Européens n'ont pas la capacité militaire d'occuper et de sécuriser l'aéroport militaire et les talibans prendront le contrôle", a-t-il affirmé. Les Américains, avec les Britanniques, ont déployé 6 000 militaires pour contrôler l'aéroport militaire.
Josep Borrell a jugé nécessaire de discuter avec les talibans. "Si vous voulez faire sortir votre +staff+, il faut discuter avec les talibans", a-t-il expliqué.
"Tout le monde cherche à passer des accords avec les talibans. Nous avons des contacts avec les talibans, mais pas avec les dirigeants", a-t-il précisé.
"Parler ne veut pas dire reconnaitre", a-t-il insisté.
"Mais il sera impossible de faire sortir de Kaboul tous les afghans qui ont besoin de protection. C'est impossible. C'est inimaginable. Il ne faut pas raconter d'histoires. Il y a des priorités. Nous voulons faire sortir nos ressortissants et les collaborateurs afghans", a-t-il averti.